Evasion

L’île de Camiguin : Entre enfer et paradis

Il y a fort à parier que cette petite île des Philippines soit encore un lieu inconnu parmi les paradis des mers du Sud ! C’est pourtant un lieu magique, né du feu de la terre, qui s’est lentement muté en un jardin d’Éden à la beauté fragile.

Par Christian Sorand

 

Avec ses 7,641 îles, la république des Philippines est le deuxième archipel du monde après l’Indonésie. Sa diversité physique s’accompagne d’une large panoplie ethnique s’étalant sur 1,642 kilomètres du Nord au Sud et sur plus de 1,000 km d’Est en Ouest. Cet ensemble insulaire de la zone Pacifique est linguistiquement rattaché aux langues indo-malaises comme le Tagalog pratiqué par le pays. La colonisation espagnole puis américaine a permis à la langue ibérique de garder son influence, mais a surtout profité à la langue anglaise. L’anglais reste couramment utilisé dans le pays, d’autant plus qu’il est la lingua franca du système éducatif et commercial. Cela a permis à des milliers de Philippins de s’expatrier dans le monde (domaine hospitalier, éducatif, maritime ; sans oublier les célèbres “nounous” !).

Malgré sa richesse physique et sa diversité exotique, l’archipel est plutôt boudé par le grand tourisme international. Plusieurs raisons l’expliquent. La première est probablement due au contexte politique local qui a souvent défrayé la chronique ; en cause de multiples enlèvements de touristes étrangers et de violents affrontements avec des groupes musulmans radicaux dans le sud du pays. Le territoire est surpeuplé (env.110M d’habitants). Une large proportion de la population vit dans la précarité. L’archipel se trouve sur la route des typhons aux conséquences désastreuses. À cela s’ajoute le fait que le pays fait partie de la ceinture de feu du Pacifique. Les éruptions sont fréquentes, parfois meurtrières. Mais surtout, l’infrastructure touristique a longtemps été négligée. L’hôtellerie est chère et souvent non conforme aux attentes. La qualité de la cuisine est très médiocre, voire très grasse. Les moyens de transport sont onéreux et assez peu fiables.

Que ce tableau un peu sombre, ne vienne pas contrecarrer le potentiel touristique. Les Philippins sont des gens attachants et très accueillants, encore plus ouverts sur le monde extérieur que la plupart des autres pays du sud-est asiatique. La langue anglaise et le christianisme en sont peut-être les causes.

Le texte du mois évoque un lieu peu connu, mais d’une exceptionnelle beauté. On pourrait tout simplement appeler Camiguin : l’île de toutes les fleurs.

 

Un éden des premiers jours de la Terre

Camiguin est une petite île de la mer de Bohol, située à une dizaine de kilomètres au nord de la grande île de Mindanao, au sud de l’archipel philippin.

Le peuple indigène des Manobos a appelé cette île, Kamagong. Ce terme désigne une espèce de bois d’ébène endémique. Si le dialecte local reste une variante de la langue Manobo, les Espagnols ont changé le nom en Camiguin. Le Portugais Ferdinand Magellan (1480-1521) a débarqué sur l’île en 1521 après avoir traversé le Pacifique. Il est mort, assassiné le 27 avril 1521 sur l’île de Mactan, au large de Cebu, au nord-ouest de Camiguin. En 1565, l’Espagnol Miguel Lopez de Legazpi (1502-1572) débarque à son tour sur l’île. Toutefois, la première colonie espagnole date de 1598.

Camiguin a la forme d’une goutte d’eau géante tombée du ciel. De dimension modeste, l’île est longue de 23km et large de moins de 15km. Malgré cet espace restreint, pas moins de sept volcans dominent le paysage. À cette latitude, l’humidité, le soleil et le sol minéral ont formé un environnement d’une exceptionnelle exubérance. Quand on arrive sur l’île par le vol en provenance de Cebu, on est frappé par la grandeur du paysage. Le mont Hibok-Hibok (1,330m) domine l’île par sa masse. Le mont Vulcan (671m) est le dernier-né des volcans, apparu en 1871. Le mont Timpoong (1,614m) reste le plus haut sommet de l’île. La plupart de ces volcans demeurent actifs. Il est vraisemblable que l’île soit la plus importante concentration volcanique de la planète.

