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Nicolas VIAL et sa vision du monde

Organisée dans le cadre du French May, l’exposition « Change Climate » accueillait au Art Centre de Hong Kong, l’artiste Nicolas Vial. L’occasion pour le Français de présenter une quarantaine de dessins de presse dédiés aux changements climatiques et d’échanger sur ce thème avec de jeunes illustrateurs hongkongais participant à l’exposition. A l’issue de son séjour hongkongais, Nicolas Vial a confié ses impressions à Trait d’Union. Par Jessica Bros.

Si Simone de Beauvoir prenait plaisir à dire que nous avons « un seul printemps dans l’année… et dans la vie une seule jeunesse », celle-ci semble pourtant éternel chez Nicolas Vial. Artiste, peintre, dessinateur et illustrateur, il mélange les genres dans une vaste satire où vient se fondre dans une fresque géante toute la folie de notre monde. Son coup de pinceau, ou de crayon, parfois génial, parfois critique, souvent les deux, se révèle toujours empreint d’une sensibilité et d’une profondeur faite d’amour et de poésie.

A tout juste soixante ans, Nicolas Vial entame aujourd’hui une seconde vie. Diplômé de l’école nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art en 1978, il étudie ensuite à l’école nationale des beaux-arts de Paris où il se passionne pour la peinture murale. C’est au dernier étage d’un des ateliers de l’école, situé quai Malaquai, qu’il découvre un dessin de Roland Topor dans le journal Le Monde. Cette rencontre au carrefour de plusieurs univers, celui de l’art, de l’illustration et de la critique, agit comme une révélation et enflamme sa vision du monde. « Je n’envisageais pas spécialement d’être dessinateur de presse, mais quand j’ai vu son dessin dans le journal ça a été comme un déclic » confie-t-il. Sans perdre un instant, il se démène pour obtenir un rendez-vous avec le directeur artistique du journal. De cet entretien naîtra une véritable histoire d’amour entre Le Monde et Nicolas Vial où il illustrera avec sève et passion pendant trente-deux ans les pages de la rubrique «Débats Opinions».

Fin du  « monde »

Mais, comme le chantait le groupe des Rita Mitsouko dans les années 80, « les histoires d’amour finissent mal en général » et l’idylle entre l’illustrateur et le quotidien du soir ne fait pas exception à la règle : La rupture se produit au mois de mai 2013 lorsque le journal décide de mettre fin à leur collaboration par téléphone après la publication d’un dessin représentant François Hollande agenouillé dans un fauteuil rouge bien trop large pour sa personne et clamant « Moi, président de la République ». Allégorie cynique, trait d’esprit ou simple illustration humoristique, d’un homme jugé trop « petit » pour la fonction qu’il allait incarner.

Le dessin fut-il jugé contraire à la ligne éditoriale du journal, trop subversif ? L’affaire a été plaidée devant les prud’hommes en faveur du dessinateur qui n’a cependant, jamais eu les réponses escomptées de la part des intéressés. Une fin au goût amer « Ils m’ont simplement dit que c’était un quiproquo. Et rien d’autre. Ca me reste en travers de la gorge » reconnaît-il. Néanmoins, cette rupture ne fut que les prémices d’une nouvelle aube à laquelle le Figaro Magazine n’est pas étranger. Depuis un an, Nicolas Vial exprime chaque semaine son talent en toute liberté au travers une pleine page où il présente sa vision sur des sujets variés tels que l’écologie, les droits de l’homme ou encore la géopolitique

Arts engagés

Ses dessins font d’abord sourire puis viennent travailler la sensibilité et l’intellect de chacun. Derrière le coup de crayon émerge le trait d’esprit, la critique acerbe d’une société et d’un monde qui tournent à une vitesse folle et qui portent en eux les germes de leurs propres destructions. «  Je suis sensible au monde qui nous entoure » lance-t-il à qui veut l’entendre, comme une bouteille à la mer, un dernier cri d’espoir. Cette lutte entre David et Goliath prend vie lorsque le pétrolier Amoco Cadix vient s’échouer sur les plages et falaises des côtes bretonnes du Finistère où il prend plaisir à passer ses vacances en péchant et naviguant sur un vieux gréement. C’est la vision d’une flore ravagée, d’une faune engluée dans la noirceur du pétrole et la détresse des habitants, qui font naître en lui une véritable prise de conscience pour les thématiques écologiques, « C’était une catastrophe pendant plusieurs année, il n’y avait plus de poissons, le pétrole avait tout foutu en l’air » raconte celui qui, désormais, dénonce avec son encre de chine et sa gouache la lente décomposition de notre planète.

C’est pour ces raisons et ces revendications que Nicolas Vial a accepté d’exposer ses œuvres lors de la rétrospective sur les problématiques liées aux changements climatiques. Il y présente une quarantaine de tableaux et dessins de presse originaux en grand format. On y trouve également les toiles des jeunes artistes Hongkongais Wai Wai, Liu Man Kun ou encore Pat Wong qui ont travaillé d’après les créations du dessinateur et dans une volonté de partage culturel « C’est très agréable de pouvoir échanger avec eux, ils sont très attentifs » se réjouit-il.

Vogue

Des projets ? L’artiste n’en manque pas : « j’aimerais rééditer mon livre de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen» paru aux Editions Plon, en rupture de stock suite à l’affaire Charlie. Il travaille également sur un ouvrage regroupant tous ses dessins du Figaro Magasine et sur une exposition à Dinard en France cet été.

On l’aura compris, Nicolas Vial vogue encore vers de nouveaux horizons, porté par son coup de crayon aussi acéré qu’un coup de griffe pétillant et presque visionnaire, jamais résigné. Un homme de son temps, un illustrateur de talent.