Luang Prabang : La légèreté discrète d’un envoûtement asiatique
Il s’agit peut-être d’un des plus beaux joyaux de l’Asie du Sud-Est. Cette ancienne capitale a su conserver un charme inextricable, dont on revient ébloui. La simplicité du style de vie côtoie la richesse inattendue du patrimoine: une juxtaposition presque invraisemblable à notre époque.
Par Christian Sorand
Blottie dans une étroite vallée du Mékong du nord du Laos, Luang Prabang a d’abord été la capitale royale du pays du “Million d’Éléphants” (Lan Xang) jusqu’en 1946. En langue thaïe, le terme Phra Bang signifie “le très vénéré” tandis que le mot Luang est un adjectif pour “royal”. Muaeng Luang Prabang est donc la Ville royale du Très Vénéré Bouddha. Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1995, la Maison du Patrimoine a fait en sorte de conserver strictement l’intégrité sociale et culturelle de cette petite ville d’à peine 56,000 habitants.
La ville historique s’étale le long d’un éperon formé par le grand fleuve et son affluent la Nam Khan. Le Phu Si [Phu, veut dire “mont”] s’élève au milieu de la vieille ville. Tout en haut, le sanctuaire de Vat Chom Si, offre un vaste panorama sur la cité royale et la vallée du Mékong.
Hormis le fait d’être un site unique, Luang Prabang offre une concentration inhabituelle de temples tous différents, jouxtant des édifices de style colonial, architecture héritée de l’Indochine française. Cet étonnant mélange historique est à l’origine d’un contraste culturel où les processions des moines côtoient les jeux de pétanque locaux !
Ici, le temps a effectivement suspendu son vol. On est soudain propulsé dans une bulle intemporelle. Alors, assis à la terrasse d’un petit café, avec un croissant ou tout autre viennoiserie locale, on regarde défiler un monde presque suranné, mais terriblement envoûtant, propice au calme, à l’évasion et à la méditation.
Un lieu d’exception
À Luang Prabang le temps s’est donc figé. Ni les constructions ni la circulation automobile ne viennent interrompre le calme et la beauté des lieux. L’Asie traditionnelle déroule son rythme nonchalant et coloré. Tout se fait à pied ou à vélo. L’œil s’habitue à l’explosion magique et incongrue du safran des robes des moines fusionnant avec l’or des pagodes, l’odorat s’enivre des parfums capiteux du café et des épices, des fruits et des fleurs. Le discret tintinnabulement des clochettes, mues par la brise venue des montagnes et du Mékong, apporte une touche supplémentaire à l’ensorcellement ambiant. Cité de tous les temples, Luang Prabang en possède un nombre improbable dans un espace physique restreint. Le plus vieux et le plus célèbre est le Vat Xieng Thong, le Temple d’or. (XVIe) Dans l’enceinte de l’ancien palais royal, devenu musée, le Phra Bang Buddha n’est qu’une statuette haute de 83cm. Nul besoin d’être grand de taille pour inspirer le respect et la notoriété. Chaque temple mérite ici un arrêt.
On s’étonne parfois de voir autant de jeunes novices déambuler un peu partout. Le Laos est un pays pauvre et cette région montagneuse du pays est très déshéritée. Alors les familles envoient leurs enfants mâles à la ville. Une bouche de moins à nourrir puisque les monastères pourvoient à l’éducation de leurs progénitures, les nourrissent et les logent. Alors parfois, ces adolescents aux crânes rasés, pieds-nus s’approchent avec un sourire pour exercer leur savoir linguistique, non sans un grain de curiosité. Where are you coming from, Mister ? Au Laos, les femmes portent encore des robes serrées traditionnelles. Cela s’ajoute à l’atmosphère ambiante, empreinte de légèreté, de gentillesse, de discrétion. Les maisons ont conservé maintenu leur empreinte coloniale héritée de l’époque française indochinoise toujours marquée par la baguette et la “Vache qui rit” ! Que ce soient les boutiques de mode ou d’artisanat, les cafés, les restaurants ou même les petits hôtels de charme, cette palette locale caractérise l’ambiance de la petite communauté. Quelques boulangeries et des pâtisseries complètent ce tableau venu d’ailleurs. La table a des saveurs multiples, lao ou thaï bien sûr, chinoise parfois, mais aussi italienne ou française. En fin de journée, il est de tradition de gravir les marches du mont Phu Si (100m de hauteur) pour assister au coucher du soleil dans l’enceinte du temple surplombant la ville, le Mékong et les collines environnantes. Et le soir venu, tout le centre-ville se transforme en un immense marché ethnique qui fait la réputation de Luang Prabang.
