Festival de théâtre à Hong-Kong
Du 9 au 12 mars prochain, les francophones et francophiles de Hong-Kong pourront découvrir un festival de théâtre entièrement dédié à la langue de Molière. Organisé au profit de l’association Pour un sourire d’enfant (PSE), ce festival est soutenu par le Consulat général de France, le Lycée français et la Chinese International School. L’ensemble des prestations seront placées sous le patronage de la semaine de la francophonie. Quatre pièces seront jouées au Lycée français de Hong-Kong et à la Chinese International School, Le médecin malgré lui, Pyjama pour six, Inconnu à cette adresse et Le plaisir de l’amour. Les troupes venues de France pour l’occasion ont accepté de répondre à nos questions. Entretien.
Propos recueillis par Catya Martin
Trait d’union : Votre adaptation du Médecin malgré lui à Paris en novembre 2014 a étonné par sa créativité. Est-ce le même esprit pour Hong-Kong ?
Brice Borg, compagnie “Les pitres rouges” (Le médecin malgré lui) : Oui bien sûr, ce sera le même esprit. À chaque fois que nous avons l’occasion de jouer ce spectacle, nous nous efforçons de trouver et de créer de nouvelles choses. Nous l’avons joué dans toutes les conditions possibles (plein air, dans la rue, des petites aux grandes salles). De ce fait, nous avons développé de véritables capacités d’adaptation partout où l’on va.
Pourquoi avoir accepté de participer à cette aventure asiatique ?
Car cela représente une formidable opportunité pour nous. Partir hors de France et d’Europe afin de jouer notre mise en scène dans un Lycée français, quelle chance ! C’est une joie de savoir que nous allons exporter et faire découvrir une infime partie du répertoire théâtral français à une autre culture. Notre public sera composé d’élèves français et étrangers. Pour couronner le tout, nous sommes très fiers de pouvoir participer au travail de l’association « Pour Un Sourire d’Enfant » .
Votre compagnie a présenté fin décembre « Le mariage forcé », toujours de Molière. Qu’est-ce qui vous attire chez Molière ?
« Le mariage forcé » est notre deuxième adaptation de Molière. Il y aura d’autres auteurs. Chez Molière, Shakespeare et bien d’autres, ce qui me touche énormément, c’est que leurs pièces sont toujours totalement d’actualité. Leurs œuvres respectives traversent les époques sans prendre une ride. Il est extrêmement impressionnant et touchant de travailler, de voir et d’entendre une pièce qui a été écrite il y a plus de 500 ans et de ressentir une émotion encore intacte. Que ce soit aujourd’hui, ou à l’époque de leur écriture, je suis toujours aussi heureux et ému à la lecture de ces chefs-d’œuvre.
Trait d’Union : Fondateur de la compagnie Les enfants terribles, vous en signez toutes les mises en scène. Parlez-nous de votre compagnie ?
Vincent Messager, (metteur en scène et acteur de Pyjama pour six et du Plaisir de l’amour) : Elle aura 20 ans l’année prochaine… Elle fut créée en 1997 à notre sortie du conservatoire d’Art dramatique de Perpignan. Dès le début de l’aventure, les membres de la compagnie ont partagé la même conception d’un théâtre vivant, populaire et de qualité, faisant la part belle à l’écriture contemporaine autant qu’à l’écriture classique, y ajoutant leurs propres créations.
En 1999 nous nous sommes lancés dans la création avec un spectacle sur l’oeuvre de Molière (Terriblement Molière), un véritable succès puisque nous jouons toujours cette pièce aujourd’hui.
L’envie nous a ensuite pris de travailler directement en collaboration avec un auteur de théâtre. Nous avons rencontré Robert Poudérou, un vrai coup de foudre puisque nous avons fait avec lui trois créations, « Mignon, mignonne, allons voir si la chose », « La flamme au foyer » et « Etre ou paraître telle est la question ». Nous avons également repris sa pièce « Le plaisir de l’amour » que nous tournons depuis 1999 et que nous avons joué à Paris pendant trois saisons. Elle a remporté un vif succès au festival OFF d’Avignon 2013. Cette pièce a également été tournée en France et à l’étranger (Japon et Espagne).
En novembre 2012 nous avons rencontré Christian Siméon au Théâtre du Rond-Point à l’occasion de la présentation de sa pièce « Mathilda » que nous avions été chargés de monter. Un autre coup de foudre. Nous avons décidé de travailler sur un projet commun qui est actuellement en cours de création : « Carapaces ou le mentaliste amoureux ».
