Pierre-Eric Saint-André : « Les CCI et moi c’est une longue histoire »
Arrivé à Hong-Kong en 2017, avec son épouse Claire et sa fille Ludivine, Pierre-Eric Saint-André est, depuis le mois de septembre, le nouveau président de la Chambre de commerce et d’industrie française de Hong-Kong. Originaire du Sud de la France, le Président de Dragages a succédé à Nicolas Borit chez Bouygues. Pierre-Eric Saint-André a toujours eu l’âme d’un entrepreneur et très jeune, 28 ans, il décide de créer sa première société, une startup dans le domaine du logiciel et de l’Internet mobile.
« Ce que je retiens de cette première expérience avec cette startup, c’est que finalement en trois ans j’ai commis beaucoup d’erreurs mais cela a été extrêmement formateur », explique le président de la French Chamber. Riche de cette expérience, il co-fonde, trois ans plus tard, en 2002, une seconde start-up dédiée à l’aménagement numérique du territoire qui allait 15 ans plus tard devenir le leader français dans son domaine et l’amener à Hong-Kong. Rencontre avec un entrepreneur dans l’âme.
Propos recueillis par Catya Martin
Trait d’union : Quel est votre parcours ?
Pierre-Eric Saint-André : Je suis originaire d’un petit village ardéchois niché aux portes des Cévennes. J’ai fait mes classes préparatoires Math-sup Math-spé au lycée du Parc de Lyon puis j’ai intégré l’Institut national des télécommunications en région parisienne. Après un passage dans le conseil en stratégie, j’ai assez vite senti mon tempérament entrepreneurial et, à la grande époque des start-ups à la fin des années 90, je me suis lancé et j’ai créé une première entreprise.
Ce fut disons un formidable apprentissage du monde de la création d’entreprise.
Votre seconde société est à l’origine de votre présence à Hong Kong. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi
Avec quatre amis, aux parcours et tempéraments très différents, nous avons fondé la société Axione. Nous formions une équipe très complémentaire. Nous avions comme objectif de participer à l’équipement du territoire français en réseau de télécommunication haut débit pour les campagnes.
A cette époque les réseaux ADSL et fibre optique se développaient dans les villes mais il n’y avait rien dans les campagnes.
La société est devenue un acteur de référence pour la conception, le déploiement, l’exploitation et le financement d’infrastructures de télécommunications haut-debit pour supporter le développement des usages numériques dans les campagnes françaises. En raison de sa très forte croissance, nous avons revendu Axione au groupe Bouygues Construction en 2006 tout en continuant de la développer au sein du groupe.
En 2012, toujours au sein du groupe Bouygues Construction, je me suis également intéressé aux énergies renouvelables, en particulier aux fermes solaires de très grande capacité. Cela m’a amené à découvrir l’Asie où j’ai développé cette activité au sein des implantations du groupe qui existaient déjà.
Le groupe s’est alors renforcé en Thaïlande, en Australie et au Vietnam et s’est développé aux Philippines et au Japon, où l’ouverture de cette filiale restera pour moi un grand souvenir. En 2016 le groupe m’a proposé de prendre la présidence de notre société Dragages, ici, à Hong Kong, ainsi que l’ensemble de nos activités bâtiments pour l’Asie et le Pacifique. C’est un très beau périmètre de plus de 8.000 collaborateurs présents dans sept pays : Hong Kong, Singapour, Thaïlande, Myanmar, Vietnam, Philippines, Australie.
Me voilà donc ici en famille depuis 2017 dans ces nouvelles fonctions et très heureux de cela car lorsque je regarde mon parcours avec mes 20 années d’expérience professionnelle elles ont toujours été guidées par ce désir de faire des choses utiles mais aussi d’apprendre et de découvrir.
Avec du recul, je me dis que finalement j’ai toujours aimé avoir des activités utiles : développer des réseaux numériques qui connectent les gens, fabriquer de l’électricité avec les photons du soleil sans carbone, construire des ouvrages dans lesquels nous vivons, nous travaillons, nous consommons…
Pourquoi cet engagement au sein de la Chambre de commerce française ?
