Chronique

L’important c’est…

Si je vous dis Umberto Eco et le Minitel, le socialisme et l’équipe d’Angleterre de Rugby, les loukoums et Woody Allen, Ghislaine de Féligonde et le Docteur Jamain, Édith Piaf et Henry Salvador, Dijon et Damas, les Évêques et les cuisses de nymphes émues ?

Par Stephanie Delacroix

 

Rien ? Bah si les évêques et l…ok, ok j’arrête. Plus facile, Antoine de Saint-Exupéry avec son Petit Prince, Émile Ajar avec Momo et Madame Parks dans un bus ?

Allez, je vous aide, je vous fais une fleur c’est joli, ça pique, ça sent bon, c’est un symbole d’amour ?

La rose pardi, la rose et sa cohorte de madeleines Proustiennes, Rosa rosa rosam rosae rosae rosa rosae rosae rosas rosarum rosis rosis comme le chantait Brel, et « Mignonne allons voir » comme l’a écrit Ronsard à Cassandre, deux textes éternels ayant pourtant pour thème le temps qui pique.

La rose, à ne pas confondre avec la rosée qui peut quand même honorer les roses de son étincelante fraîcheur matinale, puisque « rose » et « rosée » ont des étymologies certes latines mais très différentes : le latin populaire rosata, dérivé du latin classique ros, roris pour « a rosée » rien à voir donc avec l’étymologie de « la rose », la fleur qui elle vient d’une graine mais surtout du latin rosa.

En français, la fleur et la couleur sont homophones même si les roses sont très loin d’être toutes roses, elles nous en font voir de toutes les couleurs, du blanc – comme la « Félicité et Perpétue » des bouquets de mariées – au noir avec les roses de Siyahgül (qui sont en fait violet foncé), en passant par le bleu (obtenues par hybridation entre des roses blanches et des pensées). 

En anglais, grand pays de rosiculture s’il en est, la rose est « rose » alors que le rose est « pink ». Kif-kif en japonais, Pin-ku ピンクpour la couleur et Ro-su ローズ, ou バラ Bara pour les fleurs. 

En Indonésien, mawar pour la fleur et merah muda (rouge jeune) pour la couleur, aucun rapport non plus ! On notera qu’en Indonésie les anémones de mer sont de mawar laut (des roses de mer donc).

Un petit tour en Chine (où la rose est en concurrence de la pivoine pour le titre de Reine des Fleurs) pour ce proverbe que j’aime beaucoup : “La rose n’a d’épines que pour celui qui veut la cueillir”, plus que le proverbe français selon lequel « il n’y a pas de rose sans épines »…c’est pessimiste, négatif, parano et FAUX puisque le Zéphirine Drouhin, le Smooth Prince (un hybride de thé en plus) et le Cinderella (un rosier miniature) sont parmi les 13 espèces connues de rosiers ou roses sans épines.

 

A partir d’une douzaine d’espèces naturelles les rosiéristes ont produit deux cents espèces modernes, et la langue française a fait éclore quelques expressions bien senties et assez imagées, qui pourraient servir dans de base à de nombreuses histoires à l’eau de rose. Un exemple ?

« Pierre un jardinier frais comme une rose, en avait plein les bottes de se faire envoyer sur les roses par sa belle amie Cunégonde, sosie de la Joconde, qui lui préférait un certain Paul. Paul, un marbrier hydrophobe, marchait sur ses platebandes, l’empêchait de voir la vie en rose. Il ne sentait pourtant pas la rose. Après une cour assidue pendant laquelle Pierre la couvrit de roses, l’abreuva de thé parfumé, la régala de loukoums en lui déclamant de la poésie du XVI siècle, il finit par découvrir le pot aux roses, Cunégonde restait de marbre car anosmique et daltonienne, elle le trouvait trop précieux. »

C’est sûr, ce n’est pas terrible-terrible mais je vous avais prévenus.            

  1. Pink et Bara …voyez-vous ça…
Rosa antica – Dumont de Courset 1802