Saga Africa à Hong-Kong U !
« Africa at Hong-Kong U ». C’est sous ce nom fédérateur que le département « Etudes Africaines » de l’université hongkongaise organise chaque semestre un événement pour faire découvrir un pays du continent africain. Un département créé en septembre 2014, dirigé par le docteur Facil Tesfaye assisté des professeurs Roberto Castillo (spécialiste des relations sino-africaines) et Hyacintha Faustino. Après l’Angola en novembre 2014, l’Ethiopie était à l’honneur le 31 mars dernier. Si le but de ces événements réguliers est pédagogique, le département se positionne au quotidien comme une plateforme destinée à revaloriser l’image de l’Afrique tout en coupant court aux préjugés négatifs. A l’heure où la coopération Chine / Afrique est une réalité, le département « Études africaines » connait un succès croissant auprès d’étudiants chinois avides de découvertes. Un encouragement et une bouffée d’optimisme pour le directeur du département. Propos recueillis par Philippe Dova
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Trait d’Union : Quel est l’objectif de ces rencontres ?
Docteur Facil Tesfaye : L’objectif est de sensibiliser les étudiants à la diversité mais également à la complexité du continent africain, composé de différents pays, différents groupes culturels.
C’est une découverte pour eux ?
Ce n’est pas du tout évident ! A chaque début de trimestre les étudiants n’ont quasiment aucune connaissance sur l’Afrique ! Ils savent reconnaître le bloc sur le planisphère mais sont incapables de localiser les pays. Mon travail consiste à leur montrer que l’Afrique est un continent complexe ! Cet évènement était ouvert à toute la communauté de l’université mais nous pratiquons cela aussi dans les cours que nous proposons.
Quel est le contenu de ces cours ?
Nous sommes deux professeurs dont un à temps partiel spécialisé sur les cours de relations Chine Afrique. A travers ses cours il s’emploie à montrer aux étudiants que les relations sino-africaines ne datent pas d’il y a cinq ou six ans comme il serait facile de le penser mais remontent à des centaines d’années. Les échanges entre le continent asiatique, en particulier la Chine et le continent africain sont très anciens. Nous avons aussi un cours d’introduction des études africaines destiné à sensibiliser de manière très académique les étudiants à un continent très vaste, très complexe, très divers.
Quel est le profil de vos étudiants, quelles sont leurs attentes ?
Il n’y a pas vraiment de profil spécifique. Certains viennent par curiosité, d’autres parce qu’ils ont eu l’occasion de faire un voyage touristique en Afrique et veulent en connaître un peu plus. C’est assez varié. Nous sommes à Hong-Kong et je suis sûr que quelque part en leur fort intérieur l’idée du business n’est pas absente lorsqu’ils commencent à découvrir le continent africain ! Le but de nos cours n’est pas de donner une image exotique de l’Afrique mais au contraire une image réelle, la plus proche possible de la réalité et de ce qu’il s’y passe.
Par exemple ?
Nous allons leur parler des opportunités qui existent sur le continent africain tout en leur expliquant les difficultés de ce continent : désastres naturels, manque de moyens et d’infrastructures pour s’occuper des populations de façon adéquate. Nous essayons d’aborder tous les aspects.
Combien d’étudiants suivent le cursus ?
Le programme des études africaines est celui qui compte le plus d’étudiants parmi les départements « études de région » de HKU. Pour l’instant, notre programme est une option, il n’est pas encore possible de passer une licence d’études africaines mais nous y travaillons. Nous allons proposer plus de cours. Même en tant qu’option, nous avons quatre-vingt étudiants inscrits au cours d’introduction et nous avons été obligés d’en refuser une quarantaine car la salle était trop petite !
C’est plutôt bon signe ?
Oui c’est bon signe et cela montre la très grande demande des étudiants pour ce type de cours. C’est assez logique de proposer un programme éducatif à l’heure où les relations sino-africaines sont en plein essor…. Je dirais que le monde académique est en train de suivre le monde politique et économique. Ces derniers ont découvert l’Afrique et font des affaires avec depuis longtemps, le monde académique constate cette tendance et l’analyse. Nous remarquons par exemple une présence africaine de plus en plus visible en Chine ce qui n’était pas courant auparavant. Je crois que le monde académique est en train de clairement courir derrière tout en essayant de comprendre aussi ce qu’il se passe. C’est un peu la raison d’être d’un programme comme le nôtre à Hong-Kong, nous sommes les seuls à proposer ce type de programme dans le sud de la Chine. Notre objectif est de faire en sorte que notre département soit un hub dans la région.
