Evasion

Sào Paulo : une mégalopole à l’image de l’immensité brésilienne

Vibrante, frénétique, cosmopolite, tentaculaire, on n’en finit pas d’accumuler les impressions liées au gigantisme et au dynamisme fulgurant de Sào Paulo. Plus grande ville brésilienne, c’est aussi l’une des cinq plus grandes cités de la planète. Alors, que se cache-t-il derrière cette façade, à priori terrifiante ?

Par Christian Sorand

La population pauliste (‘Paulistas’ est le nom portugais des habitants) est estimée à 23M et le grand Sào Paulo compterait 27M d’habitants. La mégalopole se classe dans le palmarès des dix plus grandes cités mondiales. Ces chiffres ont de quoi effrayer et freiner toute envie de s’y rendre. Or, l’aéroport de Sào Paulo est devenu un lieu incontournable pour les voyageurs transatlantiques ou transpacifiques. Même si Rio ou Buenos Aires sont aussi des destinations de transit privilégiées, l’escale de Sào Paulo s’impose le plus souvent à ceux qui arrivent sur le continent sud-américain. Alors, après Brasilia, Salvador da Bahia et Rio de Janeiro, voici cette fois la cité communément surnommée « Sampa » par les Brésiliens.

Métropole tentaculaire

Que de chemins parcourus depuis sa fondation par deux jésuites portugais en 1554 ! Le monastère de Patéo do Collégio, lieu de naissance de Sào Paulo, a été restauré pour commémorer les 500 ans de la ville. D’abord attirée par la proximité des mines d’or jusqu’au XVIIIe, puis par le boom du café et du sucre, l’immigration est à l’origine de la croissance et du formidable dynamisme de la plus grande ville brésilienne. Portugais, Italiens, Allemands, Espagnols, mais aussi Arabes et Asiatiques sont arrivés en masse.
Alors, non contente d’être devenue la capitale économique du pays, Sào Paulo reste aussi la plus grande ville lusophone du monde ; celle où 60 % de la population est d’origine italienne ; celle encore où vit la plus grande communauté nippone hors du Japon. Les superlatifs continuent. La ville est devenue la plus peuplée du continent américain avec Mexico et New York, et la plus grande agglomération de tout l’hémisphère sud ; celle également dont le PIB est le meilleur d’Amérique latine. Signe de réussite économique : la Bourse de Sào Paulo demeure la première place financière de toute l’Amérique latine. Cette métropole est aujourd’hui classée parmi les dix villes les plus chères du monde.

Vitrine du creuset brésilien

Que Sào Paulo soit une ville d’apparence européenne comme Buenos Aires ou Santiago du Chili n’est pas vraiment une surprise en fonction de la principale origine de ses descendants. En revanche, on connaît moins ses deux autres origines migratoires : la japonaise et la libano-syrienne. L’histoire de l’immigration japonaise au Brésil vaut bien un moment d’attention de par son originalité.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l’ère de la restauration Meïji (1868) ouvre les portes du monde occidental. L’émigration japonaise au Brésil date de 1870 après un accord passé entre les deux États. Pour le Japon, il s’agissait de compenser le manque de terres et l’endettement rural. Pour le Brésil, il fallait faire appel à une main-d’œuvre palliant l’esclavage aboli. C’est ainsi qu’en 1908, le ‘Kasato-Maru’, parti de Kobé, via le cap de Bonne-Espérance, arrive au port de Santos, avec 782 immigrants japonais à son bord. Ce sont essentiellement des fermiers en provenance d’Okinawa. À partir de 1910, cette première vague migratoire (les Nikkeis, Japonais expatriés) s’intensifie à cause du blocage de l’immigration japonaise aux États-Unis. Une trentaine de navires d’immigrants se succèdent. 190.000 immigrés arrivent ainsi avant la Seconde Guerre mondiale, principalement pour travailler dans les plantations de café paulistes (État de Sáo Paulo). Au départ, cette vague migratoire se voulait temporaire. Toutefois, la plupart sont restés. Seulement 10 % d’entre eux sont retournés au Japon, où ils constituent d’ailleurs la plus grande communauté portugaise de toute l’Asie. Les ‘Nisseis’ (seconde génération) prospèrent. Dans les années 50, ils investissent le quartier de Liberdade devenu le quartier japonais de Sào Paulo. Ce quartier (« liberté », en portugais) date de l’époque de l’abolition de l’esclavage. Aujourd’hui, on y dénombre environ 57.860 Nisseis et Sanseis (Japonais de la 3ème génération). En visitant Liberdade, on ressent bien ce parfum émanant du Pays du Soleil Levant. On y trouve d’ailleurs un musée dédié aux premiers Japonais (Museu da Associaçao Okinawa Brasil, rue Tomaz de Lima). Les Japonais-Brésiliens (Nipo-brasileiros) forment aujourd’hui une population forte de 1,5 millions d’habitants.