Ce bouillonnement tellurique a généré une fabuleuse biodiversité dans la luxuriance tropicale. La variété et la profusion des fleurs de toutes sortes restent étonnantes. Tant et si bien que l’on pourrait appeler Camiguin, l’île aux fleurs. Connue également pour ses fruits, en particulier les “lanzones” (ou “langsat”), espèce exotique prisée, donnant lieu à un festival. Les habitants vivent surtout de la pêche et de l’agriculture. Mais l’île est recouverte d’une jungle épaisse et de vastes forêts tropicales de bois précieux. Deux chutes d’eau spectaculaires se cachent dans la jungle intérieure. Les quelques plages bordées de cocotiers sont faites de sable noir, en fonction du volcanisme. Mais à environ 5km au large de la capitale, White Island est un grand banc de sable d’une blancheur immaculée, accessible par bateau. Cet environnement édénique attire beaucoup d’oiseaux exotiques, mais aussi un grand nombre de reptiles, serpents ou varans en particulier.

La menace des éruptions reste bien réelle ici. Ce petit paradis exotique est donc fait de luxuriance et d’enfer, tant le feu des volcans reste une menace imprévisible. Pis encore, en 2,001 un violent typhon a fait des ravages.

 

Un tour de l’île en boucle

Une route de 64km encercle l’île. Il est donc possible d’en faire le tour à bicyclette. Mambajao, la capitale régionale a environ 40,000 habitants. Elle conserve une vieille fontaine ainsi qu’un ancien édifice municipal datant de l’époque espagnole.

À la hauteur du mont Timpoong (1,614m), volcan composé de plusieurs dômes, se trouve une chute d’eau véritablement magnifique : Katibawasan Falls qui plonge d’une hauteur de 76m dans un bassin naturel entouré de fougères et d’orchidées. Ce lieu est très prisé et sert souvent de piscine. La beauté et la luxuriance du paysage évoquent l’image d’un lieu véritablement paradisiaque.

Guinsiliban, à l’autre bout de l’île, est le site de la plus vieille colonie espagnole. On peut encore y voir une tour de guet.

En remontant le long de l’autre côté, à Sagay, on aperçoit la façade de l’église Santo-Rosario (1882). Au nord-est de Catarman, en s’enfonçant à l’intérieur de l’île, au pied du mont Mambajao, le plus haut sommet (1,713m), il y a une autre très belle chute d’eau : Tuasan Falls.

Une belle corniche se prolonge jusqu’au pied du “Vieux Volcan” qui est en réalité sorti de terre en 1871. Il s’agit du mont Vulcan, haut seulement de 671m, mais dont l’éruption entre 1871-1875, a enseveli toute cette partie de la côte, désormais engloutie sous la mer. C’est l’une des curiosités de Camiguin. On aperçoit les ruines d’une vieille église (the Old Bonbon Church) et même un cimetière marin marqué d’une croix géante.

Ce que l’on retient surtout d’une visite à Camiguin, c’est l’image d’un exotisme si primitif qu’il provoque une sourde crainte face aux puissances chthoniennes. Malgré tout, cet environnement naturel exceptionnel évoque les premiers jours d’un éden terrestre animé par l’exubérance d’une fabuleuse flore exotique. En effet, comme l’accès de l’île reste difficile, on a l’impression d’avoir débarqué dans un lieu lointain, étrange, bien à l’écart du monde où nous vivons.

 

Liens :

Wikipedia

The Island Born of Fire: https://guidetothephilippines.ph/

Camiguin: http://www.camiguin.gov.ph/about