Chronique

La guerre des Taiping

Episode 2. Le temps des mercenaires

Résumé de l’épisode précédent: Emmenés par un illuminé du nom de Hong Xiuquan,
les révoltés chinois Taiping menacent l’Empire et les concessions étrangères depuis
1851.

Par Didier Pujol*

Les troupes impériales en place ne parvenant pas à contenir le soulèvement, on
propose à l’empereur l’aide de militaires européens expérimentés chargés de
professionnaliser et moderniser l’armée Qing.

En 1861, le commandement des bataillons chinois est confié à Frederick Townsend
Ward. C’est un ancien flibustier ayant combattu pour les armées du Mexique puis
françaises en Crimée, rompu à tous les types de guerre et engagé en Chine dans la
lutte contre la piraterie. Fraîchement arrivé à Shanghai, il lève une troupe pour la
défense de la ville menacée par les Taiping.

Ward ne tarde pas à remporter victoire sur victoire, son armée de 5.000 hommes
faisant face à 18.500 Chinois. Son unité est alors rebaptisée « Ever Victorious Army »
et Ward sera lui-même élevé au titre de Mandarin de troisième rang par les Impériaux,
ce qui est une première pour un étranger! Il sera malheureusement tué en 1862 et
remplacé un temps par un Américain cupide du nom de Burgevine. Début 1863, c’est
Charles Gordon, le célèbre « Gordon Pacha » immortalisé par Charlton Heston dans le
film Kartoum, qui prend la tête de la coordination militaire, y introduisant une discipline
rigoureuse en punissant notamment les déserteurs et voleurs. Il permettra la victoire
finale en novembre 1863 à la bataille de Suzhou, précisément contre son prédécesseur
Burgevine, passé entre-temps au service des rebelles.

Charles Gordon sera décoré de la robe jaune, couleur réservée aux empereurs dans
l’histoire chinoise et donc fait tout à fait exceptionnel. Trahi par ses proches et
abandonné par ses généraux, Hong Xiuquan finit par se suicider en juin 1864.
Les conséquences de cette victoire des impériaux aidés par les Européens contre les
Taiping sont multiples. Certes les Occidentaux accentuent encore leur présence
militaire en Chine mais celle-ci a aussi compris la nécessité de changer de paradigme
et son ministre visionnaire Li Hongzhang lance un mouvement inédit de modernisation
de l’industrie et des infrastructures similaire à ce que l’on verra ensuite avec l’ère Meiji
au Japon. Ses efforts seront malheureusement endigués par la corruption structurelle
des officiels impériaux et l’empire finira par s’écrouler en 1911. Nul ne sait donc ce qui
se serait passé si l’empire était tombé aux mains des Taiping mais c’est sûrement une
toute autre Chine que nous verrions aujourd’hui.
De cette incroyable révolte qui faillit presque un siècle avant Mao avoir raison de la
Chine impériale, on a presque tout oublié. Le conflit a pourtant fait 30 millions de morts
soit deux fois plus que toute la Première Guerre mondiale et donne le jour à quelques
personnages flamboyants.

Deux ans après la mort de Hong Xiuquan, un jeune officier français du nom de Jean
Brunet (1838-1911) suivra l’exemple de Ward et de Gordon en partant défendre le
Shogun du Japon. Son épopée a donné lieu à un film à succès avec Tom Cruise, « Le
Dernier Samouraï », en fait un Français du nom de Brunet!

* Journaliste et conférencier

Passionné d’histoire, Didier Pujol organise des visites à Shanghai et Hong-Kong
Contact :  didier.pujol@chinaworldexplorers.com