Des nouvelles de Tara… du dernier rapport du GIEC à la COP25
Alors que la goélette scientifique poursuit sa mission sur la pollution des fleuves européens, la Fondation Tara Océan continue d’œuvrer à la reconnaissance de l’importance de l’océan. Le 25 septembre dernier à Monaco, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) a publié un rapport spécial sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique. Pour la première fois, l’océan a enfin été identifié comme un enjeu majeur. Une grande victoire pour la Fondation Tara Océan et pour la Plateforme Océan et Climat, coalition de plus de 70 acteurs réunissant communauté scientifique, ONG, entreprises et collectivités dont la Fondation est membre fondateur.
Par Isabelle Chabrat, (avec la Fondation Tara Océan)
«Parler de changement climatique sans l’océan, c’est oublier le cœur-même de la machine climatique », Françoise Gaill, CNRS, Vice-Présidente de la Plateforme Océan et Climat.
Et pour cause : l’océan se trouve au cœur du système climatique planétaire. Il absorbe plus de 25 % du CO2 émis chaque année par l’homme dans l’atmosphère et fournit 50 % de l’oxygène produit sur terre. Il absorbe également plus de 90 % de la chaleur résultant des émissions de gaz à effet de serre (GES), limitant de fait le réchauffement de l’air que nous respirons, et jouant ainsi un rôle essentiel dans la régulation du climat.
Plus de 3 milliards de personnes dépendent des ressources alimentaires et des protéines qu’il fournit, et plus d’un quart vit à moins de 100 km des littoraux.
« La prise en compte de la biodiversité marine est très récente dans un tel rapport climatique, la bonne santé de l’océan est désormais reconnue comme l’un des enjeux de la lutte contre le changement climatique », explique Romain Troublé, président de la Plateforme Océan et Climat et directeur général de la Fondation Tara Océan.
Que dit le GIEC dans son rapport ?
Tout d’abord, le rythme des changements globaux s’accélère.
L’océan se réchauffe de plus en plus vite : si plus de 90 % de l’excès de chaleur produit par les activités anthropiques depuis les années 1970 a été absorbé par l’océan, celui-ci pourrait encore capter de 5 à 7 fois plus de chaleur d’ici 2100. À titre d’exemple, entre 2013 et 2015, le Pacifique Nord-Ouest a vu sa température augmenter de plus de 6°C. Cela provoque l’apparition de vagues de chaleur océaniques qui ont un impact majeur sur la biodiversité marine.
Le niveau de la mer augmente plus vite que les précédentes prévisions, du fait du réchauffement global et de la fonte des glaces. La hausse globale du niveau de la mer pourrait être de 110 cm à la fin du siècle.
L’océan perd de l’oxygène, la consommation d’oxygène dans plusieurs endroits devient supérieure à l’oxygène que produit l’océan. Dans certaines zones, de nombreuses espèces ne peuvent survivre, et la désoxygénation pourrait mener à une perte de 15 % de la biomasse globale des animaux marins d’ici 2100.
Ensuite, des phénomènes irrémédiables et irréversibles sont en cours.
Chaque phénomène observé dans l’océan comme dans la cryosphère comprend des seuils de changements brusques, qui deviennent, à une certaine échéance, irrémédiables et irréversibles.
Par exemple, la fonte des glaces et l’augmentation des températures altèrent le fonctionnement des courants marins dont le cycle global s’étend sur un cycle extrêmement long. Entre autres, le ralentissement du courant nord-atlantique diminue la productivité marine, provoque des tempêtes hivernales en Europe, et réduit les précipitations au Sahel et en Asie du sud.
Enfin, l’impact sur les sociétés humaines apparaît désormais comme incontournable.
Si la particularité de ce rapport est d’observer les conséquences du changement climatique sur les écosystèmes côtiers et marins, le rapport offre pour la première fois une vision globale des différents changements qui impacteront le plus les sociétés humaines.
Au total, plus d’un quart des habitants de la planète est directement menacé par les conséquences du changement climatique sur l’océan et la cryosphère. Les zones côtières abritent 28 % de la population mondiale, dont 11 % vit à moins de 10 mètres au-dessus du niveau de la mer, et près de 10 % de la population mondiale vit dans les régions arctiques ou de haute montagne.
Trait-d’union : Face à un rapport aussi alarmant, pensez-vous que la situation soit réversible ?
Fondation Tara Ocean : il y a des changements irréversibles, comme les équilibres physico-chimiques; cela veut dire que la chaleur, le pH, ne reviendront pas à leur état initial, du moins antérieur à la révolution industrielle. La masse océanique a une telle inertie que l’océan va continuer de se réchauffer pendant très longtemps même si l’on stoppait nos émissions de CO2. Son acidité (pH) augmente elle aussi à cause des GES, etc. Elle fragilise les organismes à coquilles, ou le corail, fait de calcaire.
Mais il y a un important effort à fournir pour préserver la biodiversité. Elle est capable d’adaptation si on lui laisse le temps. C’est la fonction des Aires Marines Protégées.
Cela signifie que la préservation est essentielle, notamment dans les zones-clés qui sont le berceau de la biodiversité comme les récifs coralliens : il y a des mesures de protection urgentes à mettre en œuvre. Dans d’autres zones, la captation de CO2 ou de production d’oxygène doivent pouvoir être identifiées et préservées au mieux des stress de pollution par exemple. Ça c’est réversible !
La COP 25 se tiendra au Chili en décembre prochain, quel message porterez-vous ?
Forte d’un consensus scientifique majeur, la Fondation Tara Océan avec la Plateforme Océan et Climat présentera lors de la COP25 son plaidoyer intitulé « Un océan en bonne santé, un climat protégé » dans lequel elle formule 18 recommandations politiques relatives à l’océan et au climat dans les domaines de l’atténuation, de l’adaptation, de la recherche et du financement.
Ce prochain rendez-vous ne doit plus être manqué et doit permettre la mise en place concrète et rapide par les états et l’ensemble des acteurs, de mesures pour préserver la biodiversité marine, les populations les plus vulnérables, et le climat grâce à l’océan.
Pour plus d’informations : www.fondationtaraocean.org
* Trait-d’union s’engage tous les mois à soutenir la Fondation Tara Océan en partageant régulièrement des nouvelles de l’ONG scientifique française. Une page permettant de mieux comprendre le travail effectué, suivi de quelques questions à l’équipe.