Culture

Auguste Borget, un peintre-voyageur français méconnu

Par Eric Sautedé

Auguste Borget (1808-1877) est l’artiste français qui a certainement le plus peint Hong-Kong et Macao, pourtant, il reste méconnu du grand public. Lorsqu’en 1836 il entame son « Grand Tour » — ce parcours initiatique des peintres de l’époque, il se distingue de ses contemporains : ce ne sera pas l’Italie, ni la Grèce ou le Maroc, mais le monde, sphérique et lointain. Ami de Balzac et de Zulma Carraud, qui lui déconseillent ce voyage, Borget a été formé par le grand peintre de marine Théodore Gudin. Paysagiste, il veut donc multiplier ses sources d’inspiration.

Ce sera d’abord New York, puis les Amériques et notamment le Chili, où il rencontre l’artiste voyageur allemand Johann Moritz Rugendas, auprès duquel il approfondit son art du dessin. Il traverse ensuite l’océan Pacifique, fait escale dans les îles Sandwich (aujourd’hui Hawaï) et poursuit son épopée vers la Chine, après que son bateau a manqué de sombrer au large d’Okinawa.

Les premiers contacts avec le « céleste Empire » se font dans la province du Fujian, fin juillet 1838, mais il s’embarque bien vite pour le Delta de la Rivière des Perles au départ de l’île de Namo, en face de Shantou. L’étape chinoise sera longue et l’aurait été encore d’avantage si Borget n’avait été forcé de partir en septembre 1839 à la veille de ce qui n’est pas encore la Première Guerre de l’Opium. Destination: les Philippines, puis l’Inde via Singapour, et enfin l’obligation de rentrer en France pour cause de maladie grave début 1840.

Borget croque et peint les baies de Hong-Kong et Kowloon frénétiquement. Il installe son atelier à Macao, où il rencontre George Chinnery, le célèbre peintre anglais établi dans la colonie portugaise depuis 1825 — il y mourra en 1852 et sa tombe est encore visible aujourd’hui dans le cimetière protestant qui jouxte la Casa Garden. Chinnery permettra à Borget de parfaire ses talents de portraitiste, encourageant le Français à s’affranchir de la fresque distanciée chère aux paysagistes. Le trait devient plus vif, les scènes plus vivantes. Inclassable, Borget n’est ni orientaliste, ni romantique, mais le produit de multiples influences, dont celle des « chinoiseries » du XVIIIème. Lorsqu’il participe au « Salon », c’est pratiquement toujours pour y exposer la Chine, ses temples, ses sampans et ses scènes de rue. Ses esquisses et croquis deviennent estampes, illustrant abondamment les ouvrages et revues de voyage de la fin du XIXème siècle.

Le Musée d’art de Macao, en collaboration avec l’Alliance française de Macao et le French May, rend hommage à ce peintre remarquable et pourtant méconnu, en rassemblant près de cent trente pièces provenant de diverses collections publiques (Issoudun, Châteauroux, Bourges, Sèvres, Hong-Kong et Macao) et privées. Cette rétrospective Borget, la plus grande jamais organisée sur sa production chinoise, sera l’occasion de découvrir pour la première fois en Asie sa fameuse huile « Vue d’un grand temple chinois à Macao », présentée au Salon de 1841 et achetée par le roi Louis-Philippe.

Auguste Borget: A Painter-traveller
On the South China Coast
Musée d’Art de Macao, du 29 juin au 9 octobre 2016
http://www.mam.gov.mo/e/index
http://2016.frenchmay.com/programmes/event.aspx?name=AugusteBorget