Economie

Mazars : « Une aventure avant tout humaine »

Créé en 1940, près de Rouen, en Normandie, par Robert Mazars, le cabinet qui aujourd’hui porte toujours le nom de son fondateur, a eu un développement extrêmement rapide à travers le monde. C’est au début des années 1980 que le groupe décide de s’aventurer hors de France avec l’ouverture de ses premiers bureaux, à Londres et à Francfort.

Le chemin de l’Europe s’ouvre alors pour cette organisation devenue internationale, indépendante et spécialisée dans l’audit, le conseil, les services comptables, fiscaux et juridiques. Depuis ce sont 86 pays et territoires, 1,5 milliards de chiffre d’affaires, 20.000 collaborateurs, 300 bureaux à travers le monde. Président du Conseil de gérance, Philippe Castagnac, en déplacement à Hong-Kong pour y rencontrer les équipes, nous parle de cette aventure qu’il dit avant tout « humaine ».

Propos recueillis par Catya Martin

 

Trait d’Union : Comment fonctionnez-vous ?

Philippe Castagnac : Pour notre implantation internationale, nous trouvons des accords avec des cabinets locaux  puis nous envoyons plusieurs collaborateurs pour que l’esprit Mazars soit bien là, avec les méthodes et les procédures propres au cabinet. C’est la raison pour laquelle nous avons constitué dès 1995 une société  à Bruxelles qui a posé les bases du Mazars d’aujourd’hui.

Nous ne voulions pas, à la différence d’autres réseaux, avoir une franchise avec une marque concédée, indépendante qui n’aurait qu’à payer une redevance.

Notre volonté était d’avoir, à la fois sur la vision de moyen et de long terme et sur la façon de gérer les choses, une vue complètement intégrée et commune.

Donc à Bruxelles se sont retrouvés tous les associés des différents pays. C’était et ça reste quasi unique. Nous sommes une seule firme.

 

Vous avez bien des entités dans plusieurs pays ?

Oui mais nous sommes tous associés de ces structures avec une direction et une gouvernance qui dépend de notre structure principale. Le développement européen s’est achevé dans les années 2000 puis nous avons développé les Etats-Unis et l’Asie. Nous étions déjà un peu en Afrique.

Pour ce qui est de l’Asie, nous sommes implantés aujourd’hui dans 12 pays plus la Chine et l’Inde que nous mettons un peu à part dans le contexte à la fois de la taille des économies et de l’enjeu que cela représente en termes de structuration pour nous.

 

Quand avez-vous ouvert votre premier bureau en Asie  et comment avez-vous développé la Chine ?

En 1997, à Pekin, puis ont suivi Tokyo et la Thaïlande. Dès 2005 nous avons pris la décision d’installer un centre régional avec l’ambition de développer la région. Ce centre a vu le jour en 2007 à Singapour. De là, nous avons pu faire des développements avec la Malaisie, l’Indonésie et plus récemment l’Australie. C’est en fait une succession à la fois d’aventures humaines et de suivi économique.

Nous avions ouvert trois bureaux, Pékin, Shanghai et Guangzhou. De là nous voulions nous « siniser » encore plus. Nous avions surtout l’image d’un cabinet européen en Chine pour les clients européens. Dès 2014 nous avons commencé à initier un grand nombre de contacts et nous avons pu faire une fusion importante avec le cabinet chinois ZhongShen ZongHuan.

(NDLR. Pour Mazars, le rapprochement avec le cabinet chinois, conclu en décembre 2015, permet, selon leur communiqué officiel, de « mieux servir ses clients en Chine grâce à une meilleure présence géographique et des équipes renforcées “).

Donc aujourd’hui grâce à cette fusion avec ce cabinet chinois important, qui fait près de 9 % du groupe, nous avons 3.500 personnes répartis sur près de 30 bureaux en Chine.

Nous avons mis près de quatre ans pour obtenir cette fusion et sommes satisfaits du résultat.

Il s’agit d’un cabinet performant et solide qui vient de subir les contrôles du gouvernement lancés sur les auditeurs et le résultat est bon sans clignotant orange ou rouge.

 

Vous êtes plus sur une philosophie d’association que de fusion pure ?

C’est une fusion même si nous tenons à garder notre ADN.

Sur le contrôle qualité et la manière d’organiser les choses nous sommes ouverts à toutes les spécificités locales mais sur le fond cela doit rester la même image, la nôtre. Le client doit retrouver la maison « Mazars » quand il arrive.

C’est extraordinaire et passionnant de voir sur 40 ans comment le développement s’est fait. Nous sommes passés de 50 millions de francs en 1990 à 100 millions d’euros en 1995, à 1 milliard en 2011 et à 1,5 milliard cette année.

 

Aujourd’hui comment définissez-vous l’économie chinoise ?

L’économie chinoise a une puissance qui va continuer vers des développements importants. Les choses sont peut-être moins lisibles, notamment pour les étrangers. Néanmoins, tout le monde a besoin de tout le monde et les investissements étrangers continueront.