L’immigration arabe, quant à elle, est d’origine plus variée. Au départ, elle est issue de Syrie, du Liban, d’Irak, de Palestine, ou d’Égypte. Elle est surtout liée à des causes religieuses et socio-économiques. Puis, au début du XIXe, on assiste à l’arrivée de juifs du Levant et du Maghreb. Au XXe siècle, un important contingent de chrétiens du Liban et de Syrie arrive. Parmi les 87.000 immigrants arabes, 40 % s’installent dans l’État de Sào Paulo entre 1871 et 1920. Une troisième vague arrive encore dans les années 1970, formée de musulmans libanais et palestiniens. Si cette diaspora a été principalement commerçante au départ, elle s’est ensuite diversifiée avec l’intégration : écrivains, politiciens, hommes d’affaires et même footballeurs (Mario Zagallo). Paulo Maluf (né en 1931), a été maire de Sào Paulo, puis gouverneur du même état, avant de devenir le leader du Partido Progressista. Gilberto Kassab (né en 1960), a été maire de Sào Paulo de 2006 à 2012.

Diversité touristique et culturelle

On pourrait croire que Sào Paulo offre peu d’attrait touristique en fonction du gigantisme. Or, il s’avère que le centre historique conserve un patrimoine intéressant.

Il est bon de savoir que dans la journée, la question sécuritaire ne se pose pas. Les rues du centre-ville sont piétonnes et densément fréquentées. Comme par ailleurs elles sont surveillées par une présence policière visible et diligente, cela donne le loisir de s’y promener en toute quiétude.

La facette coloniale de la cité pauliste s’intègre au modernisme des gratte-ciel. La Cathédrale métropolitaine (Catedral da Sé de São Paulo) de style néo-gothique (1913-1967) est le siège de l’archevêché de Sáo Paulo et peut contenir 8.000 fidèles. Elle occupe l’espace d’une place appelée Praça da Sé (place de la Cathédrale) au cœur de la ville ancienne. C’est le point de départ d’un entrelacs de rues piétonnes et commerçantes constituant le quartier des affaires de la cité pauliste, dominé par la Bourse et par une pléthore de banques et d’établissements financiers. Le théâtre municipal (Theatro Municipal, 1903), bâti sur la colline du Thé (Morro do Cha) est sans conteste le véritable joyau architectural de la ville. Construit dans le style du Palais Garnier de Paris, il abrite l’orchestre municipal, le chœur lyrique et le ballet de la cité pauliste. Un grand nombre de célébrités mondiales s’y sont produites, parmi lesquelles, Noureev, Caruso, la Callas, Toscanini ou Villa-Lobos, pour citer les plus connues.

Plus loin, la place de la république (Praça da República) offre un bel espace vert tropical au cœur du centre historique. C’est près d’ici qu’on peut voir deux immeubles notoires. Le premier est l’Edificio Itália (1956-1965) construit par l’architecte brésilien Franz Heep. Haut de 168m et de 46 étages, c’est le deuxième plus haut gratte-ciel de la ville après Mirante do Valle (170m, 51 étages). Il est réputé pour sa plateforme panoramique, son théâtre, son opéra et ses restaurants italiens. À quelques pas d’ici également, on pourra admirer la vague architecturale de l’Edificio Copan (140m, 38 étages, 1952-1961) dont l’architecte n’est autre que le célèbre Oscar Niemeyer. Son nom est un acronyme qui n’a rien à voir avec la cité maya du Honduras.

Le véritable cœur vert de Sào Paulo est le parc Ibirapuera (Parque Ibirapuera), l’un des trois plus grands parcs d’Amérique latine, comparable au Central Park de New York. Outre ses lacs et ses espaces verts, c’est ici que se trouvent un certain nombre de constructions dues pour la plupart à Oscar Niemeyer : le planétarium, le musée d’Art Moderne, le musée Afro-brésilien. Enfin, les amateurs d’art ne manqueront pas la visite du MASP (Museu de Arte de Sào Paulo, Assis Chateaubriand). Il abrite la collection d’art occidental la plus importante d’Amérique latine.

Ainsi Sào Paulo offre-t-elle un visage cosmopolite de premier ordre. Et si le centre historique rappelle par certains côtés le cadre des villes nord-américaines, il ne faut pas se leurrer sur cette apparence pour laquelle le cœur et l’âme conservent une couleur et un hâle tout brésiliens. Les Paulistes sont réputés accueillants malgré la taille disproportionnée de leur agglomération. Il est clair qu’elle ne bénéficie pas du même attrait que le site époustouflant de Rio-de-Janeiro ou de la beauté métisse et palpitante de Salvador da Bahia, mais elle mérite une escale au cours du voyage brésilien.

Bibliographie
Lonely Planet-Sao Paulo
Wikipédia-Sao Paulo
World Population Review
Wikitravel
http://www.gpsmycity.com
http://www.lepetitjournal.com/saopaulo
http://www.linternaute.com
https://arpoadorbatignolles.com
http://remi.revues.org