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Point sur le lycée français de Hong-Kong

Pour Clément Brunet-Moret, la présidence du Conseil d’administration (CA) du lycée français international de Hong-Kong, Victor Segalen, n’était pas à l’ordre du jour lors de son élection au sein de cette instance. Elu président le 22 juin 2018, suite à la décision d’Yves Bernard de ne pas briguer un deuxième mandat, il est aujourd’hui le troisième président en trois ans de l’établissement français. Conscient des responsabilités qui incombent à ce rôle, notamment sur le plan juridique, il voit cette position, bénévole, comme étant axée sur des objectifs clairs et transparents. « En tant que Président et représentant de la communauté, je me dois d’être plus équilibré dans mes jugements et mon propos que lorsque j’étais simple membre du CA où j’étais plus libre de parole», indique-t-il. Géré par 13 membres au maximum dont 12 parents d’élèves élus pour trois ans et le Consul général et France à Hong-Kong et Macao, le CA accueille également des membres invités : représentants du consulat, le proviseur de la section française et son homologue de la section internationale LF ainsi que des représentants des parents et des enseignants lorsque les sujets les concernent. Ces membres sont tous bénévoles et n’obtiennent aucune contrepartie financière de la part du lycée.

Propos recueillis par Catya Martin

 

Trait d’Union : Pourquoi avoir décidé de vous présenter au CA ?

Clément Brunet : Je suis à Hong-Kong depuis 20 ans, mes deux enfants ont fait toute leur scolarité au sein du lycée français. Cette école nous lui devons beaucoup donc c’est une sorte de reconnaissance envers cet établissement et sa communauté.

Puis, il y a aussi un héritage familial. Mon grand-père a été directeur général de l’Education nationale, il y a fait toute sa carrière. Il a commencé comme professeur des écoles dans un petit village du Sud-Ouest, puis a été proviseur de lycée français à l’étranger et a fini sa carrière comme directeur général de l’Éducation Nationale. J’ai donc grandi dans cette ambiance avec, en plus une famille évidemment très attachée aux valeurs de l’éducation française. Pour moi, ce n’est pas une vocation mais une façon de rendre à la communauté une partie de ce qu’elle a pu me donner. De plus, cet héritage familial  me permet d’avoir une approche un peu plus globale.

 

Venons-en au sujet qui est d’actualité, l’avenir du lycée. Convention, partenariat, homologation, tout est discuté. Où en est le CA de sa réflexion ? Qu’en est-il des échanges avec l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ?

C’est un sujet complexe, l’AEFE, le rapport avec le consulat, le rapport avec l’école, qui fait quoi au sein de notre établissement. Il est vrai qu’en tant que parents d’élèves ce n’est pas facile d’avoir l’information et de comprendre les rôles exacts de chacun. Nous avons essayé d’avoir autant de transparence que possible, nous avons organisé une réunion d’information sur ce sujet à Tseung Kwan O. Nous continuons à parler activement avec les parents représentants, nous allons continuer à consulter les parents délégués et la communauté dans son ensemble.

L’AEFE a souhaité, depuis cinq ans, modifier la convention, afin de clarifier le rôle et les missions de chacun au sein de l’établissement.

Le statut d’établissement conventionné veut dire que l’école, sur le plan pédagogique, est gérée par l’AEFE qui délègue un proviseur et une équipe de direction pédagogique que nous ne choisissons pas. L’agence souhaite clarifier le rôle du proviseur qu’elle nomme, afin que son statut de chef d’établissement ne soit pas contesté et que toute l’école lui rapporte. Or aujourd’hui, nous nous sommes aperçus que cela devenait complexe, notamment avec notre section internationale qui est un cas quasi unique au sein du réseau AEFE. Il y a un manque de liens entre nos deux sections et le fait que nous sommes un gros établissement avec quatre campus.

 

Justement, vous souhaitez créer des passerelles entres ces deux sections. En quoi cela ne pourrait se faire qu’à travers un partenariat ?

Nous devons devenir un lycée qui favorise ces passerelles. Nous avons une chance incroyable avec nos deux sections. Nous sommes un des rares lycées au monde à pouvoir offrir ces deux options. Créer des passerelles entre les filières, serait l’avantage du partenariat en plus de la flexibilité. Aujourd’hui nous avons une gestion très rigide. Un fonctionnaire délégué par l’AEFE est là pour trois ans et applique logiquement ce que l’AEFE lui demande. Il n’est pas assez à l’écoute des attentes de notre communauté.

