Atacama : Un désert sud-américain haut en couleurs
Entre le courant froid de la côte Pacifique et les versants volcaniques de la cordillère des Andes, Atacama est le plus sec de tous les déserts de la planète, vieux d’au moins sept millions d’années. Une altitude déroutante, des paysages lunaires et une faune atypique en font un lieu d’exception sous une voûte céleste réputée être la plus pure de la Terre.
Par Christian Sorand
Les grands déserts ponctuent la ligne imaginaire du tropique du Capricorne : le désert du Namid et du Kalahari, en Afrique australe ; pas moins de quatre déserts couvrent la majeure partie de l’Australie ; en Amérique du Sud, le désert d’Atacama s’étale sur la portion septentrionale du Chili, de la ville minière de Copiapo au sud, à Arica à la frontière du Pérou.
Le courant froid polaire de Humboldt remonte le long de la côte chilienne, créant un haut-plateau désertique s’étirant le long des versants occidentaux de la chaîne andine. La toile de fond de ce massif montagneux se caractérise par une intense activité volcanique. Le patrimoine géologique offre donc un kaléidoscope véritablement exceptionnel.
Pays de l’ethnie aymara, cette vaste étendue lunaire (comme celui de Valle de la Luna, près de San Pedro) sert de frontière au sud du Pérou, à la partie occidentale de la Bolivie ou au nord de l’Argentine.
La palette des couleurs.
Le désert d’Atacama est traversé par le Tropique du Capricorne, marqueur d’autres zones arides de l’hémisphère sud. Or, Atacama a la particularité d’être un désert d’altitude (Altiplano) soumis à des variations climatiques liées à des conditions géographiques particulières. Outre la latitude, l’altitude et le volcanisme de la chaîne andine ont façonné le paysage. Or, quand la croûte terrestre est laissée nue par manque de précipitations, le vent sculpte alors le relief, puis les écarts de température et les rares pluies torrentielles font le reste.
À Atacama, deux autres éléments interviennent dans ce tableau. Les pentes occidentales des Andes sont soumises à une intense activité volcanique, ponctuée de geysers (El Tatio, à la frontière bolivienne) et d’un panel de roches volcaniques aux couleurs variées. La fonte des neiges du versant andin, culminant à 6000m, alimente quelques cours d’eau creusant des cañons devenant des oasis fertiles. Qui plus est, par l’altitude, les “salars” deviennent de grands miroirs d’eau salée, attirant une multitude de volatiles, dont trois espèces de flamants.
L’œil du visiteur ou du photographe n’est pas insensible à cette extraordinaire palette de couleurs caractérisant le paysage, comme celui du Valle del Arcoiris (arc-en-ciel) au nord de San Pedro de Atacama.
En outre, l’aridité du désert a conservé les traces des pétroglyphes d’anciennes civilisations précolombiennes. Et pour couronner le tout, quelques espèces animales endémiques viennent s’ajouter à ce tableau exotique : lamas, alpagas, vigognes, nandous, flamants…
Des lieux magiques.
Trois grands ports jalonnent la côte Pacifique, en remontant du sud vers le nord : Antofogasta, Iquique et Arica à la frontière péruvienne. La seule grande ville intérieure est Calama, dotée d’un aéroport situé à une heure de route à l’ouest de San Pedro de Atacama, ancrage obligé des touristes venus du monde entier. Cette petite agglomération de 5000 habitants est déjà à une altitude de 2,400 m.
Charmante bourgade, aux maisons basses en adobe et aux rues en terre battue, San Pedro ressemble aux autres agglomérations typiques de l’Amérique andine. Elle se caractérise pourtant par un grand nombre de gites, d’hôtels, de restaurants, de commerces et d’agences de voyage faisant le bonheur des visiteurs étrangers venus explorer ce désert andin. On ne s’attendrait guère à ce que ce lieu soit devenu un rendez-vous international : Chinois, Coréens, Japonais, Sud et Nord-Américains, Européens surtout ! La jolie Plaza de Armas ombragée accueille un petit marché artisanal ; et les quelques terrasses de cafés favorisent la mixité des rencontres. La blancheur coloniale de l’Iglesia San Pedro, date du XVIIe ; cette église coloniale se caractérise par son plafond en bois de cactus !
À proximité de San Pedro, l’un des lieux à ne pas manquer est le Valle de la Muerte (vallée de la Mort). S’il faut un véhicule pour y accéder, c’est à pied que l’on arpente le site par des chemins balisés : on y découvre des paysages galactiques et de gigantesques dunes. Le panorama depuis le Valle de la Luna, au-dessus de cette “vallée de la Mort” chilienne, est particulièrement beau au coucher du soleil.
