Événement

Ouverture de la galerie VILLEPIN à Hong-Kong

L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin et son fils Arthur ont ouvert une galerie d’art à Hong-Kong, et ce, malgré la crise sanitaire actuelle. Ni les manifestations, ni le Covid19 n’ont arrêté le père et le fils dans ce projet de galerie d’art. Selon les cofondateurs, la galerie VILLEPIN privilégie avant tout les relations personnelles avec les artistes et se donne pour objectif d’entrer dans leur intimité. Née de la passion de Dominique et Arthur de Villepin pour l’art, la galerie qui porte leur nom est « créée par des collectionneurs pour des collectionneurs », précisent-ils dans leur communication.

Située au numéro 53-55 de Hollywood road dans le quartier de Central, la galerie VILLEPIN a ouvert ses portes le 20 mars avec une exposition de l’artiste franco-chinois Zao Wou-ki, proche de la famille de Villepin et décédé en 2013. Le nom de l’exposition « Friendship & reconciliation », sonne encore plus aujourd’hui. Arthur de Villepin a accepté de nous parler de la philosophie de ce nouveau concept de galerie qu’il n’hésite pas à qualifier de « projet de vie ».

Propos recueillis par Catya Martin

 

Trait d’union : Cette galerie est une première. Pourquoi avoir tenu à maintenir cette ouverture malgré la situation de crise sanitaire actuelle ?

Arthur de Villepin : La différence avec notre approche est que c’est justement dans des moments qui sont compliqués, dans des moments de pertes de repères, voire de perte d’identité, comme on a pu le voir avec les manifestations, que l’art est le plus nécessaire et c’est là que l’art tient tout son rôle.

Beaucoup ont oublié la valeur et l’importance de l’art dans ces moments-là, dans son concept et dans sa nature propre. L’art c’est regarder la vie différemment et potentiellement créer des ponts entre les cultures. C’est aussi ralentir un peu la vie que nous avons au quotidien pour pouvoir regarder le monde différemment et se réapproprier soi-même.

 

Justement, qu’est-ce que l’art peut apporter aujourd’hui dans le monde ? Avec cette pandémie, les pays se referment tous sur eux-mêmes.

Oui absolument. Le nationalisme est là, il est présent. Le refuge identitaire est toujours là.

C’est là que l’art prend tout son sens. L’art nous apprend la tolérance et la solidarité dans le regard que l’on peut porter sur des cultures différentes.

C’est un regard qui nous apporte une richesse et qui n’est pas une menace.

On a la peur de la différence, peur de l’étranger et de toutes les menaces qui sont aujourd’hui ce virus. L’art vient nous donner une réponse qui est que l’on peut s’ouvrir sur les gens et être meilleur dans la crise et dans la difficulté. C’est vraiment le symbole de Zao Wou-ki quelque part.

 

Qu’apporte Zao Wou-ki dans une crise comme celle que nous vivons aujourd’hui ?

Né en Chine il est ensuite allé en Europe en étant également très influencé par la culture américaine. Il a fait le pont entre ces différentes régions.

Ce qu’il nous apprend à travers toute sa vie et toute sa peinture est qu’il admire, pas pour pouvoir négliger sa propre identité, non, seulement, il admire pour pouvoir s’enrichir mais aussi parce qu’il comprend qu’en admirant l’étranger, en admirant ce qu’il ne comprend pas, il arrive à mieux se comprendre.

A Paris, Zao Wou-ki ne veut pas être assimilé à un artiste de calligraphie chinoise. Très influencé par la peinture de Cézanne mais aussi de Rembrandt ou encore Matisse, il part, en 1951, à Berne, où il voit une exposition de Paul Klee. Là c’est le coup de foudre, une révélation pour lui. Paul Klee, à travers les signes, à travers cette architecture du tableau, lui ouvre une porte pour se retrouver lui-même et pour retrouver sa culture chinoise. Zao Wou-ki se retrouve à travers l’admiration de l’autre. Et ça c’est typique de ce qu’il a fait toute sa vie.

 

Revenons à la galerie, vous en parlez comme d’un projet de vie. C’est à dire ?

Je suis à Hong-Kong depuis dix ans où j’ai entrepris un certain nombre de projets avec des hauts et des bas, des succès, des échecs et j’ai aussi beaucoup appris sur moi-même et sur ce que je voulais faire, quelle était ma route et le chemin que je voulais tracer.

Ça prend du temps de trouver la direction dans laquelle on veut aller. J’ai toujours su que l’art faisait partie de moi, je suis arrivé ici avec cette volonté déjà de travailler dans l’art. J’ai commencé mon premier projet en associant l’art et le vin. Inconsciemment je n’ai pas voulu me lancer tout de suite avec l’ouverture d’une galerie, sûrement par humilité et par manque de maturité.

 

Cela explique vos différentes missions autour de l’art et ce besoin de le rendre accessible ?

