Je cherche du travail (à Valérie)
Lorsqu’on est expatrié, très souvent, au sein d’un couple, le départ signifie un nouveau contrat pour l’un et une démission pour l’autre. Aujourd’hui encore la démission est majoritairement portée par la femme. Mais au final, homme ou femme, celui qui a la force de démissionner est aussi celui qui aura la force de se réinventer.
Par Perrine Tavernier*
J’ai passé 10 ans à travailler dans des banques et c’est tout naturellement qu’après notre installation à Hong-Kong, j’ai choisi de me tourner vers la finance. Cela m’a semblé être une évidence et sans la moindre réflexion, prétextant les bonnes résolutions d’une nouvelle année, j’ai commencé à postuler. J’étais très réactive au moindre soubresaut des recruteurs mais les semaines passaient sans aucun entretien. Cette recherche d’emploi était importante car toute ma vie avait été dirigée par un mot : indépendance. J’ai fait des études, décrochée les postes que je souhaitais et d’un coup tout cela s’envolait. Même mon visa pour Hong-Kong porte le nom de « dependant ».
Voyant mes recherches ne pas aboutir, j’ai imaginé me consacrer pleinement à mes enfants. Mais le rôle de mère au foyer, cela fait 40 ans qu’on nous le dénigre si bien que lorsque l’opportunité s’est présentée, j’ai eu le sentiment d’être une glandeuse alors que c’est tout le contraire. Être mère au foyer c’est enchaîner les journées en étant seule sans avoir la moindre pause.
Je me suis vite rendu compte que je ne m’épanouissais pas dans ce rôle : je n’ai aucun talent pour cuisinier, aucun plaisir à ranger et mes enfants… Je les aime de tout mon cœur mais encore une playdate à la maison et je me pendais. En démarrant mes recherches, j’étais persuadée de trouver un poste facilement. J’avais aussi envie de rétablir l’équilibre financier et redescendre cette pression sur les épaules de mon mari qui lui disait : ”si tu échoues, tu plonges avec ta femme et tes enfants”. Mais le constat était là, je n’avais rien. Peu à peu, les doutes m’envahissaient : si je ne trouvais rien ? Si je passais toutes ces années sans emploi, comment combler ce vide dans mon CV et prétendre retrouver mes fonctions à notre retour ? J’aurais pu accepter un poste en dessous de mes compétences mais faire un job pourri en étant payé au lance pierre, je préfère mille fois les playdate.
Seuls les expatriés peuvent comprendre ce sentiment d’impuissance lorsque plongé dans un nouveau pays, après une démission, on recommence à zéro malgré nos années d’expérience. C’est certainement pour cela qu’une personne de mon entourage, qui n’a jamais changé de boîte de toute sa carrière, a été capable de me claquer en pleine figure : « j’comprends pas, il n’y a pas de banques à Hong-Kong ? ».
Constatant le cumul de mes échecs, j’ai décidé de faire appel à une coach. J’étais bien loin d’imaginer ce que cette personne allait m’ouvrir comme portes.
Je me souviendrai longtemps de notre première rencontre. Une femme qui a du chic et de la simplicité me reçoit et écoute ma petite vie d’expatriée. Et lorsqu’elle prend la parole, c’est la prise de conscience. Elle me décode mon environnement aussi bien dans le milieu professionnel que dans la vie de tous les jours. Et grâce à elle, j’en ai passé des entretiens en banque… avec un mal de ventre qui ne me quittait pas. J’allais à mes entretiens persuadée que le stress me rendait malade. Le coaching avance et elle enchaîne les outils d’aide à la prise de décision, de découverte de soi. Je cheminais dans ma tête tout en continuant mes entretiens.
On dit parfois que les carrières tiennent aux rencontres et lorsque ça ne fonctionne pas on imagine que ce n’est pas le bon moment, pas les bonnes personnes…
Pour avoir traîné mes guêtres dans les salles de marché, j’ai développé un sens affûté pour détecter les « mort de faim ». Vous savez ces dragueurs au sourire mielleux qui nous prennent pour des gourdes. Ou bien le bon vieux macho qui pense parler à une débile mentale sous prétexte d’être une femme. J’ai passé un entretien mémorable à Paris juste après mon premier congé maternité. Un type capable de vous dire : « tu viens d’avoir un enfant donc 4/5 je suppose ». Il m’en a mis plein la tête en m’expliquant en long en large et en travers qu’il était le meilleur, le mec over the top. Bref, à la fin de l’entretien il m’a posé la question bateau du bon gros lourd : « alors dis-moi Perrine, pourquoi toi et pas quelqu’un d’autre sur ce poste ? » Ce jour-là, l’éclair de génie m’a traversé et j’ai répondu : « je ne vais pas pouvoir répondre à cette question car je laisse volontiers la place à quelqu’un d’autre », ce qui clôtura en grande pompe notre entrevue.
A Hong-Kong, un entretien m’a marqué. Et cette fois ci, je n’étais pas du tout devant le même personnage.
Devant moi se tenait un homme avec une carte de visite à faire pâlir certains dirigeants de banque américaine. Un mec bienveillant et humble qui veut m’aider. Il me parle d’égal à égal alors que mon CV ne lui arrive pas à la cheville. Il prend le temps de m’écouter, de me conseiller. Trois heures d’échanges riches, de partage d’expérience, de conseils avisés dans le respect des codes professionnels. Avec une certaine retenue, on évoque nos vies de famille en tant qu’expatrié et quand il parle de sa femme, c’est de l’admiration qu’il a pour elle de l’avoir suivi. Son seul défaut : il fume le cigare.
A la sortie de cet entretien, le boulevard devant moi… Tout était aligné et j’ai pourtant décidé d’arrêter mes recherches en banque.
Lors des derniers entretiens avec ma coach, elle m’a posé cette question : « qu’est-ce que vous aimez faire Perrine ? » J’ai répondu : « écrire », et mon mal de ventre s’en est allé.
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