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Échange avec Ibrahim Maalouf

Ibrahim Maalouf, trompettiste virtuose et compositeur audacieux, sort d’une tournée à travers l’Asie, avec des étapes au Japon, en Thaïlande, en Inde et un concert marquant le 1er décembre à Hong Kong pour le festival Clockenflap. Avec 19 albums à son actif et deux nominations aux Grammy Awards, il présente son projet musical ambitieux : « Trumpets of Michelangelo, Toma, T-O-M-A ». Cette œuvre incarne une aventure musicale unique, fusionnant folklore et modernité, tout en illustrant son engagement à créer une musique à la fois exigeante et accessible.

Propos recueillis par Catya Martin

Trait d’union : Pouvez-vous nous parler de ce dernier projet ?

Ibrahim Maalouf : Absolument ! Cet album est un véritable hommage à la transmission intergénérationnelle. Sur la pochette, vous pouvez voir la tête de mon grand-père dans sa fanfare, une photo datant de 1924 ! L’album inclut également des enregistrements de mon père et de mon fils sur une piste. C’est un clin d’œil à l’idée que notre raison d’être est de transmettre des valeurs et d’assurer une continuité. L’art, c’est aussi une forme d’immortalité : les mélodies persistent à travers le temps, certaines ayant des siècles d’existence.

Pourquoi Michelangelo ?

L’histoire de mon père est fascinante. Il a quitté le Liban à 23 ans, découvrant la trompette peu avant. Ne sachant ni lire ni écrire en français, il est arrivé en France avec pour rêve de devenir élève de Maurice André, le plus grand trompettiste de l’époque. Imaginez-le, dans une église à Paris, apprenant le français tout en perfectionnant son art ! C’est là qu’il a esquissé les premières versions de la trompette à quart de ton. En l’écoutant raconter son parcours, je l’imaginais comme Michel-Ange, créant son chef-d’œuvre, et j’ai voulu rendre hommage à ce parcours en nommant cette trompette « Michelangelo ».

Comment décririez-vous l’évolution de votre style musical ?

Je ne cherche pas à suivre la mode, car elle est éphémère. Je veux plutôt capturer l’esprit de notre époque tout en restant fidèle à moi-même. Mon évolution musicale est spontanée, influencée par mes expériences et mes émotions. Parfois, je rends hommage à des icônes comme Miles Davis, et d’autres fois, j’explore des genres contemporains comme le rap ou la pop. Chaque projet est une palette riche de couleurs musicales, façonnée par ma vie.

Quelles influences musicales ont marqué votre parcours ?

J’ai eu la chance d’être immergé dans la musique classique occidentale et arabe dès mon jeune âge. Contrairement à beaucoup, j’ai débuté avec la musique classique, baignant dans les œuvres de Bach et Vivaldi, avant d’explorer les maqâms arabes. La découverte du jazz a ouvert une porte de liberté incroyable pour moi, tout comme les arrangements de Quincy Jones. Ma curiosité pour d’autres cultures musicales a enrichi mon parcours créatif de manière inattendue.

Comment formez-vous la nouvelle génération de trompettistes ? Avez-vous une philosophie particulière ?

Oui, j’enseigne une philosophie basée sur l’improvisation. J’ai écrit un livre, « La petite philosophie de l’improvisation », où j’explique que l’improvisation est essentielle non seulement dans la musique, mais aussi dans la vie. Elle nous enseigne la sincérité et l’adaptabilité face aux imprévus. J’aime intégrer des erreurs dans mes compositions, car souvent, elles révèlent des trésors inattendus. Cette philosophie, je la transmets à mes élèves et à mes enfants, car l’improvisation est une clé essentielle de l’expression.

Comment gérez-vous la pression de la scène et les attentes du public ?

Ayant grandi dans une famille de musiciens, la scène est un lieu où je me sens chez moi. Bien sûr, le trac est toujours présent, mais je l’accueille avec sérénité. C’est un espace où je peux être authentiquement moi-même.

Vous voyagez énormément. Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus ?

Ce qui me passionne, au-delà de la musique, c’est le contact humain. J’aime découvrir des cultures différentes et enrichir notre héritage à travers ces échanges. Chaque rencontre est une opportunité de communication et de compréhension.

Quels sont vos projets futurs après cette tournée ?

Je suis constamment en création, avec entre 100 et 200 concerts par an ! Je prépare plusieurs projets discographiques, dont un gros projet de musique électronique. Récemment, j’ai enregistré ma première symphonie, écrite à 18 ans, avec l’Orchestre de Nice. De plus, j’ai composé la musique pour un film de Claude Lelouch qui vient de sortir. Je suis toujours en quête de nouvelles connexions et inspirations !

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