La route de la soie va continuer à générer et pour longtemps des investissements importants et pas que pour les infrastructures. (NDLR. « One Belt One Road», le programme initié par Pékin dans le but de recréer l’itinéraire de la route de la soie permettant un renforcement des liens économiques et commerciaux à travers l’Asie et l’Europe.)

Avec notre développement local, nous avons l’intention de continuer notre implantation ici.

 

Vous essayez d’anticiper en poussant vos équipes à discuter avec les régulateurs ?

Nous discutons toujours avec les régulateurs. Moi-même quand je viens dans les pays je le fais. J’ai rencontré à deux reprises au ministère des Finances le patron de l’organisme de régulation et de contrôle. On ne peut pas exercer un métier d’intérêt public comme le nôtre en Chine ou ailleurs, sans rencontrer le régulateur.

Lors de la présentation à la presse en novembre dernier, la numéro 3 du ministère des Finances chinois, était là et nous a fait un discours très précis expliquant que les entreprises chinoises souffraient d’un manque de crédit sur leurs comptes. C’est une des raisons qui a poussé le gouvernement chinois à faire une opération transparence et un renforcement des moyens de contrôles avec des auditeurs de bon niveau et des alliances crédibles. Cela afin de pouvoir continuer une action à l’international.

 

Vous avez réussi à gérer toutes les différentes crises économiques et financières mondiales ?

M. Mazars avait une formule extraordinaire, il est décédé en 2015 et était retiré des affaires depuis près de 30 ans. Il disait « quand ça va bien on a besoin de nous parce qu’il y a de l’expansion et quand ça va mal, on a encore beaucoup plus besoin de nous parce qu’il faut y voir clair ». Et c’est toujours aussi vrai.

 

La crise de 2008 a été un moment compliqué. Notre activité de conseil a beaucoup chuté à cause des réductions des budgets. En revanche au niveau du suivi, protection, transparence, il y a eu beaucoup de travail et de demandes.

Nous avons su passer la crise de 98, la bulle internet de 2002 puis l’histoire Andersen qui nous a profité, puis comme je vous le disais, 2008.

L’étape la plus « challenging » aujourd’hui pour tous les cabinets est de passer le tournant technologique. Les datas et le traitement des données demandent un investissement financier et humain important. Cette transformation se fera dans trois à cinq ans maximum.

Mais c’est avant tout, une étape de « transformance » réelle, surement plus profonde que les autres mais pas non plus si révolutionnaire.

 

Où sont vos 20.000 collaborateurs ?

Sur les 20.000 nous en avons 66% en Europe, 15 % en Asie, -10 % aux USA et le reste se répartit à part égale entre l’Afrique et l’Amérique du sud.

Les Français sont essentiellement en France. Les Français expatriés dans nos bureaux doivent être environ 200 et certains pour une durée courte.

 

Quelle est votre vision à court terme pour Mazars ?

Dépasser 2 milliards d’euros pour 2020. La croissance organique devrait nous amener à près de 1,8 milliard. Il suffit de faire une ou deux fusions et nous avons déjà amorcé sur un certains nombre de pays des contacts pouvant laisser penser que nous atteindrons cet objectif.

 

Pourquoi ces visites des équipes dans le monde ?

La gouvernance de Mazars est que l’on a un exécutif dans tous les pays, exécutif élu par les associés locaux. Mais il n’est élu que si la candidature est approuvée par la direction générale de Mazars.

J’ai été élu président du conseil de gérance en 2011, renouvelé depuis et j’effectue actuellement mon dernier mandat. Ce conseil est composé de 9 personnes. Nous avons été élus par 980 associés de tous les 80 pays.

 

Cette équipe a vraiment la charge de décider de la politique et de l’appliquer. Dans chaque pays il y a aussi un exécutif élu pour les mêmes périodes. C’est donc en cela que nous sommes une structure unique. Nous sommes une association de personnes et non de firmes. Nous ne sommes pas une Corporate. Je suis le patron d’un partnership et suis donc obligé d’écouter et de convaincre.

Par exemple ici à Hong-Kong, j’écoute les équipes, j’apporte un message, celui que Hong-Kong va être un élément clé dans l’intégration de la Chine pour Mazars.

Je voudrais qu’il joue ce rôle et on va leur en donner les moyens. On arrive avec des moyens et une stratégie, une politique décidés au niveau du groupe, validés en assemblée générale en décembre dernier et donc, cette décision s’impose.

Il faut maintenant l’implémenter. Il y a un plan à trois ans. Nous travaillons avec les équipes locales. Nous sommes à la fois le protecteur et de temps en temps, le financeur. Le tout est de trouver le bon équilibre.

Le système est solide, il est suffisamment souple pour qu’un professionnel puisse être indépendant et trouver sa voie en décidant ce qu’il fait avec ses clients, toujours selon les règles du groupe. C’est un côté entrepreneurial mais aussi solidaire.

Il y a donc à la fois la protection et l’exigence. C’est passionnant.

 

https://fre.mazars.com/