Un espace naturel vivifiant
Décembre et janvier peuvent être très froids en cette période d’hivernage. La température descend parfois en-dessous de zéro. L’hôtellerie locale est équipée pour le froid, mais parfois les visiteurs oublient qu’à la tombée de la nuit, écharpe et gants sont les bienvenus.
Terre du bien-être, Luang Prabang offre aussi une multitude d’établissements de massages ou de boutiques d’arômes. Fait moins connu, il existe aussi quelques saunas laotiens, alimentés par des feux de bois et de plantes. Ce sont des lieux surtout fréquentés par les Laotiens, le soir venu.
La plus grande attraction de Luang Prabang reste la procession de l’aumône du matin des moines. Comme les temples sont nombreux et que les moines se comptent par centaines, c’est un spectacle unique. Malheureusement, il a pris un caractère touristique qui lui ôte un peu de sa spontanéité originelle. Aujourd’hui, les visiteurs dépassent parfois le nombre des moines ! Tout cela est dorénavant très encadré et organisé par les agences du tourisme local. Il est vrai pourtant que cela reste l’un des plus beaux spectacles religieux que l’on puisse voir à cette échelle en Asie du Sud-Est.
Aux alentours de Luang Prabang, il existe plusieurs sites à ne pas manquer. La haute vallée du Mékong offre un environnement pittoresque.
L’attrait du cadre naturel
Plusieurs belles escapades sont en effet possibles dans les environs immédiats de Luang Prabang.
On peut tout d’abord prendre un bac pour aller sur l’autre rive du Mékong. Cela permet d’avoir un beau panorama d’ensemble sur la vieille ville. Il existe aussi un pont en bois pittoresque qui enjambe la rivière Nam Khan. C’est l’occasion de faire une jolie promenade champêtre dans la campagne environnante.
Le Mékong reste malgré tout un attrait majeur et un moyen de communication essentiel. Il est d’ailleurs possible d’arriver en bateau à Luang Prabang depuis la Thaïlande. Il suffit de rejoindre la ville thaïe de Chiang Khong depuis Chiang Rai et de prendre un bateau à partir de la ville laotienne de Huay Xai pour remonter le Mékong jusqu’à Luang Prabang. Ce voyage dure deux jours avec une nuit obligatoire à Pakbeng.
À Luang Prabang, l’excursion habituelle consiste à aller en bateau jusqu’aux grottes de Pak Ou (“embouchure de la rivière Ou”). Ce site est à environ vingt-cinq kilomètres en amont. Les deux grottes superposées contiennent des centaines de statues de Bouddhas: celle du bas [Tham Ting] et celle du haut [Tham Theung]. Pas très loin de là, sur l’autre rive du fleuve, il y a un village de potiers appelé Ban Chan. On peut y accéder par la route, ce qui permet d’avoir un aperçu de la vie campagnarde de la vallée.
Une autre route, à flanc de coteau, mène à une forêt où il n’est pas rare de rencontrer des éléphants. Il y a aussi un endroit recommandé par l’office du tourisme où on fabrique les tissages ethniques locaux. Ce même chemin contourne la tombe d’Henri Mouhot (1826-1861). Né à Montbéliard, ce naturaliste et explorateur est mort ici de la fièvre jaune.. Or, en 1859-60, c’est lui qui a fait redécouvrir Angkor à l’Occident.
Au sud de Luang Prabang, on trouve aussi des chutes d’eau: celles de Kuang Si (la cascade la plus spectaculaire) et de Tat Sae. Ce sont deux belles excursions à faire depuis Luang Prabang.
On peut aussi se rendre à Luang Prabang par la route depuis Vientiane en passant par Bang Vieng. Mais aujourd’hui la plupart des touristes arrivent à Luang Prabang par avion.
Les mots ne suffisent pas pour décrire le charme indescriptible de cette petite ville, classée par l’UNESCO. Elle garde une saveur surannée. Pourtant Luang Prabang n’est pas à l’abri des menaces du modernisme provoquées par l’arrivée grandissante d’une population touristique internationale. Ce risque pourrait même empirer avec la construction du TGV chinois qui est en passe de relier Luang Prabang à Vientiane et Bangkok en un temps record.. Il faut espérer que le site puisse se protéger de ces afflux immodérés, plus destructeurs que toutes les crues du Mékong.
Bibliographie
Lonely Planet – Joe Cummings: Laos, ISBN: 2-121864-503730
V.Besançon & F.Engelmann: Luang Prabang, Perle du Laos, Magellan & CIE, ISBN: 9-782350-742977
Liens
Wikipedia
Tripadvisor
Les temples de Luang Prabang: https://www.ici-laos-cambodge.fr/visiter-les-temples-a-luang-prabang/