Comment s’est déroulée cette journée consacrée à l’Ethiopie ?
En deux temps. Un premier temps pédagogique au cours duquel nos invités, le consul général d’Ethiopie à Canton, le directeur général d’Ethiopian Airlines à Hong-Kong ont parlé aux étudiants du développement économique de l’Ethiopie, d’un point de vue étatique mais aussi d’un point de vue d’acteur économique. Le deuxième temps a été un peu plus festif et culturel. L’idée « d’Africa at HKU » est de combiner les deux.
Quel a été le point le plus important de l’intervention du consul général ?
De nous dire que l’Ethiopie fait partie de ces pays africains qui connaissent depuis une dizaine d’années une croissance économique à deux chiffres en dépit de la récession mondiale observée depuis 2008.
Quel sera le prochain pays à l’honneur ?
Nous ne le savons pas pour l’instant. Nous essayons de rester dynamiques dans notre manière d’organiser ces événements. Cela montre l’adaptabilité du programme mais dans le même temps comme il n’y a que six ou sept représentants de pays africains à Hong-Kong, il n’est pas simple de planifier dès maintenant avec eux.
Comment faites vous connaître vos événements auprès de ces représentants ?
C’est avant tout une question de bouche à oreille. Le premier événement a eu comme origine une discussion que j’avais eue avec une représentante du consulat d’Angola, elle en a parlé à ses collègues et l’événement s’est réalisé. Je pense que pour les suivants, le bouche à oreille va fonctionner auprès des autres pays. L’idée est d’exposer les étudiants hongkongais à différents pays africains de façon ponctuelle. Je pense qu’il faut garder le côté exceptionnel tout en organisant des micros-événements entre chaque événement.
Tous les pays africains ne sont pas francophones mais il y en a quelques uns. Etes-vous en relation avec les différentes associations francophones de Hong-Kong ?
Nous sommes en train d’essayer de monter un réseau. C’est aussi l’objectif de cet événement, faire connaître notre programme. Nous avions essayé de contacter l’Alliance française mais n’avons jamais reçu de réponse… Je pense qu’au fil du succès des événements que nous organiserons, les associations francophones viendront certainement nous voir. Nous nous sommes concentrés pour l’instant sur les associations africaines. Nous avons beaucoup de contacts avec elles, avec le milieu d’affaires hongkongais au travers des Africains qui travaillent ici, également les Cantonais qui travaillent avec les Africains. Aujourd’hui nous avons eu un voyagiste de Canton qui organise des safaris en Afrique du sud. Nous avons une liste non exhaustive de bons contacts pour nous faire mieux connaître. A un moment donné ce sera aussi aux associations de venir vers nous, il faut aussi que nous enseignions.
En dehors des diplomates africains, qui aimeriez-vous recevoir comme invité lors d’un prochain événement ?
Je pense qu’il serait intéressant d’inviter des hommes politiques qui jouent ou ont joué un rôle important dans le monde. Kofi Annan par exemple qui en tant que chef des Nations Unies pendant de nombreuses années a vécu les grands moments, bons ou mauvais de l’Afrique. Laurent Fabius en tant que ministre des Affaires étrangères ou des hommes politiques français lorsqu’ils sont de passage à Hong-Kong pourraient venir nous parler de leur vision, de leur appréciation de la situation africaine. Nous serions très honorés de les recevoir au sein de l’université.
Vous semblez très optimiste ?
Lorsque je vois tous ces investissements chinois ou occidentaux en Afrique, je pense que le temps de l’Afrique « malade » est révolu. Nous sommes dans un autre temps. Les grands investisseurs ne sont pas des philanthropes, cela montre que l’Afrique est devenue une valeur sûre. C’est la Chine d’il y a vingt ans avec en plus les ressources naturelles ! Lorsque la stabilité politique sera revenue dans les régions en crise, le continent confirmera qu’il est celui de l’avenir !