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Voyage dans l’intimité spirituelle des pêcheurs de Po Toi

Partir, partir… c’est toujours possible à Hong-Kong ! Plus ou moins loin, certes, mais l’on en revient toujours avec plus de connaissances et de surprises rencontrées sur son chemin… Cette fois, c’est sans à priori et sans préparation ou documentation que je vais débarquer sur cette nouvelle terre inconnue. La promesse d’une belle balade et d’un bon restaurant local de poissons suffisent à me donner l’assurance d’une journée réussie.

Par Anne Suquet

 

Un certain dimanche matin de février 2021, l’aventure démarre donc très tôt, à bord du kaito, le petit ferry d’Aberdeen qui dès 8h15 du matin permet de rejoindre la plus petite île habitée du territoire, Po Toi. Les yeux restent ouverts tant la traversée à elle seule vaut la peine pour les points de vue offerts sur le sud de Hong-Kong Island. 

Dès notre approche de l’île, la journée revêt un caractère festif inattendu et auquel nous n’étions pas préparés. La surprise n’en sera que plus belle et émouvante !

En effet, alors que nous nous apprêtons à accoster… au loin, venu des sentiers côtiers, sur un air comme de clarinette et de percussions, un cortège d’oriflammes et de couleurs semble nous rejoindre sur la baie de Tai Wan où nous débarquons. Une troupe de musiciens habillés de noir accompagnent trois prêtres portant coiffe noire ainsi qu’une robe rouge et or, alors que sur leur passage des drapeaux flottent et flottent au rythme de la musique. La petite procession serpente plusieurs fois dans les sentiers côtiers et les rues comme un dragon humain. 

Nous comprenons très vite que ce n’est pas un dimanche ordinaire à Po Toi et que tous nos compagnons de traversée débarquent sur cette petite ile pour une fête familiale à laquelle ils tiennent beaucoup. Autour de nous, ce ne sont que des iliens ou des parents venus d’ailleurs réunis dans un élan fraternel et de dévotion. Nous ne sommes qu’une poignée de « westerns » témoins de cette fête intime et chaleureuse et nous prenons vite conscience de vivre un moment traditionnel et authentique.

 En effet, aujourd’hui, 28 février 2021, tous célèbrent l’anniversaire de Tin Hau, la déesse de la mer. Les pêcheurs et marins qui vivent de la mer lui reconnaissent le pouvoir de prédire la météo et de sauver les hommes des tempêtes et la prient pour que l’année à venir soit sous le signe de la sécurité et des filets remplis de poissons. Le son des cymbales et le rythme des tambours qui résonnent dans l’air depuis notre arrivée, sont en fait, voulus pour chasser les esprits malins et faire plaisir à la déesse la plus populaire de Hong-Kong. 

A leur arrivée, tous les fidèles rejoignent une grande bâtisse construite de bambous et de tôles située dans l’arrière port. A l’entrée, une cuisine extérieure de fortune est aménagée et de vieilles dames y préparent un repas dans d’immenses marmites. A l’intérieur, trois temples ont été aménagés pour y adorer différentes divinités dont Tin Hau. Au plafond et au mur sont suspendus des ribambelles de lampions rouges et des décorations en forme de barques de pêcheurs. Dans un coin, plusieurs demi-cercles de bois attendent de se transformer plus tard en tables de repas pour les fidèles. Soudain, sur la scène aménagée, initialement prévue pour le jeu des acteurs, un opéra est projeté sur d’immenses écrans de télévision. Et oui ! Le COVID est encore passé par là !

Cette entrée en matière suscite des émotions inattendues et après un long moment passé en leur compagnie, nous laissons tous ces habitants à leur intimité et leurs convictions. 

Nous nous engageons alors sur un sentier intégralement semé de roches de granit et escarpé. La chaine prévue le long du chemin s’avère une aide précieuse pour atteindre le point le plus haut ! 

Quel plaisir d’admirer le point de vue en marchant le long du sommet de la colline : l’ile de Hong-Kong et la mer de Chine méridionale ! Nous n’aurons pas le temps de découvrir les gravures rupestres, œuvres des premiers habitants de l’Ile, 3000 ans plus tôt, considérées comme les plus belles de Hong-Kong ni de déguster les plats de l’un des restaurants réputés de Po Toi. C’est dans une petite échoppe sur la plage, que nous terminons cette belle aventure en dégustant la soupe traditionnelle d’algues qui fait la réputation de l’île.

Alors que notre kaito nous embarque pour Aberdeen, je découvre en googolisant que John le Carré a utilisé cette jolie petite crique de Po Toi pour l’apogée de son roman d’espionnage, « The Honorable Schoolboy » et qu’il a remporté le prix Gold Dagger du meilleur roman policier de l’année 1977. 

Cette dernière découverte ne m’étonne pas vraiment ! Po Toi a beaucoup de ressources sous son air de rien !