Normalement
Normalement, ce mois-ci, j’aurais dû écrire un article sur les « helpers ». Normalement, je l’aurais écrit depuis mon appartement à Hong-Kong, mes enfants auraient été à l’école, nous aurions certainement vu nos amis le week-end et je ne me serai pas souciée du nombre de rouleaux de papier toilette qu’il reste à la maison, normalement…
Par Perrine Tavernier*
D’après une experte en expatriation que mon mari et moi avions rencontrée avant de quitter la France, Hong-Kong est « une expatriation facile ». Si je croisais à nouveau cette experte, je lui suggérerai d’ajouter un mot : normalement, Hong-Kong est une expatriation facile. Parce qu’en ce qui nous concerne, la très célèbre phrase d’un ancien président « les emmerdes, ça vole en escadrille » n’a jamais été aussi vraie…
Septembre 2018
Cela fait cinq mois que nous sommes arrivés à Hong-Kong, cinq mois de honey moon à profiter de ce nouveau monde qui s’offre à nous.
En suivant les recommandations de mes amies, j’ai téléchargé l’application Myobservatory pour connaître les prévisions météorologiques de Hong-Kong. J’enchaînais la réception de notification de thunderstorms, de heavy shower, et autres messages en tout genre permettant d’enrichir mon vocabulaire anglophone. Ma petite expérience météorologique de l’époque me faisait assimiler leur heavy shower a une bonne pluie en Bretagne. Et il en était de même avec les typhons. Car en 2018, la saison avait démarré avec des tous petits typhons, des T1. Et je pensais encore à nos amis bretons, en perpétuel T1 tout au long de l’année. Bref, à cette époque, pour moi, cette application c’était beaucoup d’alerte pour pas grand-chose.
J’ai pensé cela jusqu’à l’arrivée du super typhon Mangkhut. On s’est tapé le plus gros typhon de toute l’histoire de Hong-Kong. C’est le typhon le plus intense qui a touché le territoire depuis le début de relevés fiables de 1946. Un truc inimaginable qui a tout ravagé sur son passage. Les images relayées en boucle ont parlé d’elles même mais ce qui me marquera certainement à jamais est le bruit de ce vent qui a soufflé durant 10 heures.
Depuis, je regarde religieusement les alertes météo du Myobservatory, l’échelle de qualification des typhons n’a plus aucun secret pour moi et finalement, je trouve qu’il ne fait pas si moche en Bretagne.
Juin 2019
En promenade avec mon mari et mes deux enfants, je me dis qu’il y a vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde dans les rues ce week-end. Une foule immense traversait le quartier de Causeway Bay et le calme qui y régnait était assourdissant.
Il y a bientôt cinq ans, j’ai décidé de ne plus regarder les informations. J’ai coupé toutes les alertes de mon téléphone pour avoir la paix. Terminé les “urgence”, les “danger”, je m’épargne les articles à sensation relayant les horreurs du monde. Je ne lis que les interviews d’expert et les dossiers de grands reporters. Force est de constater que ce jour-là, je n’étais pas au courant de ce qui se tramait derrière ce rassemblement.
Lors de l’année 2019, Hong-Kong a vécu ses plus grandes manifestations avec une escalade de violences inouïes. Il s’agit de la pire crise politique qu’ait connue Hong-Kong depuis sa rétrocession en 1997. Les gaz lacrymogènes, les briques, les balles en caoutchouc, les cocktails Molotov ont remplacé les promeneurs insouciants et les accros du shopping dans les rues de la ville.
En voyant certaines manifestations dégénérées en France, j’ai souvent pensé que les forces de l’ordre étaient trop laxistes ou que les gouvernements cédaient trop facilement face aux revendications. Aujourd’hui, j’ai honte d’avoir pensé cela car sous nos yeux s’est déroulée la parfaite illustration que la violence n’arrête en rien les conflits et que le dialogue et le civisme sont la clé de tout.
Février 2020
Alors là, c’est le clou, la palme, le pompon !
Pour démarrer 2020 et compléter le tableau, on se cogne la saloperie, le cauchemar… C’est fou comme quelque chose d’invisible, d’inodore et d’intouchable en apparence, peut renverser une partie de la planète et secouer le monde entier.
Il se trouve qu’au moment du déclenchement de l’épidémie à Hong-Kong, nous étions en France.
A Hong-Kong, je m’étais souvent questionnée : « mais qu’est-ce qu’ils ont tous à porter des masques de dentistes ? ». Aujourd’hui, j’ai la réponse et maintenant, c’est moi qui suis calée en matière de FPP1, FPP2, FPP3, N95, N99… Côté ménage, je vais reléguer mes petits produits ménager naturels ecolabel dans le fond du placard pour déployer l’arsenal : antibactérien, antifongique, actif sur virus, formule triple action…
Et, pour la première fois, le traditionnel saucisson planqué dans les valises du retour de France laissera place à quelques rouleaux de papier toilette…
Vivement le retour à Hong-Kong pour vivre notre expatriation normalement !
Ma playlist
Artiste : Clara Luciani
Album : Sainte-Victoire
Titre : La baie
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