Chronique

Le supermarché

S’il y a bien une phase délicate dans une expatriation c’est celle du supermarché et la réponse à l’éternelle question « qu’est-ce qu’on mange ce soir ? »
Les premiers temps laissent place à la découverte de la gastronomie locale et à la dégustation des plats emblématiques. Mais il arrive un moment où le naturel revient au galop et les meilleurs dim sum de Hong-Kong ne remplaceront jamais un bon foie gras.

Par Perrine Tavernier

Je me souviens de la visite de mes cousins américains arrivés tout droit du Michigan à Paris. Après les avoir initiés aux plaisirs culinaires de la France, ils n’avaient qu’une idée en tête : manger au McDonald’s. Je garderai à jamais en mémoire la tête de mes parents restés pantois devant l’extase du burger frites.

Pour nous aussi Français, l’appel des racines se fait sentir et notre burger frites sont le saucisson, le fromage, la baguette et le bon vin. Pour mon premier 14 juillet loin de ma patrie, j’aurai pu traverser Hong-Kong ventre à terre pour trouver un saucisson.

Au-delà de ces envies archaïques, les menus de la maison doivent se mettre en place et pour une piètre cuisinière comme moi, se lancer dans une soupe de pak choï aromatisée au gingembre n’est pas chose aisée. Il me faut des pommes de terre.
Et c’est ainsi que je suis partie à la découverte des supérettes de Hong-Kong.

Avec mon caddie bien en main, j’ai sillonné les rayons et ai été très surprise en découvrant certains produits : « chéri, y’a du Caprice des dieux ! ». Certes je ne raffolais pas de ces produits en France mais j’étais ravie de les retrouver à Hong-Kong. Le moindre yaourt Casino que j’aurais totalement méprisé à Paris me rendait proche de l’euphorie même si les dates de péremption étaient parfois proches du jour J. Je m’émerveillais devant la tour Eiffel affichée sans complexe à côté de la mention « Life with French taste » au rayon conserves. Mes racines bourguignonnes m’ont fait faire un détour au rayon vin pour découvrir des maisons françaises jusqu’ici inconnues au bataillon. Le conte de fée a pris fin à l’étalage des fruits et légumes. Mais qu’est-ce qu’ils fabriquent avec la cellophane ? Moi qui refusais de coller mes étiquettes de pesée sur mes légumes à Paris, côté plastique j’étais servie. J’ai donc fait l’impasse sur mes pommes de terre mais heureuse d’avoir mon Caprice des dieux.

En bonne Française qui se respecte, mon passage au supermarché a été synonyme de plein pour la semaine avec un caddie bourré à craquer et à mon arrivée en caisse, j’ai bien cru déclencher un malaise vagal à la caissière. À vrai dire, on a failli me perdre moi aussi, le tapis roulant de deux mètres de long laisse place ici à une caisse de 50 cm. Good Luck pour faire passer les articles ! Quant au prix des yaourts, il ne s’agissait pas du prix du pack mais bien du prix à l’unité.

Les semaines passent et je commence à avoir mes petites habitudes. Je comprends sans faire répéter les « membership » et « MoneyBack » de la caissière, je me surprends à fredonner la compilation Park&Shop, à collectionner les étiquettes Jamie Oliver en espérant avoir le blender (je l’ai eu !) et même à faire des affaires aux rayons clearance sur des miels exquis vendus en France une fortune mais n’ayant pas trouvé preneurs à Hong-Kong (ils ne savent pas ce qu’ils loupent). Je commençais à me détendre quand d’un coup, sans prévenir, la rupture de stock m’a frappée. Vivre à Hong-Kong c’est vivre au rythme des importations et quand il n’y en a plus, il se peut qu’il n’y en ait plus pendant des semaines voir même de disparaître à jamais. L’impensable s’est produit, la rupture de stock des coquillettes. J’en ai presque développé un stress post traumatique à la potentielle lecture du « I will be back ».
Autant vous dire qu’au moment du réassort, je suis capable de vous prendre huit paquets d’un coup !

Hong-Kong c’est aussi accepter le fait de devoir faire ses courses dans quatre magasins différents pour faire en trois fois plus de temps ce que vous auriez fait en une heure en France. C’est aussi, échanger avec ses voisines des sms proches de la science-fiction :
« Regarde ce que j’ai trouvé chez City Super !! » avec en prime la photo d’une pâte brisée Marie.

Le dernier point concerne la gestion de la chaîne du froid où dans certains magasins la marge de progression reste significative. Je ne sais pas si le principe du congelé a bien été assimilé mais une chose est à retenir : ne jamais mais jamais vous faire livrer les produits frais, JAMAIS !
Bon appétit !

Ma playlist                                            

Artiste: Etienne de Crécy                                             
Album: Super Discount
Titre: Prix choc