 

En quoi le proviseur nommé par l’AEFE ne pourrait pas mettre en place ces passerelles?

Ces passerelles entre le système IB (International Baccalauréat) et Bac Français ne semble pas exister dans l’éventail des politiques de l’AEFE.

Le proviseur a un éventail de politiques pour la bonne gestion de l’établissement mais aucune de ces directives ne donne une vision d’un échange avec une section internationale.

Aujourd’hui l’équipe nous dit ne pas savoir comment gérer cette section internationale et nous dit que c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas de projet d’établissement depuis de nombreuses années alors qu’il s’agit d’une des tâches les plus importantes du proviseur, afin de donner une direction claire à l’établissement.

Lorsque vous scolarisez votre enfant au lycée français, vous avez le choix entre une section française, un cursus bilingue à parité horaire (section internationale américaine) et une section internationale avec un cursus IB (70% en anglais et 30% de français).

Un éventail d’options uniques au monde qui est une de nos forces et qui n’est pas assez exploité.

Nous discutons avec la communauté des parents de leurs attentes, d’où le sondage IPSOS que nous avions fait, et nous connaissons bien les attentes de la communauté, notamment en matière de langues.

 

C’est-à-dire ?

Prenez l’exemple du bilingue immersif qui est un dossier qui, apparemment, était une initiative locale, construite localement. Ce dossier a été présenté au CA comme étant une initiative venant de l’AEFE, ce qui n’était pas le cas.

Le dossier n’avait pas été correctement budgété et au moment du vote nous n’avions pas toutes les informations concernant les implications financières. Le cout était plus important que ce qui était prévu avec, en plus, un nombre d’heures d’anglais, finalement dispensé aux enfants, très inférieur à ce qui nous avait été présenté et que nous avions approuvé.

C’est typiquement un exemple du manque de transparence que nous avons avec l’équipe de l’AEFE.

Nous avons donc perdu progressivement le bilingue à parité horaire provoquant, à juste titre, une véritable émotion auprès des parents qui ont lancé une pétition en ligne.

Cette décision ne correspondait pas aux attentes de nos parents d’élèves et ils l’ont fait savoir. Nous devons les écouter.

Ce que nous souhaitons c’est garder l’essentiel de ce qui fait la force du LFI aujourd’hui : excellente réussite au baccalauréat, excellents débouchés pour nos élèves, une école inclusive où l’on accueille tout le monde. C’est très important et cela fait partie de la vision fondamentale de l’école.

 

Il y a des familles qui n’ont pas fait le choix du LFI pour la scolarité de leurs enfants.

Oui, il y a trop d’élèves français en dehors du lycée et notre souhait est de les faire revenir. Il nous faut redevenir suffisamment attractifs pour que ces élèves, qui sont partis dans d’autres écoles internationales, reviennent chez nous. La concurrence de ces établissements étrangers augmente avec un nombre de plus en plus importants d’écoles. Les chiffres du bureau de l’éducation de Hong-Kong sont formels, il y a trop d’écoles internationales. (NDLR : Voir tableau en fin d’interview. De 2015 à 2019, 3.693 places supplémentaires ont été créées à Hong-Kong).

 

Nombres de places créées à Hong-Kong. (Source : Education bureau of the HK SAR)

 

Et pour les familles qui choisissent les écoles publiques par manque de moyens ?

Quel que soit le statut de l’école, conventionné ou partenaire, cela ne change en rien l’accès aux bourses scolaires qui ne dépendent que de l’homologation de l’établissement.

Je souhaite en tant que président, et c’est le point principal de la vision que j’ai de cette école, que l’on puisse accueillir tous les français. Pour les familles en difficulté nous avons des fonds de solidarité. Ces familles peuvent venir nous voir et nous trouverons des solutions ensemble pour garder les enfants scolarisés au sein de l’établissement. C’est notre rôle essentiel pour notre communauté.

 

Qu’en est-il de la relation du LFI avec le consulat ?

Cette école est faite par et pour la communauté française, le partenariat avec le consulat existe depuis toujours et il existera toujours. Avec 2.700 élèves nous sommes l’instrument nécessaire pour le bien de notre communauté et sa présence à Hong Kong. Le Consulat, et à travers lui, l’Etat français, font clairement partis de la vision de cette école. Je ne pense pas et ce n’est pas notre souhait, qu’un changement de statut, change le niveau d’implication du consulat. Nous souhaitons garder ce lien très fort.

