Eh bien chantez maintenant !
Le mois dernier je vous ai laissé sur une chanson (et non pas une sonnerie) de Téléphone, et depuis j’ai cru comprendre qu’il avait un peu plu !
Quelqu’un (ou une), autre que moi, chanterait-il ou elle comme une seringue ? Et qu’est-ce qui est pire, chanter comme une seringue (ce qui est assurément d’actualité planétaire) ou chanter comme une casserole ? Cela dépend peut-être de ce qu’on met dans la casserole…ou dans la seringue !
Par Stéphanie Delacroix
Personnellement j’ai cédé au chant des sirènes et je me suis fait vacciner dans le bras et dans l’espoir de retrouver la liberté, de pouvoir voyager cet été, même s’il ne s’agit pas de chanter la victoire avant le temps, ce qui étant donnée ma totale inaptitude au chant revient de facto à « crier » victoire. En anglais « crier victoire » se dit « It’s not over until the fat lady sings ». Ah. Elle n’est pas très Charlie cette expression dites-moi…c’est quoi cette histoire de « fat lady » ? Celle de la Castafiore ? Celle de la Callas avant 1954 ? Non, mais pas loin, il s’agirait d’une Valkyrie dans la chevauchée wagnérienne éponyme. Espérons que cette expression marque le chant du cygne d’une époque aux accents de body-shaming.
Le français comme l’anglais (les langues pas les personnes) regorgent d’expressions sur le chant dont chanter les louanges de quelqu’un qu’il ne faut pas confondre avec faire chanter quelqu’un, au chant du coq ou plus tard, et connaitre la chanson qui veut dire savoir. Outre-Manche ou Outre Atlantique on notera « sing before breakfast, cry before night » qui met en garde contre l’optimisme matinal intempestif…c’est sûr qu’en commençant la journée de mauvais poil et en aboyant sur tout le monde, pas de surprise on est sûr de passer une journée bien pourave. Il y a aussi « sing a different song » qui est plus musical et plus pacifique que changer son fusil d’épaule (bon, du coup on fait quoi ? On leur pardonne la « fat lady » ?), « lie low and sing small » pour se faire tout petit et discret, « sing like a canary » qui loin d’être un compliment qualifie un cafteur, un rapporteur, une balance, un indic’, un cafardeur, un mouchard, une poucave, qui est peut-être dans la situation inconfortable d’avoir à faire quelque chose en échange d’un service à savoir « sing for their supper ».
Le chant au Japon est un passe-temps national, sous la forme étrange de l’orchestre vide, le Karaoké « Kara » vide + « Oké » le début de « Okésutura » (prononciation nippone ni mauvaise de « Orchestra ») ne pas confondre avec le Karaté où c’est la main « té » qui est vide « kara » dans cet art martial désarmé. Sur ce en mélangeant Karaoke et Karate on pourrait créer un nouvel art martial musical allitératif le « Karaté Karaoké » où il s’agirait de chanter Bohemian Rapsody ou I will survive en infligeant (en plus des décibels) des mawashi-geri à son adversaire, en mangeant des carottes si c’est trop facile autrement.
À toutes fins utiles, chanter se désigne par l’idéogramme 歌 qui se prononce entre autres « uta ». Le compteur des chansons est 曲 Kyoku qui ressemble fortement à un porte partition non ? Le compteur des chansons (lagu) en Indonésien c’est buah (fruit) – même quand on ne chante pas « pomme de reinette et pomme d’api » ni « salade de fruits jolie jolie » – et chanter c’est « nyanyi »… est-ce à dire que c’est gnian-gnian ? En chinois chanter c’est Chàng 唱 comme un chant avec plein de bouches ouvertes ce qui il faut bien l’admettre est plus pratique que de chanter la bouche fermer…Ne riez pas, ou riez si vous voulez , le chant à bouche fermée est une technique vocale reconnue avec des exemples (entre autres) dans Carmen, Madame Butterfly, Daphnis et Chloé ainsi que des chansons de Brassens et la très douce «Chanson à bouche fermée » de Jehan Alain (1933) que je vous invite à écouter … les oreilles ouvertes !