Toutes les missions que j’ai eues étaient pour moi nécessaires parce qu’elles viennent expliquer et souligner finalement l’approche que je suis en train d’adopter aujourd’hui. C’est à dire que à dire que je ne me reconnais pas dans la façon dont on fait la promotion de l’art en Asie.

J’ai eu la chance d’être élevé dans un environnement artistique, où on participait presque au processus de création, en tous cas on en était des témoins. Donc cette capacité à témoigner d’une vision de l’art complètement différente et ensuite arriver ici avec une perspective qui était tout autre ça m’a questionné et là je me suis dis que peut-être ma mission serait de promouvoir l’art autrement que par l’idée d’argent.

Ce qui est important dans l’art aujourd’hui c’est l’émotion et quelque part dans la démocratisation de l’art et la volonté de galeries comme « Yellow Corner », c’est avant tout de s’autoriser l’émotion sans regarder le prix qui devient négligeable.

C’est permettre à tous de regarder l’art tel qu’il est et tel qu’il doit être c’est à dire d’abord une émotion. C’est ce que j’essaye de faire avec la galerie VILLEPIN.

Nous voulons apporter un regard assumé et une histoire aussi et, je pense, la volonté de partager une intimité et partager une passion.

 

Vous travaillez en famille, comment se répartissent les rôles ?

Mon père me soutient et m’accompagne dans un monde qui a toujours été le sien et qu’il a porté en lui toute sa vie. Il apporte à la lumière à travers et avec moi, son fils, une passion et une intimité avec les autres. De mon côté, je suis plus dans l’opérationnel et dans le management de la galerie au quotidien avec la relation avec les clients, les équipes. Lui est plus dans la recherche, plus dans la stratégie, peut-être aussi les partenaires et les artistes. Nous avons une très bonne complémentarité, nous partageons beaucoup et régulièrement sur tout ce qui est contenu de l’exposition ou tout ce qui est partenariat. Nous voulons faire quelque chose qui soit nous.

 

D’où le choix du nom, une galerie qui porte votre nom ?

Ah oui. Ça a été un choix important. On y a réfléchi et c’est nous, c’est authentique, c’est propre à une expérience. Pouvoir accompagner des projets à Hong-Kong mais aussi à Shanghai, en Corée, demain à Singapour, même à Taiwan, travailler avec des collectionneurs pour les accompagner dans leurs expositions, des institutions ou organiser des expositions différentes, rapprocher des collectionneurs avec de jeunes artistes européens, les amener dans leurs ateliers. En fait, quelque chose qui dépasse la simple galerie. L’espace est là pour nous donner une plateforme et faire ce que l’on aime. C’est à dire se rapprocher des collectionneurs et se rapprocher des artistes.

 

Votre calendrier ?

Je veux passer du temps à expliquer le choix des tableaux, expliquer leur histoire, c’est important de ressentir et de prendre du plaisir dans la capacité à faire cette exposition et il a donc été décidé de faire une exposition de six mois donc deux par an, pas plus.

Nous voulons prendre le temps d’organiser des débats, d’inviter des fondations, des curateurs, des acteurs du marché de l’art, faire vivre cet espace.

Ce qui va se passer ensuite, dans six mois c’est une exposition autour de la 2ème école de Paris, post années 50 donc tous les artistes comme Nicolas de Staël, Hans Hartung, Georges Matthieu ou encore Pierre Soulages.

Et là, c’est totalement l’esprit collectif que l’on aime beaucoup, encore plus aujourd’hui où nous vivons dans un monde très individualiste.

Cette idée que l’on peut, dans un monde qui est un peu sur le repli sur soi, penser collectif même avec des égos très forts, c’était le cas de ces artistes, mais avec les capacités de défendre des idées ensemble.

Donc notre calendrier prévoit deux grandes expos par an, faire vivre le lieu avec des échanges, des projets en dehors de nos murs, en France ou ailleurs sur d’autres artistes. Promouvoir l’art et promouvoir les artistes et se rapprocher des collectionneurs pour pouvoir les accompagner dans la responsabilité et le rôle du collectionneur.

 

Comment rentrer dans l’intimité de l’artiste lorsqu’il n’est plus là ?

C’est là où il y a quelque chose de très intéressant que je voudrais vraiment apporter ici comme expérience. C’est tout ce qui peut apporter au processus de création et à l’intimité de l’artiste que l’on peut collectionner aussi même s’il ne fait pas forcément la première page des magazines et des maisons de vente, ce sont ses correspondances, des bibliophilies, des lithographies dédicacées, qui vont nous permettre d’entrer dans une intimité par rapport à l’artiste, et c’est cette intimité qui va créer un lien et une identification aussi avec l’artiste.

 

Exposition « Friendship & reconciliation by Zao Wou-Ki »

Du 20 mars au 20 septembre

Galerie VILLEPIN
53-55 Hollywood Road, Central
Hong-Kong

https://www.villepinart.com/