Dès mon arrivée à Hong Kong, je me suis inscrit à la Chambre de commerce, j’en suis devenu membre, ensuite conseiller, puis vice-président. Là j’ai rencontré de nombreuses personnes de grande qualité et notamment la présidente Rebecca Silli qui a fait un travail formidable a la tête de la Chambre. Les CCI et moi c’est une longue histoire. Lorsque j’ai créé ma première start-up il y a plus de 20 ans, j’avais utilisé les services de la CCI de Lyon qui venait d’ouvrir son premier incubateur Internet. Ce fut une superbe expérience. J’ai eu la chance de bénéficier d’un support efficace et de faire des rencontres importantes, ce fut un véritable tremplin.
Pouvoir redonner un peu de ce que j’ai reçu me semblait donc naturel.
Quelle est votre feuille de route et quelles sont vos priorités ?
Tout d’abord, il est important de rappeler que la raison d’être de la Chambre, c’est avant tout ses membres. Nous devons donc concentrer nos efforts en ce sens. La proximité avec l’ensemble des membres, la capacité à comprendre les attentes des uns et des autres qui sont différentes, est essentielle pour la Chambre. C’est l’ADN de la Chambre. Pour ce qui est des priorités, je m’inscris dans la continuité de la stratégie que la Chambre a adopté ces derniers mois autour de trois priorités, connecter, promouvoir et défendre. Donc interconnecter nos membres et les acteurs, promouvoir leur capacité de développement et défendre nos membres, sont véritablement nos grandes priorités.
• Faciliter la connexion entre nos membres, plus de 800 actuellement, et avec la communauté d’affaires locale
• Promouvoir les entreprises membres et contribuer à leur croissance économique
• Défendre les intérêts de nos membres – et plus largement de la communauté d’affaires internationale – auprès des autorités gouvernementales
La feuille de route s’écrit ainsi, avec les membres de notre communauté d’affaires internationale présente à Hong-Kong. Ils sont actifs à travers une vingtaine de comités qui définissent les lignes directrices de nos actions. Leur dynamisme pour favoriser le partage d’information, stimuler l’innovation, accompagner et mettre en relation nos membres et les partenaires locaux de la Chambre de commerce est essentiel.
La Chambre est ensuite un tremplin, un support pour promouvoir ces idées, ces actions auprès des bonnes instances et des bonnes personnes. La feuille de route vient essentiellement du dynamisme de ces comités.
Ensuite, les équipes au sein de la Chambre ont un portefeuille de services pour les membres. C’est un prestataire de services pour les entreprises et les individus souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat ou développer leurs activités : études de marché, évènements, centre d’affaires, domiciliation, visa, recrutement… et bien d’autres.
Enfin, la Chambre est connectée au réseau international des CCI qui permettent un rayonnement et des connexions sur toute l’Asie voire au-delà.
Comment allez-vous travailler avec les autorités locales d’une part et les services consulaires d’autre part ?
Dans une période difficile comme celle que nous traversons, il est important de travailler au soutien, à la cohésion et à la solidarité de notre communauté d’affaires. Ce sont des valeurs fortes, importantes pour notre communauté au sens large, sur lesquelles nous devons nous appuyer, surtout en période de crise.
Nous avons des travaux réguliers et des réunions formelles avec les autorités locales, qui permettent au gouvernement et à son administration de bien connaître la situation de nos membres dans leurs différents secteurs d’activités. Nous faisons remonter des informations générales, et travaillons aussi sur des actions ou des points concrets sur lesquels le gouvernement de Hong-Kong nous demande l’avis de la chambre. J’ai été agréablement surpris de voir cette proximité et ce dialogue avec les autorités, nous avons des échanges très constructifs.
Concernant le travail avec les services consulaires, je remercie les équipes de Business France pour leur confiance avec le renouvèlement récent de notre partenariat mis en place pour répondre aux demandes des entreprises accompagnées par la « Team France Export ».