Désormais, en dehors de nos créations, nous développons une autre forme de théâtre qui nous tient beaucoup à coeur : le théâtre d’appartement. Nous proposons ainsi notre répertoire à domicile pour des moments d’exception et de convivialité.
« Pyjama pour six » a été présentée au OFF d’Avignon, est-ce une version identique que nous allons découvrir à Hong-Kong ?
Si le festival OFF d’Avignon est le plus grand festival de théâtre au monde, il est avant tout un gigantesque supermarché du théâtre, car les professionnels y viennent pour choisir les pièces qu’ils vont programmer pour la saison suivante et bien entendu chacun espère être choisi.
Ce festival de par sa durée et son investissement, autant financier que physique, impose de nombreuses contraintes. Pour y jouer, nous devons acheter des créneaux horaires, plus ils sont longs, plus ils sont chers… Quant aux professionnels ils ont tellement de pièces à voir qu’ils ont peu de temps à accorder aux compagnies. Nous avons donc joué au festival d’Avignon une version plus courte (1h15) de « Pyjama pour six ». Pour Hong-Kong nous allons jouer la version « longue » soit 1h35.
Que vous apporte une aventure comme celle que vous allez vivre à Hong-Kong avec ce festival ?
Un enrichissement ! De nouveaux horizons, une culture différente, l’excitation de partager une nouvelle expérience… Et de nous confronter à un public différent de celui que nous avons l’habitude d’avoir en France, d’autant que certains dans la salle ne parleront pas notre langue et pourtant nous devrons d’une manière ou d’une autre réussir à les emporter avec nous… C’est un challenge pour nous !
Nous allons aussi avoir la chance d’animer des ateliers dans différentes écoles, françaises comme chinoises, ce qui sera l’occasion de partager notre art et notre culture.
Nous sommes aussi fiers car les représentations que nous allons donner seront au profit de l’association Pour Un Sourire d’Enfant. Nous aurons la satisfaction d’avoir contribué à aider de jeunes enfants qui en ont besoin.
Nous sommes très impatients de venir, nous sommes certains que ce festival va être un moment exceptionnel de partage et d’émotion et nous remercions sincèrement les organisateurs, entre autre monsieur et madame Biessy, que nous avons eu l’occasion de rencontrer, car nous savons qu’ils s’investissent énormément pour que la réussite de ce festival soit complète.
Trait d’Union : Depuis 2005 vous êtes également consultant et formateur en prise de parole, attitudes et comportements. Qui, de l’homme de théâtre ou du formateur, prend le dessus ?
Yves Chambertloir, metteur en scène et acteur d’ « Inconnu à cette adresse » : Question délicate car j’aime beaucoup le théâtre puisque je l’ai découvert à l’âge de 14 ans et cela a été la révélation de ma vie – C’est une vraie passion.
Le métier de formateur est arrivé bien plus tard car j’ai voulu concilier ma passion pour le théâtre et l’envie d’en vivre au-delà du métier de comédien et metteur en scène que je pratique le soir et le week-end ! Dans mes formations, je me sers du théâtre (grâce à des jeux de rôle, des lectures de texte, des exercices de position de voix, de prises de parole spontanées ou guidées ,etc..) et j’enseigne à mes participants des techniques et outils venant du théâtre afin qu’ils soient plus à l’aise dans leurs interventions. Donc pour revenir à votre question : l’homme de théâtre
« Inconnu à cette adresse » aborde un thème que l’on peut replacer aujourd’hui dans un contexte international difficile. Croyez-vous en l’amitié indéfectible ?
Ce qui m’a intéressé lorsque j’ai monté cette pièce, c’est d’une part, que le contexte actuel n’est pas très loin de celui de l’époque dans le sens où l’on assiste à une démonstration implacable de la manipulation des esprits et de la facilité avec laquelle une doctrine barbare peut s’imposer à un esprit éclairé. D’autre part, c‘est de voir comment une amitié si forte va exploser devant des visions antagonistes du nazisme et se muer progressivement en une aversion réciproque la plus profonde car lorsqu’il s’agit de survie, l’Homme est capable de tout ! En peu de pages, ce livre nous fait prendre conscience de la fragilité de l’humanité et nous montre qu’il est toujours très important d’être vigilant sur le monde des idées.
Comment appréhendez-vous le public de Hong-Kong ?
De manière très positive, c’est la troisième fois que je viens à Hong-Kong, j’ai eu la chance de venir y jouer « Le malade imaginaire ». Je trouve que c’est un public très ouvert, très à l’écoute, qui a envie de découvrir de nouvelles choses. Donc je suis très serein et j’ai hâte !