Aujourd’hui le consulat est associé à toutes les décisions. Le Consul, ou ses représentants, participe à toutes les réunions du CA, avec droit de vote. Ils sont associés étroitement aux négociations en cours sur la convention et le Consul la signe au nom de l’AEFE.

Comme je le disais, le lycée est un outil tellement indispensable pour notre communauté dont nous avons accompagné la croissance avec l’ouverture de notre nouveau campus de TKO à la demande du Consulat, celui-ci a donc besoin d’être partie prenante du lycée. D’ailleurs nous travaillons très bien avec le Consul et l’ensemble de ses équipes notamment le Conseiller de coopération et d’action culturelle (COCAC) qui gère localement les équipes AEFE dont le proviseur et son équipe.

 

Vous avez reçu un projet de convention de l’AEFE. Pouvez-vous nous en dire plus ?

L’agence n’a pas retenu grand chose de nos propositions, et c’est bien là le problème. Dès son installation, le CA actuel a pris le dossier en main, a créé une commission spécifique pour travailler sur la convention. Un travail de fond a donc été fait en commun avec le responsable AEFE de la zone Asie et le Consulat, qui a donné un projet très complet qui a été refusé par l’Agence. La discussion a donc été arrêtée. Lors de l’inauguration de TKO, le 30 novembre dernier, le directeur de l’Agence nous a dit vouloir rouvrir la discussion. Nous avons demandé à ce que tout avance vite car la communauté des parents et des professeurs est en attente et souhaite savoir rapidement dans quelle direction va le lycée. Nous avons reçu récemment une nouvelle proposition de l’AEFE. La commission en charge s’est donc réunie pour travailler sur la réponse à faire et nous leur avons donc répondu cette semaine.

On voit que les lignes rouges, et c’est le propre terme de l’AEFE, n’évoluent pas. Elles tournent autour de la nomination et de la gestion du proviseur. Pour l’AEFE, le recrutement et la gestion du proviseur par le CA sont du ressort d’un partenariat et non d’une convention.

C’est la différence majeure entre la convention et le partenariat. C’est une question de gouvernance et non pas de pédagogie.

Pour dépassionner le débat, j’explique à notre communauté qu’entre un partenariat et une convention, les parents n’y verront aucune différence. Ce sera les mêmes professeurs, les mêmes bourses, la même homologation et la même pédagogie.

 

Et concernant les professeurs résidents ?

Les résidents sont des professeurs (41 résidents sur 228 enseignants au total) directement employés par l’AEFE et nommés par eux. Ils vont rester et c’est notre souhait. Certains des résidents actuels étaient locaux avant de passer résident, beaucoup sont localisés à Hong-Kong. Nous allons proposer, à tous les résidents, un contrat local. C’est eux qui décideront.

Nous les avons contacté pour les rencontrer individuellement. Tous n’ont pas encore répondu à cette demande d’entretien.

Plus de 90% des résidents rencontrés ont déclaré être intéressés pour rester au sein de l’établissement même si nous venions à changer de statut.

Je tiens á préciser qu’à ce stade aucune décision n’a été prise. Nous avons juste validé l’engagement de moyens pour étudier l’éventualité d’un passage en partenariat. Ca se prépare de façon sérieuse avec des personnes qui ont une expertise et du temps pour faire un travail de fond sur cette question. Cela veut dire mettre sur ce dossier notre directeur des ressources humaines, recruter des consultants externes qui ont une expérience dans ce domaine pour nous aider. Nous avons comme consultants des personnes extrêmement professionnelles dont un ancien attaché de coopération éducative à Londres. Ils ont accompagné ces 10 dernières années de nombreux établissements depuis la création jusqu’à la définition d’un plan stratégique. Ils travaillent régulièrement sur des sujets de changement de statut tel que celui qui nous occupe actuellement.  Ils vont nous aider à définir notre gouvernance, à définir des points cruciaux comme l’indépendance de la pédagogie qui est vraiment au cœur de nos préoccupations. Ce changement ne concerne pas uniquement notre relation avec l’AEFE mais serait aussi un changement de gouvernance.

