Gastronomie

Pierre Gagnaire : « Dolce Vita » à Hong-Kong et trois étoiles à Londres…

Du 7 au 12 octobre Pierre Gagnaire était aux côtés de l’équipe de Jacky Tauvry, le chef de son restaurant doublement étoilé « Pierre » au Mandarin Oriental pour lancer la carte d’automne et proposer pendant quelques jours les plats signatures de son restaurant italien « Piero » aux gourmands hongkongais. Durant son séjour, son restaurant londonien Sketch s’est vu décerner une troisième étoile dans l’édition britannique 2020 du Guide Michelin… Entretien.

Propos recueillis par Philippe Dova

Trait d’Union : Avec Alain Ducasse vous êtes le deuxième chef français a obtenir trois étoiles à Londres, vous avez appris la nouvelle en arrivant à Hong-Kong ?
Pierre Gagnaire : Oui, Hong-Kong est une ville qui me réussit plutôt bien et ce n’est pas la première fois que j’y apprends des bonnes nouvelles !
C’est en plus symbolique car je pense que l’ouverture de Pierre à Hong-Kong est étroitement liée à celle de Sketch à Londres. Pierre a été mon second projet à l’étranger : nous avons ouvert Sketch à Londres en 2003 et Pierre en 2006.

Que représente cette troisième étoile
outre-Manche ?
La reconnaissance de dix-sept ans de travail après des années d’incertitude !
Ce projet de Londres est très particulier. La définition de sketch en Français c’est « un trait qui ne se finit pas, une ébauche de quelque chose » ; c’est le maître mot de cet endroit. Ce restaurant étoilé a été très critiqué à ses débuts, c’était un endroit qui avait du mal à trouver sa place dans ce lieu effectivement insolite mais depuis cinq ans, c’est un lieu qui est tout le temps plein. La brasserie fonctionne très bien, nous sommes aujourd’hui l’un des « afternoon tea » les plus prisés de Londres puisque nous arrivons à servir 280 afternoon teas par jour, c’est tout à fait extraordinaire.
Ce qui est intéressant, c’est que cette troisième étoile récompense un endroit qui marche. Elle n’est pas là pour nous sauver mais pour affirmer que cet endroit délivre de la qualité sur un modèle économique parfaitement viable.
C’est le grand enjeu avec les personnes avec lesquelles je travaille.

Justement, Mourad Mazouz le propriétaire de Sketch est rayonnant sur la photo lors de la remise de cette troisième étoile…
Il est plus qu’heureux ! Il m’avait dit une fois, au début de notre collaboration, « Pierre je rêverais d’avoir trois étoiles », il ne me l’a jamais redit mais je sais qu’au fond de son cœur cette troisième étoile c’est un peu une revanche sur la vie. C’est un homme extraordinaire, c’est un « « ambianceur de génie, il ne donne pas du tout dans show off, uniquement dans la qualité.
J’ai appris beaucoup de choses à ses côtés surtout de bien sentir la clientèle.
Sketch aurait pu devenir une immense boîte de nuit mais nous ne voulions pas ça.
C’est vraiment un travail en commun, sa vision de la restauration, mon travail de cuisine avec aussi ma vision de la restauration, mon expérience que j’ai transmises dans un lieu insolite très très bien géré.

Votre épouse a twitté un très joli message pour cette troisième étoile au Sketch…
Le Sketch est un lieu très important pour nous puisque c’est là que nous nous sommes rencontrés… C’est une belle histoire d’amour qui n’aurait jamais du marcher mais qui fonctionne très bien ! Pierre à Hong-Kong est aussi très important pour nous : lorsque nous avons eu les premiers contacts avec Edouad Ettedgui qui à l’époque était le PDG du Mandarin, ma femme a joué un rôle important car elle a su trouver les mots… Elle ne trahit jamais ma pensée, j’ai complètement confiance en elle parce qu’elle sent bien ce que je suis, ce que je veux et ce que je ne veux pas… Et comme elle parle un Anglais bien meilleur que le mien, très diplomatique avec le sens de l’humour, les choses sont très faciles !

Votre venue cette fois est dédiée à la cuisine italienne, une pizzeria Pierre Gagnaire au restaurant Pierre le temps d’une semaine ?
Une trattoria (rire) ! Cette session à Hong-Kong est un petit clin d’œil asiatique au Piero, le restaurant italien que nous avons ouvert il y a quatre ans à Courchevel et à Paris cette année. C’est aussi une façon de montrer aux équipes ici une autre facette de ma réflexion et de ma cuisine et puis aux clients que nous ne sommes pas chauvins et que la France peut accueillir d’autres cuisines. Souvent je rêve les endroits et Piero c’est un peu l’Italie que je rêvais. Nous essayons de délivrer quelque chose qui soit joyeux, sympa, goûteux, élégant mais sur un mode italien.

La « dolce vita » de la cuisine revisitée par Pierre Gagnaire avec les produits italiens ?
Oui il n’y a qu’une chose que nous n’avons pas osé faire c’est d’apporter les plats en chantant (éclat de rire)…

Comment fonctionne votre restaurant à Shanghai ?
Très bien, il est en train de devenir un restaurant gastronomique alors qu’au départ nous voulions vraiment en faire une brasserie ! Mais comme le chef n’est pas mauvais du tout et les clients plutôt gourmands et curieux, le restaurant est en train de monter naturellement en gamme.

Macao ne vous tente pas ?
Non je ne suis pas joueur…

Quel a été l’impact pour vous de l’incendie du Fouquet’s à Paris ?
25 millions d’euros de pertes, 180 personnes sur le carreau pendant quatre mois…
L’adresse est mythique, le restaurant est bien reparti.
Fouquet’s c’est aussi Cannes, Courchevel, La Baule, Toulouse, Enghien les Bains, Montreux et dans quelques mois Saint-Barthélémy. Nous avons été engagés pour développer cette marque, il y a beaucoup de travail…