La mise en place du plan de relance export sera également l’occasion pour nos équipes de renforcer encore davantage leurs liens pour accompagner nos PME et ETI dans leur stratégie de développement local. La « Team France Export » nous sollicite pour des actions de prospection ou d’étude de marché, pour le compte d’entreprises qu’elle accompagne à l’export.
Riche d’information, la Chambre est capable de synthétiser par secteur ou par domaine et aussi d’aller à la recherche d’informations complémentaires. Nous avons donc une action très concrète, très pragmatique dans cet accompagnement à l’export. Nous sommes ravis de ce partenariat avec Business France car cela démontre la capacité des acteurs à travailler ensemble de façon cohérente. Je pense que dans une situation de crise comme aujourd’hui, ce message de l’alignement des acteurs qui supportent l’export et le développement des entreprises est très important.
Enfin, je remercie le service économique du consulat et le consul général de France qui nous a renouvelé ses vœux de succès et son plein soutien à la Chambre de commerce qui représente à Hong-Kong un vecteur d’influence majeur pour notre pays.
Et qu’en est-il des services de la chambre pour le suivi durant cette crise ?
Dans ce moment-là il est important de resserrer les liens de notre communauté et d’être au service des membres.
Nous devons être et nous l’avons été, encore plus à l’écoute, encore plus proche de nos membres pour créer des interactions, des événements, des communications, des services qui répondent réellement à des besoins, parfois extrêmement pragmatiques, concrets, urgents sur des aides ou des situations difficiles en raison de cette crise.
Pour l’aide et le soutien aux entreprises durant cette période de crise, vous avez des agents au sein de la chambre qui sont en lien permanent avec les services du gouvernement pour suivre l’évolution de ces aides.
Nous faisons régulièrement des fiches synthétiques sur cette évolution mais aussi des webinars pour expliquer les supports à l’embauche ou encore les subventions disponibles par secteur d’activité touché par la crise, les prêts et ce, quel que soit le niveau de l’entreprise. Pour certains secteurs extrêmement touchés par cette crise comme le tourisme ou encore l’hôtellerie et la restauration, nous sommes allés plus loin en mettant en place des accompagnements personnalisés.
Nous sommes dans le concret. L’équipe dirigée par Sophie Leconte est formidable avec une énergie et un dynamisme qui nous donne de plaisir à aller à la Chambre et à travailler avec l’ensemble de l’équipe.
Ils ont vraiment un attachement et une motivation profonde dans le service.
Nous sommes une entreprise qui n’a pas vocation à faire du profit mais à rendre des services à ses membres, à une communauté et même si nous sommes de droit privé et entièrement autofinancé, il y a une âme et une culture de service et d’entre-aide.
C’est dans des périodes de crise comme celle que nous traversons que l’on s’en rend compte.
Nous avons donc les comités et les services de la Chambre, quel est le rôle du président ?
Son rôle est d’abord d’être consensuel, il est là pour écouter et porter la parole afin de promouvoir, défendre et connecter les personnes. Cette interface n’est pas juste le fait du président mais aussi des membres du Comex, des conseillers qui, chacun, permettent de faire avancer les idées avec les différents comités.
Il y a un véritable échange, un dialogue fertile au sein de la gouvernance qui est importante, de façon plus institutionnelle, le président est un peu plus présent dans la relation avec les autorités locales puisque c’est lui qui représente la Chambre auprès des instances gouvernementale locale mais aussi auprès des services consulaires, des services économiques du consulat, du consul.
Que pouvons-nous vous souhaiter ?
Que notre communauté d’affaires soit en bonne santé et s’épanouisse tant sur le plan professionnel que personnel dans cette région incroyable pour nous permettre de contribuer au rayonnement positif de Hong-Kong.
Nous sommes un acteur économique important de cette plateforme où les entreprises ont également rôle sociétal aussi à jouer.