Chronique

La chronique de Stéphanie

Faire la pluie et le beau temps

Par Stéphanie Delacroix

Il m’arrive de moins en moins souvent d’être – ou du moins de me sentir – obligée d’assister, ou pire de participer, à une conversation qui m’ennuie dans les deux sens du terme c’est-à-dire qui me déplaît ET qui ne m’intéresse pas. Mais quand vraiment, vraiment je n’ai pas le choix j’imagine et surtout je visualise ce qui est dit : au sens propre…

« – Je suis à la bourre … j’étais à l’enterrement de vie de garçon d’un copain hier. Le pauvre diable il ne va pas se fendre la poire tous les jours…y’avait son futur beau-père, je n’avais jamais vu un type avec un tel balai dans le cul…et le futur beau-frère, la vache, il nous a gonflé toute la soirée avec des blagues à la mords-moi le nœud. »

« – Ah oui, pas de bol…ça craint du boudin ! J’espère au moins pour lui que la mariée n’en n’est pas un…de boudin !»

Ah, vous voyez que c’est drôle ! Il bourre quoi ? Un coussin avec du tabac ? Une pipe avec des plumes ? Une dinde avec du pain et des marrons ? A l’enterrement de vie de garçon…ils ont enterré quoi exactement ? Son extrait d’état-civil ? Son ours en peluche et sa PS4 ? Pauvre diable c’est-à-dire ? Il est assis habillé en Méphisto sur les marches du métro et il fait la manche ?

Je vous laisse continuer seul-e-s parce que ça devient vite 18+, mais convenez qu’un boudin en robe de mariée avançant solennellement vers son promis au bras de son père (boudin aussi ? ou jambon à l’os ?) en costume 3 pièces est une image ne manquant pas de cocasserie.

Les conversations sur la pluie et le beau-temps, qui tombent la catégorie sus citée (parler du temps étant le dernier refuge du manque d’imagination – c’est pas moi qui le dit c’est Oscar Wilde alors) se prêtent particulièrement bien à l’exercice et ce dans beaucoup de langages.

Tel le pauvre jardinier d’appartement parisien ou tokyoïte (悪因悪果 あくいんあっか) qui sème quelques graines de vent dans un pot et qui se retrouve deux mois après à récolter une tempête apocalyptique au milieu du salon.

Comment habiller des enfants qui doivent partir à l’école quand il pleut comme vache qui pisse ? Il faut surtout bien leur rappeler de se doucher en arrivant…

Si c’est à Londres c’est plus compliqué parce ce sont des chats et des chiens qui tombent (raining cats and dogs), il s’agira plutôt de prévoir des casques et des épaulettes en titane…

Si l’atmosphère se refroidit et que le temps tourne à la neige, attention aux mouvements sociaux ou autres mouvements de foule qui feraient boule de neige, une gigantesque boule de bras, de jambes, de torses et de têtes contestataires qui brailleraient des slogans révolutionnaires à chaque tour de la boule colossale.

Pour passer d’un extrême de température à l’autre et d’un pays révolutionnaire à l’autre, on notera qu’en chinois pour parler de canicule on dit que les nuages brûlent (火云如烧)… Ah oui, c’est fâcheux et plus difficile à gérer que les gilets et jaunes, les pipis de vaches et les chutes de chats et chiens réunis.

En Indonésie quand il pleut alors qu’il y a du soleil on dit qu’une tigresse met bas harimau melahirkan…alors tous à vos épuisettes ou couvertures pour essayer d’adoucir la chute inéluctable du ou des mini fauves en espérant que la nouvelle maman ne tombe pas avec, ou qu’elle soit de bonne humeur si elle suit son adorable progéniture.

Et bien vous voilà armés pour endurer en souriant les inéluctables conversations de nouvelle année, nouvelle année que je vous souhaite douce et joyeuse.