Inédit à Hong-Kong : une île artificielle pour traiter les déchets
Les habitants d’Hong-Kong produisent 10.000 tonnes de déchets par jour. Aujourd’hui une grande partie est exportée en Chine et le reste enfoui dans trois sites situés dans les nouveaux territoires (NDLR. La Chine est le plus grand importateur de déchets recyclables avec près de 7.3m de tonnes de plastique importées des pays industrialisés). Après des années de discussions et au moment où la Chine annonce la fermeture de ses frontières aux déchets, Hong-Kong signe un contrat de 31 milliards de HKD pour la construction d’une usine de traitement des déchets et de valorisation énergétique avec la filiale belge Keppel Seghers. L’usine sera située sur une île artificielle de 16h au sud de l’ile de Shek Kwu Chau, près de Lantau. Interview exclusive avec un des chefs de projet Benoît Vanderborght de chez Keppel Seghers.
Propos recueillis par Stéphanie Stiernon
Trait d’Union : Que fait Keppel Seghers exactement ?
Benoît Vanderborght : L’entreprise créée en 1974 en Belgique, rachetée en 2002 par le groupe singapourien Keppel Corporation, est active dans l’engineering du traitement des déchets et leur valorisation énergétique. Elle livre des usines de valorisation énergétique (UVE) plus connues en anglais sous le nom de Waste-to-Energy (WTE) qui offrent la meilleure technologie disponible dans le traitement de déchets via l’incinération, le traitement des fumées et la valorisation énergétique comme la production d’électricité ou de chaleur pour le chauffage urbain.
Keppel Seghers, qui a une centaine de projets à son actif, travaille principalement à l’étranger, notamment en Chine depuis la fin des années 90 mais aussi en Scandinavie, en Europe de l’Est (Pologne), en Amérique Latine et au Moyen-Orient.
Pouvez-vous nous parler du projet à Hong-Kong ?
Ce projet – la construction d’une usine intégrée dans la gestion du traitement des déchets sur une île artificielle – est en discussion depuis une dizaine d’années. C’est fin 2016 que le ministère de l’environnement de Hong-Kong (EPD : Environmental Protection Department) a lancé un appel à projet international auquel ont participé cinq consortiums. La lettre d’acceptation a été signée en novembre 2017 par le consortium entre Keppel, en charge de la construction des infrastructures technologiques et Zhen Hua, une filiale de China Harbour Engineering Company Ltd, en charge de la construction de l’ile artificielle. Le site comptera six incinérateurs, trois centrales thermiques pour la conversion de la vapeur en électricité, les bâtiments administratifs, la partie pour le traitement des eaux (l’usine est autonome) et un quai de déchargement pour les containers. L’usine traitera 3.200 tonnes de déchets ménagers par jour (soit environ 1/3 de la quantité totale produite à Hong-Kong) emmenés par bateaux et en convertira la chaleur produite en électricité correspondant en moyenne à 480 millions kWh qui sera redistribuée dans le réseau.
Et pour le reste des déchets ?
Nous parlons ici uniquement de la phase 1 d’un projet de plus grande envergure mené par Hong-Kong.
Quelles sont les nuisances de l’incinération sur la population locale ?
L’incinération n’est pas mauvaise pour la santé contrairement à sa réputation, entretenue par une désinformation. Les usines de traitement des déchets sont soumises à des normes très strictes et beaucoup plus sévères que d’autres usines industrielles car elles sont beaucoup moins facilement délocalisables. L’usine de Hong-Kong sera soumise en termes d’émission aux règles les plus exigeantes : les normes européennes. Elles impliquent entre autres le traitement des fumées avec conséquences immédiates en cas de non-respect des seuils d’émissions : l’arrêt de l’usine et pénalités pour l’entreprise en charge de la maintenance.
Quelles sont les alternatives existantes à l’incinération ?
Aujourd’hui, aucune alternative crédible à échelle industrielle n’existe. Le citoyen peut toutefois diminuer sa quantité de déchet en amont et améliorer le tri des déchets recyclables mais l’incinération reste la meilleure technologie disponible pour les déchets ménagers ultimes.
Quel était le but de votre visite à Hong-Kong ?
Nous avons rencontré notre client EPD pour la première fois. Ce projet n’a fait l’objet d’aucune discussion ou négociation préalable au-delà du cahier des charges de 2.000 pages.
Nous sommes occupés à monter une équipe sur place qui fera l’interface entre les équipes d’ingénieurs en Belgique et les partenaires sur place. Et nous avons finalement discuté planning et délivrables.
Quels sont les délais de livraison ?
Le contrat a pris cours le 15 décembre 2017, le début des travaux de dragage est prévu pour le 3ème trimestre 2018 et le chantier naval commencera en parallèle près de Canton. L’usine devrait être opérationnelle en 2024.