À environ 70km au nord-est de San Pedro, près de la frontière bolivienne, il existe des lieux moins visités qui n’en restent pas moins remarquables. Le premier est un site rupestre qui se parcourt, lui aussi à pied, pour découvrir les pétroglyphes de Yerbas Buenas. Ce lieu était vraisemblablement un rendez-vous régional du chamanisme vu le grand nombre des gravures animales (lamas, serpents, flamants, renards) et des silhouettes humaines. Non loin de là, une piste de montagne mène à la vallée de l’Arc-en-ciel (Valle de Arcoiris). Il s’agit d’un site naturel absolument féérique où des roches de toutes les couleurs se côtoient : rouge, orangé, noir, bleu, jaune, blanc, brun.
À San Pedro, la platitude du désert est dominée par le Licancabur, un stratovolcan andin, haut de 5,916 m et son voisin, le Sairecabur (5,971m). Un peu plus au nord du même versant andin, la région d’El Tatio (à 4,280 m d’altitude) est une zone géothermale de 80 geysers. C’est la plus vaste de l’hémisphère Sud et la troisième au monde après Yellowstone aux États-Unis et la vallée des geysers en Russie. L’idiome Kenza l’affuble du terme poétique “le grand-père qui pleure”.
Au sud de San Pedro, la route croise le chemin menant à l’observatoire européen du Cerro Paranal (à 2,635 m), avant d’atteindre le village-oasis de Toconao (2,485m, “pierre” en Kunza). Outre l’église San Lucas du XVIIIe, cette jolie petite bourgade est située sur la rivière du même nom, aux eaux exceptionnellement claires, propices à la culture des arbres fruitiers. Ce cours d’eau andin a creusé un cañon peu visité (Quebrada de Jere) au fond duquel il y a une oasis de montagne ressemblant à celles de l’Atlas maghrébin.
À quelques kilomètres plus au sud, on arrive au grand salar d’Atacama (2,438 m), le plus vaste dépôt salin du Chili, qui abrite trois espèces endémiques de flamants, une multitude d’autres oiseaux, mais aussi une faune de petits reptiles et d’insectes. Cette partie du désert est celle du passage de la ligne du tropique du Capricorne.
En poursuivant la route au sud, on traverse les paysages de l’Altiplano avant de grimper lentement jusqu’au village de Socaire, à 3,218m d’altitude. Quelques troupeaux de nandous, variété sud-américaine de l’autruche, vivent dans ces parages. Une piste mène alors au parc naturel de la Laguna Miscanti (4,210 m). Ici, l’altitude se fait sentir davantage, mais ce lieu formé de deux lacs, Miscanti et Miniques, est d’une grande beauté, sur un fond composé de deux cônes volcaniques très actifs : le Miñiques (5,910 m) et le cerro Miscanti (5,622 m). Ce site unique est le domaine de plusieurs espèces protégées : les vigognes, les guanacos, les mouettes des Andes et les trois espèces endémiques de flamants.
Un habitat particulier.
Le désert d’Atacama a donc un cadre physique et animalier particulier, caractérisé par la latitude, mais aussi par l’altitude de l’Altiplano et par l’activité volcanique de la région. On y croise donc une faune spécifique. L’Amérique andine est le domaine du lama et de ses espèces voisines : l’alpaga, le guanaco et la vigogne ; les viscachas sont des lapins à longue queue ; les nandous sont une variété de petites autruches sud-américaines ; il y a trois espèces de flamants : le flamant des Andes, du Chili et de James ; mais on y trouve aussi des foulques, des pluviers, des canards à collier noir et la mouette des Andes ; puisqu’il s’agit d’une zone désertique, il y a aussi 22 variétés de reptiles.
On constate à quel point le désert d’Atacama est une zone atypique à la fois par sa topographie et par sa biosphère. Ce vaste espace aride recèle une grande richesse minière et offre un grand atout astronomique. Le désert est riche en minerais comme le fer et surtout le cuivre, mais aussi riche en or et en argent. L’industrie chimique y exploite le nitrate, source d’engrais, tout autant que de poudre et d’explosifs. En survolant la région par avion, on s’aperçoit que les grands trous béants sont le domaine de mines gigantesques à ciel ouvert. Quant au salar, il est l’une des principales sources du lithium. Parallèlement, l’altitude et l’exceptionnelle sècheresse attirent une activité plus saine, celle de grands observatoires internationaux, dont celui du télescope géant européen, en construction à 3,064m.
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Bibliographie :
Chili et île de Pâques, Lonely Planet, ISBN : 978-2-38492-363-2
Liens :
wikipedia