SingapourVue d'Asie

La France à Singapour pour lutter contre la pédopornographie

Une conférence orchestrée par le ministère français de l’Intérieur

Du 18 au 21 juin, s’est tenu dans la cité-Etat un séminaire international intitulé « Lutter contre l’exploitation sexuelle des mineurs : de l’image numérique à l’enfant abusé ».

Par Fabienne Caparros

Au siècle dernier, un certain Albert Einstein affirmait que « le progrès n’aura aucun sens tant qu’il y aura des enfants malheureux ». Les vérités de ce grand scientifique étaient aussi humaines. Or quel écho donner aujourd’hui à son axiome quand on sait, par exemple, que le développement des moyens de transport favorise le tourisme sexuel dont les enfants sont les premières victimes et que l’utilisation des nouvelles technologies informatiques et numériques, berceau de la cyberpornographie, permettent de satisfaire les demandes des pédophiles à travers le monde ? La mise en garde du plus grand génie humain fait froid dans le dos. Car pour les enfants abusés sexuellement, le progrès ne rend pas heureux. Il meurtrit.

 

Un trafic criminel mondial

En Asie du Sud-Est et du sous-continent indien, l’exploitation sexuelle et pornographique des mineurs est un véritable fléau qui croît de manière exponentielle au rythme des avancées technologiques. En effet dans cette zone peuplée de communautés extrêmement pauvres, la traite sexuelle des enfants apparaît, dans bien des cas, comme une alternative à la misère. Ainsi la région est-elle devenue progressivement un vivier de multiples activités criminelles, parmi lesquelles l’exploitation pornographique des enfants avec la diffusion en ligne de contenus à caractère sexuel. Un commerce particulièrement rentable si l’on en juge par les estimations du Fonds monétaire international (FMI) : entre 3 et 20 millions de dollars de bénéfices par an, tels seraient en effet les montants générés par cette industrie criminelle.

Le 18 juin à Singapour, Jérôme Bonet, directeur central de la police judiciaire française, ouvrait le séminaire.

 

Une coopération policière internationale

Si les victimes appartiennent à une zone géographique très ciblée, la cyber-pédopornographie est en revanche un phénomène planétaire. Sa lutte nécessite donc une entente policière et une forte coopération internationale. D’où l’initiative de la France d’organiser à Singapour cette conférence qui a réuni sur le sujet plus d’une centaine de spécialistes et représentants de 24 pays : la France, les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Allemagne, l’Australie, mais aussi l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, le Laos, les Philippines, la Thaïlande, le Sri Lanka, le Vietnam, les Maldives et Singapour, pour ne citer qu’eux.

Porté par le ministère français de l’Intérieur, ce séminaire international a rassemblé quatre services de Sécurité intérieure basés dans les ambassades de France de Singapour, du Vietnam, d’Inde et de Thaïlande. A eux quatre, ils couvrent 15 pays de la région Asie du Sud-Est particulièrement touchés par le phénomène.

D’importants partenaires d’Internet comme Facebook et d’autres acteurs numériques ont participé aux discussions pour exposer leurs implications dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs. Quant à Mastercard et PayPal, acteurs du secteur financier hautement impactés par cette industrie criminelle, ils étaient bien évidemment parties prenantes dans les discussions.

Durant quatre jours, les travaux ont porté sur le thème suivant : « De l’écran d’ordinateur du délinquant sexuel au lieu où les victimes ont été abusées : une meilleure détection, une meilleure investigation, une meilleure lutte financière ». Quant aux enjeux du séminaire, ils étaient au nombre de trois : la lutte contre le live-streaming (soit la diffusion en direct, à l’aide de webcams et à des fins commerciales, de vidéos d’abus sexuels commis sur des enfants), la lutte contre le tourisme sexuel et la lutte contre le financement de la pédopornographie.

Compte tenu du caractère extrêmement sensible du sujet, le séminaire s’est tenu à huis-clos. Il n’a sans doute pas été plus agréable à animer pour les intervenants, que cet article l’a été à écrire pour moi, ou à lire pour vous. Mais ne rien faire, ne rien écrire et ne rien lire reviendrait à fermer les yeux sur cette réalité abjecte et donc à cautionner le crime.

Albert Einstein a révolutionné le monde de la science, il serait souhaitable que cette conférence sur la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs ait la même résonance que ses travaux sur le plan humain en rappelant que, depuis l’aube des temps, l’enfant est sacré…

 

Aux représentants des 24 pays s’ajoutaient ceux d’organisations, entreprises ou agences, comme Facebook, Interpol, Mastercard, PayPal ou encore l’AGRASC (Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués) et le ICMEC (International Centre for Missing and Exploited Children), tous unis contre le crime sexuel.