Histoire de la guerre des Taiping : Episode 1. Un empereur chrétien en Chine ?
La guerre des Taiping, qui s’est déroulée en Chine de 1850 à 1864, a fait entre 20 et 70 millions de victimes soit quatre fois plus que l’ensemble de la Première Guerre mondiale. Pourtant rares sont les Européens qui connaissent l’existence de cette guerre civile qui a bien failli changer la face du monde.
Par Didier Pujol*
Qui sont les Taiping ?
En janvier 1851, dix ans après que les Européens aient remporté la Première Guerre de l’opium, et pris le contrôle de ports et de villes importantes en Chine, un inconnu du nom de Hong Xiuquan fonde une nouvelle dynastie d’inspiration chrétienne appelée « Royaume céleste de la grande Paix » (Taiping Tianguo).
Celui-ci prétend avoir reçu de Dieu la mission de renverser les Qing, incarnation du mal absolu. Cet événement passe au début inaperçu et remporte même les suffrages de certains missionnaires qui y voient un moyen d’accélérer la propagation de la foi chrétienne.
Né en 1814, Hong Xiuquan est d’ethnie Hakka et se destine à la carrière mandarinale. Pourtant, il échoue quatre fois aux examens impériaux et tombe malade après son dernier échec en 1843. Il a alors la vision d’un vieil homme et de son fils qui lui demandent d’extirper le mal de la terre. Alors qu’il se remet, il tombe par hasard sur le livre d’un missionnaire chinois qui donne un sens biblique à son rêve, censé symboliser Dieu lui demandant de sauver la Chine. Hong Xiuquan s’auto-déclare alors chrétien, s’administrant lui-même le baptême et prétend être le second fils de Dieu, le frère de Jésus.
La rencontre ultérieure avec un missionnaire américain lui permet de construire plus avant sa doctrine. La base de ce nouveau culte est l’ancien testament duquel Hong retient surtout le rejet catégorique de l’opium, du jeu et de la prostitution, promettant le châtiment éternel à leurs adeptes. L’égalité universelle des hommes et des pays fait partie des idées retenues de cette formation de deux mois, amenant une rupture avec les préceptes de la culture chinoise classique, jusqu’alors sino-centrée.
La secte de Hong séduit le petit peuple, désireux de mettre fin aux brimades et spoliations des représentants corrompus des Qing et confortés par le désordre créé par l’arrivée des étrangers. Aussi une rébellion éclate-t-elle en juillet 1850, sous l’impulsion de Hong et d’un ami d’enfance qui transforme les milliers de premiers partisans en une armée d’un million de soldats, organisée et disciplinée, où les femmes ont un rôle équivalent à celui des hommes. En mars 1853, les Taiping prennent Nanking dont ils font leur capitale et où ils imposent des règles de vie monacales, inspirées des préceptes de leur leader. Celles-ci vont jusqu’à l’interdiction totale des rapports sexuels, même pour les couples légitimes alors que les proches du nouvel empereur entretiennent, eux, des harems pléthoriques.
Le réveil des Occidentaux
Bientôt tout le sud de la Chine passe sous le contrôle des insurgés qui cumulent les victoires face aux armées mal dirigées des Qing. Les concessions étrangères de Shanghai se trouvent par conséquent menacées, si bien qu’Anglais et Américains envoient des émissaires à Nankin pour sonder les intentions des Taiping.
Ils y sont reçus par des seconds couteaux, ce qui a pour effet d’éveiller leurs soupçons mais aussi de révéler le chaos qui se cache derrière le groupe des dirigeants Taiping. Les événements qui suivent vont leur donner raison puisque la Société des petits couteaux affiliée aux révoltés s’empare de la ville chinoise de Shanghai. Devant le danger d’une invasion des concessions, la réaction occidentale devient inévitable.
….. A suivre avec : La guerre des Taiping épisode 2, le temps des mercenaires
*Historien-Conférencier