Notre volonté est d’adapter ce lycée à l’évolution de notre communauté et des offres éducatives à Hong-Kong. Les changements au sein du CA sont trop nombreux et donc nous perdons notre historique. Différents modèles existent avec une partie du CA élue par la communauté des parents, une partie issue des entreprises locales. Il y a plusieurs possibilités. C’est le travail des consultants recrutés. L’objectif étant d’aboutir à des propositions permettant de proposer aux parents un nouvel outil de gouvernance qui positionne notre établissement pour mieux répondre aux défis présents et futurs. C’est notre engagement auprès de la communauté dans son ensemble, élèves, parents, enseignants et salariés du LFI

Nous travaillons sur l’avenir de l’établissement, c’est à dire convention/partenariat. Aucune décision n’est aujourd’hui prise, elle le sera avant le 5 avril après l’exercice de consultation que nous entreprenons.

 

Vous parlez de décision le 5 avril, une consultation en amont des parents est-elle prévue ? Si oui, en direction de l’ensemble des familles, ou uniquement celles de la section française ?

Toutes les familles du lycée sont concernées. Le LFI est une entité juridique entière.

Nos deux écoles sont imbriquées. Toutes les augmentations tarifaires que nous avons eues ont été expliquées de façon uniforme aux deux sections. Les familles de la section internationale doivent se sentir partie prenante de cette école, je trouverais anormal d’aller interroger une partie seulement de la communauté sur une vision à long terme et un changement de gouvernance. Je rappelle que nous nous devons, au regard de nos engagements auprès des autorités de Hong Kong et du bail de nos terrains, d’avoir une section IB au sein de notre établissement.

Nous parlons de changement de gouvernance donc le CA, à travers ses parents élus par la communauté pour gérer l’école en leur nom, est dans son droit de faire un changement de gouvernance, c’est un sujet très complexe pour l’ensemble de notre communauté que nous nous efforcerons d’expliquer mieux. Le mode de consultation est actuellement en discussion.

 

Si une majorité des parents optent pour un changement de statut, quel serait le calendrier?

Ce qui est très clair, c’est que la rentrée 2019 se fera avec la convention actuelle. Si nous choisissons la voie du partenariat, cela sera effectif au plus tôt en septembre 2020.

La communauté française de Hong-Kong a changé. Il faut que le lycée s’adapte à ces changements mais aussi à une concurrence devenue plus forte. Il nous faut devenir plus attractif pour les familles. Cette étude de changement de statut découle de ce constat. L’Agence est un carcan rigide dans sa gestion administrative et pédagogique, nous l’avons vu sur les allers et retours que nous avons subi sur nos politiques de langues. Il est important de renforcer notre équipe pédagogique, de la localiser et qu’elle soit plus à l’écoute de la communauté. C’est à cela que le partenariat doit répondre. Une adaptation de notre gouvernance à un changement de marché pour préserver notre école pour le futur.

 

Si l’AEFE valide vos demandes, la nouvelle convention s’appliquera-t-elle dès septembre ?

Le timing sera à définir avec eux sauf que, à priori, nos demandes en matière de gouvernance correspondent à un partenariat et non à un statut d’établissement conventionné. C’est que qu’ils nous disent. Nous en sommes arrivés là car il y a une nécessité d’adaptation de notre outil de gestion de notre établissement au marché local. Nous ne sommes pas les seuls à avoir ce débat à travers le monde. Le rôle de l’AEFE a évolué depuis de nombreuses années. Il y a 20 ans, elle subventionnait une grande partie des établissements conventionnés.

Le LFI, jusqu’à il y a cinq ans, était bénéficiaire dans sa relation financière avec l’Agence. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. En coupant le lien avec la convention et en passant partenaire nous aurions plus de capacité financière notamment pour pouvoir recruter plus de personnel. Si nous passons partenaire, il faudra mettre en place une équipe plus importante d’encadrement pédagogique pour renforcer la qualité de notre enseignement, devenir plus innovants.

 

Justement, on parle de 3% d’augmentation courante et de 2% supplémentaire pour le passage au partenariat. Qu’en est-il ?

N’ayant pas encore les résultats de l’étude, nous n’avons pas de réponse à cette question. Nous pourrons répondre une fois l’étude de faisabilité et de couts terminée. Nous sommes effectivement partis avec une base théorique de 2% maximum d’augmentation pour le passage en partenariat si cela se faisait. Nous le saurons en mars lors du vote du budget par le CA mais notre volonté est très claire de garder cette école aussi accessible financièrement que possible pour l’ensemble des familles. Ce dont je suis sûr c’est qu’il n’y aura pas d’augmentation supplémentaire à la rentrée 2019.

Voir article : « La priorité d’un consul général reste l’intérêt supérieur des enfants »