Afrique du Sud, l’incroyable histoire du cépage national
Le lien qui unit le pinotage à l’histoire des vins sud-africains est surprenant. La variété créée par le professeur Abraham Isak Perold en 1925 n’est que le troisième cépage rouge planté d’Afrique du Sud. À quoi doit-il sa réputation mondiale ? On peut choisir d’y voir le fleuron national d’une viticulture apparue au XVIIe siècle. Fierté locale, le pinotage participe peut-être à l’écriture du « grand récit » du vignoble sud-africain.
Par Louis-Victor Charvet, Bettane+Desseauve
Herminoir ou pinotage ?
Sept ans avant l’expérience de Perold, 1918 est une année de renaissance. La création de la KWV, première cave coopérative du pays, est le signe d’espoir attendu par une filière à bout de souffle. Trois crises dans la deuxième moitié du XIXe siècle ont plongé la viticulture sud-africaine au bord de l’asphyxie. La production de vin sud-africain s’effondre dès la fin des conflits, atteignant un point de rupture en 1861 quand Anglais et Français enterrent la hache de guerre. L’arrivée du phylloxera en 1886 lui porte le coup de grâce, avant que la seconde guerre des Boers en 1899 ne réclame la relance massive de la production. Le vignoble produit alors des vins désastreux, victimes des rendements énormes et de nombreuses maladies.
C’est ce qui conduit Perold, professeur à l’université de Stellenbosch, à croiser cinsault et pinot noir. Les aptitudes du premier à produire beaucoup ainsi que sa résistance aux maladies doivent permettre de produire en quantité des vins aux goûts plus consensuels apportés par le pinot noir. Les quatre plants obtenus par Perold passent à l’époque inaperçus et sombrent un temps dans l’oubli.
Jusqu’à leur sauvetage in extremis par un chercheur qui les apporte au successeur de Perold. On n’entend plus parler des plants pendant sept ans avant qu’ils ne soient l’objet de tests visant à vérifier la fiabilité de différents porte-greffes. De cette expérience, on sait que tous les essais échoueront à l’exception de ceux portant le plant de Perold. Il faut un nom. On choisit « pinotage » dont on tire la première barrique en 1941. À l’époque, le cépage produit des vins marqués par des goûts désagréables, imputables aux hauts rendements et à des connaissances succinctes en vinification. Sa réputation a beaucoup souffert de cette période. Quelques propriétés pourtant ne se découragent pas et obtiennent des résultats probants, dès 1959, lors de concours nationaux. Sur la scène internationale, les dérives de production du cépage alimentent les réticences à son égard. Les plantations s’arrêtent.
Soixante ans pour un succès
Au début des années 1990, sous l’impulsion de Kanonpop, le pinotage est récompensé mondialement à plusieurs reprises. L’engouement est réel, alors que l’apartheid prend officiellement fin dans le pays. L’ouverture du pays sur le monde coïncide avec l’âge d’or de la critique anglo-saxonne. Le renouveau économique profite à la filière. Le niveau des vins issus du pinotage augmente, les exportations suivent. Le Royaume-Uni, l’Allemagne et, désormais, la Chine concentrent la demande.
Aujourd’hui, l’opposition de styles entre les vins de pinotage est proche de celle que l’on observait dans les grands vignobles d’Europe dans les années 2000. Trop de producteurs proposent des pinotages colorés dont la matière très mûre et le boisé important masquent à regret les notes de fruits rouges, d’épices et de cuir. D’autres, avec plus ou moins de réussite, s’essayent à l’assemblage et au Cape Blend, où au moins 30 % de pinotage complète le plus souvent le cabernet-sauvignon, syrah ou merlot, dans une version plaisante et structurée où dominent les arômes de tabac, de fruits noirs ou de chocolat. La balle semble être dans le camp de ceux qui essayent de respecter le terroir et qui proposent un vin délicat, plus infusé qu’extrait. Une vinification délicate comme un élevage précis révèlent la finesse des tannins, une grande élégance, et donnent des vins excellents, délicats, floraux, complexes, sublimes après quelques années et très à l’aise avec une gastronomie raffinée.
Détail de la dégustation
Tasting notes des vins servis lors de la dégustation programmée le 14 mai, sous réserve des décisions prises par le gouvernement hongkongais.
Plus de 25 références ces vins, représentent la diversité de l’Afrique du Sud.
Par Christina Carranco
Warwick, First Lady, Chardonnay, 2019 (EMW wines)
Ce chardonnay sans élevage en bois possède une robe jaune paille pâle avec des reflets verts. Le bouquet déploie des arômes de fruits exotiques et des agrumes. La bouche à son tour rappelle l’ananas et la pomme mûre, la finale est friande avec des notes citronnées et une acidité vive qui n’est pas dérangeante.
Meerlust, Cabernet Sauvignon, 2015 (Wine N’things)
D’une profonde couleur pourpre brillante, le vin présente un nez charmant avec des notes de cassis, fruits noirs, prune et boite à cigare. La bouche est corsée et voluptueuse avec des tanins raffinés et polis. Un vin opulent et de caractère qui montre que l’Afrique du Sud sait produire de grands cabernets.
Testalonga, El Bandito, Chenin blanc 2018 (La Cabane)
Un vin naturel qui épate par son nez concentré sur des arômes de fruits a chair blanche comme la pomme, la nectarine blanche, mais aussi la mangue et la pêche contrastée avec des notes qui évoquent la pâtisserie. Le milieu de bouche est ample et gourmand et termine par une finale fraîche et savoureuse.
Vilafonté, Seriously Old Dirt, 2015 (EMW wines)
Ce vin est issu majoritairement de malbec, merlot et cabernet franc, affiche une couleur prune éclatante. Le bouquet dévoile d’agréables notes de confitures de groseille et fraise, avec des rappelles vanillés, chocolatés et de pain d’épice. La bouche est délicieuse, ample et aussi épicée par son élevage en barrique française, les tanins sont ronds et soyeux, Un vin bien équilibré.
Radford Dale, syrah, 2015 (Continental Wines)
Un syrah de plus de 25 ans, issu de sols de granite de Stellenbosh. Il montre un nez séduisant aux épices orientales, fruits noirs, cerise et poivre noir. Avec une structure complexe au milieu de bouche, ce vin demande à être carafé avant d’être dégusté, pour exprimer toutes ses senteurs. Finale souple et harmonieuse.