Tranche de vie

La leçon du bamboo

Il est incontournable à Hong-Kong et nul ne peut l’ignorer en parcourant cette ville, verticale, d’acier, de verre… Il ressemble à un arbre mais n’en est pas un, à une herbe mais n’en est pas une. Il pousse plus vite que son ombre et parfois il peut donner le vertige… Mais, le bruissement de ses feuilles est pure détente pour qui l’approche !

Par Anne Suquet

 

Matériau organique qui se tisse le long des murs de buildings ou petit panier vapeur, le bambou a immédiatement su émerveiller mes pupilles et mes papilles !

 

Ce gentilhomme…

Avec ses racines profondes qui font sa stabilité, ses caractéristiques naturelles de droiture, ténacité et son cœur creux, la culture chinoise attribue au bambou des qualités d‘intégrité, d’élégance et de simplicité. Le bambou, la fleur du prunier, l’orchidée, et le chrysanthème font partie des « Quatre gentilshommes ».

Le poète de la dynastie Tang, Bai Juyi (772-846), postule que pour être « un gentilhomme », un homme n’a pas besoin d’être physiquement fort, mais il doit l’être mentalement. A l’instar du bambou, droit et persévérant, au cœur creux, l’homme est invité à ouvrir son cœur pour accepter toute chose bénéfique et ne jamais faire preuve d’arrogance ou de préjugés. C’est un fait ! La beauté de cette plante réside bien dans sa simplicité !

 

construit notre horizon…

Qu’ils me donnent le vertige les « hommes araignées » de Hong-Kong ! Entre ciel et terre, chaque jour, ces artisans jouent au mikado avec des centaines de tiges de bambou pour en construire des échafaudages qui peuvent monter à plus de 60 étages ou des théâtres d’opéra saisonniers.

Il existe peu d’entreprises spécialisées dans cet artisanat, et de moins en moins de personnes souhaitent les rejoindre. Les conditions de travail difficiles et l’exigence de haute expertise rebutent. Le métier requiert d’être malin et d’avoir l’esprit rapide car toutes les pièces de bambou ne sont pas de qualité constante et elles doivent être attachées manuellement. Faire un nœud approprié est le plus difficile et peut prendre des années à maîtriser.

Un homme du métier m’a expliqué que tout est dans la pression exercée sur le nœud et la torsion des extrémités du lien qui vient conclure cette opération délicate.

Le maître artisan reconnait un bon apprenti par le nœud qu’il noue et à sa façon d’enrouler sa jambe autour du bambou pour assurer sa sécurité lorsqu’il est dans le vide.

Les constructions en bambou se situent à une jonction unique de tradition, de savoir-faire et d’industrie. C’est sur l’ile de Po Toi que j’ai découvert mon premier théâtre de bambou destiné à honorer les dieux chinois. C’était l’anniversaire de Tin Hau, la déesse de la mer. Les familles de pêcheurs et marins qui vivent de la mer étaient rassemblées sous une grande bâtisse construite de bambous et de tôles située dans l’arrière-port. Entre le son des cymbales, le rythme des tambours qui y résonnaient et les ribambelles de lampions rouges et autres décorations aux couleurs chaleureuses accrochées au plafond, cette installation temporaire montée de mains d’hommes semblait comme « hors du temps ».

Le bambou en tant que matériau organique contribue à l’élément spirituel car il lie le tout de manière décorative. Mais ce qui est lié ensemble sera finalement supprimé. Lorsque la saison d’opéra est terminée, le théâtre est démantelé et les pièces sont recyclées comme pour l’échafaudage lorsque le bâtiment est prêt à se dévoiler au public.

Combien de temps, nous feront ils rêver ou frémir, ces hommes araignées » lorsqu’ils grimpent au-dessus de nos têtes, pour construire notre horizon ?

…et touche nos papilles pour ne pas dire nos cœurs !

Cuire à la vapeur dans son panier de bambou est incontournable en Asie ! Grâce à cet ustensile, la cuisson confère aux aliments une texture et des arômes savoureux, mais elle présente également de nombreux avantages d’un point de vue nutritionnel.

Ce panier fait aussi le succès et la notoriété de la spécialité culinaire hongkongaise à laquelle j’ai adhéré immédiatement.

Le « Dim Sum » qui signifie en chinois « toucher le cœur » trouve son origine dans les maisons traditionnelles de thé, au temps des voyageurs qui empruntaient la route de la Soie. Ces derniers y faisaient des pauses gustatives qui leur permettaient de prendre le temps de discuter et de s’ouvrir aux autres.

Traditionnellement, ces bouchées considérées comme des encas, accompagnent l’heure du thé du matin comme notre croissant français. Servies à tout moment de la journée, ces portions de nourriture salées ou sucrées d’une grande variété, constituent un banquet de goûts et saveurs façon tapas espagnoles.

Facile à préparer, pour être réussi, le « Dim Sum » nécessite néanmoins d’être cuit dans un panier de bambou ! Comme les restaurants les plus prestigieux de la ville, j’ai également fait l’acquisition de mon panier vapeur dans la boutique/atelier de la famille Lan, les derniers artisans locaux de paniers vapeurs en bambou.

Ils sont installés au début de la très pentue Western Street dans le quartier de Sai Ying Pun.

L’essayer c’est l’adopter ! Goûteux, bon marché mais toujours réconfortant, le Dim Sum touche le cœur du gastronome.

 

Le conseil du bambou pour 2022 :

胸有成竹 [xiōng yǒu chéng zhú]

Ce proverbe chinois signifie littéralement qu’il faut « avoir bambous dans le cœur avant de les peindre ».

En d’autres termes, « il vaut mieux être sûr de ce qu’on va faire ou avoir des idées bien arrêtées avant de commencer ».

 

Alors !

A vos projets 2022 ! pour lesquels je vous souhaite pleine réussite !