« On a feulé chez Monsieur Sloop »
À la fois drôle et dramatique cette pièce de théâtre écrite par Bernard Leroux en 1979, jouée au Fringe Club le 17 janvier, est un monologue interprété, en français, par Agnès Seelinger. Actrice, metteuse en scène et productrice, Agnès Seelinger donnera sa voix à plus de 15 personnages, M. Sloop, Mme Sloop, Alexine, un boucher… mais aussi un tigre ou encore une girafe. Nous avons souhaité en savoir plus, elle répond à nos questions.
Propos recueillis par Catya Martin
Trait d’union : Comment vous est venue l’idée de cette pièce ?
Agnès Seelinger : L’idée m’est venue il y a très longtemps, je l’ai déjà jouée trois fois à Hong Kong et deux fois à Paris … il y a 16 ans.
À la lecture de ce texte, il m’est apparu le fait évident qu’il fallait en faire un monologue avec une vingtaine de personnages.
Oui, et même des animaux !
Absolument, on y trouve également des animaux avec un tigre, un éléphant et une girafe.
Avec qui travaillez-vous sur ce projet ?
Cette fois, je suis seule. Ayant déjà joué cette pièce, je me suis sentie capable de pouvoir me lancer seule. J’ai, bien sûr, quelques personnes proches qui me donnent un avis extérieur.
Ensuite je pars la jouer à Bangkok où mon amie Laurence Neveu sera à mes côtés pour m’aider, notamment sur la partie plus technique.
Pour la représentation du 17 janvier au Fringe, je vais avoir à mes côtés, ma partenaire de crime avec laquelle je travaille pour la fondation Seelinger Art Foundation, Sophie Lamacq.
Pouvez-vous résumer la pièce ?
L’histoire est celle d’un couple, Monsieur et Madame Sloop, qui depuis 15 ans essayent d’avoir un enfant, ne réussissent pas, et donc vont finalement décider d’adopter un tigre qui vient de s’échapper d’un zoo.
L’histoire est racontée par leur domestique, Alexine, une femme d’une tendresse incroyable, qui les adore, qui les comprend, même si parfois ils la traitent d’une façon assez rude. Et ce qui est formidable dans cette histoire, c’est qu’elle parle d’eux avec une tendresse qui m’a immédiatement touchée.
Cette histoire montre jusqu’où on peut aller dans la folie, l’absurde, la drôlerie, mais aussi le dramatique, quand on est face à une problématique, à savoir ne pas pouvoir avoir d’enfant.
Seule sur scène, vous allez jouer le couple, la servante, les animaux, … ?
Absolument.
En général les acteurs s’approprient un personnage pour le travailler au plus près, là vous êtes tous les personnages. Comment se prépare-t-on ?
La préparation s’est faite assez naturellement. J’ai fait l’adaptation du texte en le réécrivant et les personnages me sont apparus immédiatement et assez simplement.
J’ai essayé de moduler ma voix, de travailler sur mon corps, sur les intonations, sur les accents. Tout est venu assez naturellement en réalité, et je pense que c’est aussi lié à l’adaptation que j’en ai fait.
Quand vous parlez d’adaptation, qu’avez-vous modifié sur le texte ?
J’en ai fait un dialogue, il n’y avait pas de dialogue.
Il y avait une lecture explicative, c’était une histoire racontée. J’ai vu les éléments sortir du texte, donc j’ai commencé à écrire faire parler individuellement Alexine, M. Sloop, Mme Sloop.
On parle d’un monologue mais dans les faits vous jouez tous les personnages.
Oui, on peut dire que c’est un « multilogue ». Effectivement, nous ne sommes plus sur la notion et l’idée que l’on peut se faire d’un monologue.
Qu’attendez-vous du public ? Y-a-t-il un message derrière ce choix de pièce ?
Je n’attends rien fondamentalement du public. J’essaye effectivement de faire passer un petit message, je ne veux pas non plus avoir une prétention trop importante. Le message reste simple, être vigilant, tendre, attentionné et bienveillant quand on rencontre des personnes qui ont cette problématique. Personnellement je ne l’ai pas eu, mais en lisant ce texte, j’ai ressenti la possible douleur, la possible perdition, la possible folie dans laquelle on peut aller. J’ai donc beaucoup de compassion.
Vous avez une fondation, quel est son rôle et à quoi sert-elle ?
Oui, la « Seelinger Arts Foundation » qui a pour but de développer des projets artistiques franco-chinois, de façon à faire exister l’art français à
Hong Kong et également aider les artistes hongkongais.
Il est très compliqué, à Hong Kong, de vivre en tant qu’acteur ou en tant que metteur en scène. Une grande majorité des acteurs que je connais ont un autre travail, ils pratiquent leur passion en plus, le soir. Les seuls qui arrivent à en vivre sont les artistes qui font partie de compagnies, qui vont pouvoir les payer tous les mois.
La Fondation vient en soutien des artistes à travers des projets artistiques ?
Oui mais pas seulement. J’ai créé des liens depuis deux ans avec la fondation, la charité Po Leung Kuk, où j’ai commencé à organiser des ateliers de mise en pratique théâtrale pour les élèves. C’est une association qui me tient à cœur, parce qu’elle s’occupe d’orphelins et de femmes dans des situations précaires.
Quelle est la suite pour vous, après cette représentation au Fringe ?
Bangkok, les 7 et 8 février.
J’aimerais également pouvoir me produire sur le reste de l’Asie. Pour l’instant c’est pratique parce que je suis seule en scène, les coûts sont plus réduits. Après sur des pièces avec plusieurs personnes, il faut voir.
« On a feulé chez Monsieur Sloop », permet une présentation de mon travail. Et puis la deuxième étape du projet, est de la mettre en scène en cantonais avec une actrice hongkongaise, Esther Sogun, afin de pouvoir jouer cette pièce en cantonais que je mettrais en scène. C’est un nouveau challenge qui m’intéresse.
Le théâtre est une langue du cœur, une langue du regard, une langue du corps, donc ayant déjà coaché des acteurs en Chine il y a 20 ans, sans parler mandarin, j’ai bien vu que finalement c’était possible. Je me suis dit, pourquoi ne pas essayer en cantonais.
Toute l’équipe travaille bénévolement et les ventes de billets seront partagés par le Fringe Club et la Seelinger Arts Foundation, deux associations caritatives dont les missions sont le développement artistique à Hong Kong et la coopération culturelle internationale.
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« On a feulé chez Monsieur Sloop » (A Yowl at Mr. Sloop’s)
Vendredi 17 janvier à 19h15
Fringe Club : 2 Lower Albert Road, Central, Hong Kong
Tickets : HKD280 – Fringe members HKD252
(Photo d’Agnès Seelinger ©Sophie Bonnin Rocher)