Tranche de vie

Têtes de lion

Lorsque nous étions à Paris, pour moi, le nouvel an chinois se résumait à 15 secondes d’images du 13ème arrondissement au journal de 20h : je m’en tamponnais le coquillard avec une pelle à gâteau !

Par Perrine Tavernier

 

Depuis notre arrivée à Hong-Kong, nous avions pour habitude de rentrer en France durant la période du nouvel an chinois. 

Dans les supermarchés, je me demandais pourquoi il y avait une profusion de peluches et tout un tas d’autres accessoires (d’une beauté relative) en forme de chien, de cochon ou de rat en fonction des années. C’est pour dire comme j’étais à côté de la plaque. 

Ainsi, les festivités de l’année du chien se sont résumées à la contemplation de l’énorme caniche rose de Wanchai, celle du cochon au « cute piggy bank » de Tsim Sha Tsui et l’année dernière, pour l’année du rat… ils ont tenté d’accroître le capital sympathique de l’animal avec des petites tête de souris mais bon… 

Je n’y connais rien au zodiaque chinois mais l’année dernière, franchement, l’année du rat… D’un point de vue purement français, je vous livre un petit extrait de l’encyclopédie Universalis : « Les rats sont pour les hommes des propagateurs de maladies, notamment parmi les plus graves. Le rat intervient soit comme réservoir du microbe (bactérie ou virus ou parasite) qu’il héberge sans le transformer, soit comme hôte intermédiaire dans le cycle du parasite (qui va se transformer dans l’organisme du rat et y devenir infectieux pour l’homme). »

Alors avec cela, comment vouliez-vous que ça se passe bien l’année dernière ?

 

Cette année, il n’y aura évidemment pas de retour en France en cette période. Je l’avais en tête depuis un petit moment mais malgré cela, j’ai quand même eu le blues. 

Sans compter qu’il est pour moi de plus en plus difficile de faire ce que j’aime : écrire. Je crois que cette période compliquée pour tout le monde n’épargne vraiment rien, pas même l’inspiration. Mon inspiration se consume lentement…

Une illustratrice a mis des mots sur cela en écrivant qu’il n’est pas facile d’être créative quand on ne peut pas se ressourcer dans des musées, au théâtre, au cinéma ou en voyageant.

Je n’aime pas me laisser aller à la morosité.

Pour chasser mon spleen envahissant, mon ignorance et moi sommes parties dans les échoppes éphémères de Hong-Kong à la découverte des croyances millénaires du nouvel an chinois.

 

Ce que j’aime chez les Hongkongais, c’est leur chaleur humaine introvertie. Ils semblent distants, et ils le sont, mais dans un rapport « service client », ils ont un vrai savoir être, peu importe si l’on achète ou non.

Ainsi j’ai toujours été accueillie très aimablement par les commerçants heureux de répondre à mes questions de néophyte.

J’ai aimé regarder leurs jolies enveloppes colorées pour la finesse de leur gravure et leurs jolies découpes. J’affectionne la passementerie alors leurs amulettes tissées de couleurs flamboyantes m’ont tapé dans l’œil. 

L’abondance de fleurs, de rameaux de cerisier et tous ces petits arbres à kumquat surchargés de leurs fruits ne laissent pas indifférents.

Je pense ne jamais me lasser des lanternes rouges de la Lee Tung avenue. 

Quant aux Fai Chun, ces poèmes rédigés par des calligraphes de rue sur des papiers rouges, je les ai adorés.

On m’avait dit que tous ces ornements avaient plusieurs pouvoirs dont celui de rendre heureux. C’est vrai, mon blues est parti.

 

Un jour, je suis tombée sur deux têtes de lion. Je les aime ces lions lorsqu’ils s’animent, qu’ils font des clins d’œil et qu’ils mangent leur salade. Je suis entrée dans la boutique où le vendeur m’a quand même regardé l’air de dire « celle-là, elle est perchée ». Il m’a expliqué que les symboliques des lions sont la force, le courage et la sagesse (le trio gagnant durant cette période).

Bien qu’imposantes, j’ai demandé si les têtes de lion étaient à vendre. 

L’année qui se prépare est l’année du bœuf. En tant que petite fille d’éleveur de charolais, je suis pas mal côté bovin. Je n’ai jamais été très à l’aise avec les vaches mais les rares fois où je suis rentrée dans un champ, cela s’est toujours bien passé. 

Les bœufs sont calmes, ils sont puissants, imperturbables, presque respectueux. 

Allez savoir ce qui m’a pris mais j’ai acheté les têtes de lion. 

Un jour, je les ferai voyager en France pour les accrocher au mur de la maison de mon grand-père en souvenir de l’année du bœuf.

 

2021 va bien se passer. 

Kung Hei Fat Choi

 

Ma playlist :

Artiste : Ehla
Album : Pas d’ici
Titre : Pas d’ici