Tranche de vie

La famille

Etre expatrié c’est vivre à distance les évènements de son clan. Depuis qu’on a quitté la France, on a loupé les 40 ans de tata Céline et de tonton Olivier, la communion de Maxence et tous les anniversaires de notre famille. Terminé les dimanches midi chez mamie Zabeth et papy Jacques, quand on vit à l’autre bout du monde, le week-end on se retrouve seulement nous : mon mari, mes enfants et moi. Et en y réfléchissant, les week-ends « seulement nous » quand nous étions en France, on pouvait les compter sur les doigts d’une main. Pour nos premières fêtes de fin d’année, compte tenu de la distance Hong-Kong/Paris, du décalage horaire et météorologique, on a choisi de rester à Hong-Kong, « seulement nous ».

Par Perrine Tavernier

On avait gardé en tête le marathon des fêtes de fin d’année de notre famille en France. Avec mon mari, nous totalisons 11 neveux et nièces soit une équipe de football au complet. Tout ce petit monde est né en moins de 15 ans et trouver un cadeau de Noël dans les temps impartis était un boulot à plein temps : 560 coups de fils aux mamans/papas/grand-mère/grand-père pour connaître les desiderata de chacun et éviter l’abominable doublon de cadeau entre cousins. Sans compter les interminables files d’attente aux caisses des magasins de jouets ou bien encore le stress de la commande internet avec la livraison garantie avant Noël qui n’arrive pas. Le jour J, on se tapait pas moins de 700 km pour traverser la France et passer le réveillon chez les uns et le jour de Noël chez les autres. Et on recommençait pour le jour de l’an. Au programme des réjouissances gastronomiques : huîtres, foie gras, saumon fumé, dinde farcie, bûche, le tout arrosé de champagne, vin et liqueur. On avait une forme olympique durant les vacances, les enfants étaient surexcités et une fois tout cela termine, on reprenait le boulot, crevés avec une bonne crise de foie.

Quand on a pris la décision de rester à Hong-Kong, toute la famille de France a compris et on a organisé nos fêtes tous les quatre sans oublier nos traditions.

Début décembre, nous nous sommes lancés à la recherche de notre sapin de Noël. Au grand dam de mes convictions écologistes, on a voulu un vrai sapin et je n’avais pas remarqué que cela ne court pas les rues à Hong-Kong. Au moment de passer à l’achat, tous les sapins étaient « sold out ». Moi qui faisais la grimace en lâchant mes 60 euros au Monoprix pour mon sapin, je n’ai pas été déçue du prix à Hong-Kong : la peau des fesses. J’ai aussi découvert le concept du « tree stand » pour l’arrosage du conifère et la conversion des « feet » en centimètres pour éviter de se retrouver avec un sapin grand comme celui du hall de Pacific place dans le salon.

Pour les repas de fête, j’ai vite laissé tomber les supermarchés et je les ai trouvés tous ces entrepreneurs et artisans français qui nous apportent des aliments divins : caviar, foie gras, saumon fumé, chapon, légumes et fruits bio, fromages affinés par les meilleurs… on trouve tout à Hong-Kong et de qualité. Il ne me restait plus qu’à me mettre aux fourneaux. En France, avec ma mère et mes sœurs, nous nous repartissions le menu et faute de talents culinaires, j’étais dédiée au poste apéritif. Tartiner du tarama sur des blinis était tout à fait dans mes cordes. Sauf qu’à Hong-Kong, j’ai dû m’atteler à la tâche. Avec mon tablier ficelé et ma mère au téléphone en stéréo dans la cuisine je me décomposais devant mon chapon. A la question : « est-il vidé ? » j’ai manqué m’évanouir. Finalement, avec l’aide de mon mari, j’y suis arrivée et nos repas de fête ont eu fière allure. Quand je réfléchis à tous ces moments passés, je sais qu’ils sont les créateurs d’un lien, cet indéfinissable bien être d’être « seulement nous » sans pour autant oublier notre famille et nos amis. Choisir de s’expatrier, c’est signer pour une perpétuelle adaptation tant sur le nouvel environnement que sur l’équilibre familial. Pour certains couples, l’expatriation est le point final à des histoires qui commençaient à s’éteindre et pour d’autres, elle est ce lien indescriptible qui nous uni à jamais.

Quand minuit a retenti à Hong-Kong, nous avons appelé la France et je n’ai jamais autant ressentie les sept heures de décalage en disant à 17h heure de Paris « bonne année » à une famille qui n’était manifestement pas encore « ambiancée » sur son 31.

Qu’importe… Nous étions vraiment heureux de les entendre.

Cette année, pour les fêtes, nous n’avons presque rien changé.

Nous les passerons à Hong-Kong mais, au lieu de l’entendre en stéréo dans la cuisine, ma mère sera à mes côtés. Mes parents vont parcourir les 10.000 kilomètres qui nous séparent et pour la première fois de leur vie, ils poseront leurs pieds à Hong-Kong, cette île bouillonnante aux milles merveilles.

Je sais déjà que ces fêtes, je les garderai à jamais dans mon cœur.
Joyeux Noël !

Ma playlist

Artiste : Christine and the Queens
Album : Chaleur humaine
Titre : Chaleur humaine

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