Vacances dans son pays d’origine : Comment gérer les attentes et le décalage avec ses proches
Vous avez passé des vacances dans votre pays d’origine et revenez avec une pointe de regret ? Malgré la joie des retrouvailles il vous est arrivé de trouver difficile de partager avec vos proches et de vous sentir compris ? L’équipe AD MediLink a demandé au psychologue Nicolas Chaplain (ayant vécu l’expatriation en Asie) de nous éclairer sur les raisons de ce décalage et de partager quelques conseils.
Par Amélie Dionne-Charest
Son diagnostic
Nos parents, nos amis ont quelquefois du mal à appréhender notre expérience de vie en expatriation : ce qu’elle a de riche sur le plan du vécu et ce qu’elle a de plus difficile sur le plan de l’éloignement. Nous-mêmes nous pouvons avoir de la peine à nous synchroniser sur ce quotidien qui n’est plus le nôtre. Pour les enfants qui ont vécu une grande partie de leur vie à l’étranger : le Canada, la France, la Suisse, la Belgique deviennent le pays des vacances, le pays du bonheur, mais où on est constamment en décalage par rapport aux cousins, aux amis.
Ses conseils pour les adultes
Pour nous adultes, quelques semaines de remise à niveau, un temps de réadaptation plus ou moins long et nous voilà de nouveau en course ; même si cela reste trop court pendant les vacances, d’où ce sentiment de devenir étranger dans sa propre famille. Il reste qu’un effort régulier peut s’avérer payant pour réduire ce décalage : prendre le temps le plus souvent possible de s’intéresser à ce qui traverse culturellement nos pays d’origine (événements, préoccupations du moment, actualités culturelles…), en parler en famille avec les enfants en enrichissant le débat de notre regard devenu extérieur, communiquer de façon régulière avec la famille et les amis restés dans la mère patrie et s’intéresser dans le détail à ce qui fait leur quotidien ; car là réside l’essentiel et c’est là que l’on parle le mieux de soi (tant pis si la réciproque n’est pas toujours là, nous avons plus de clefs que ceux qui sont restés pour comprendre ce que vit l’autre !).
Ses conseils pour les enfants
Pour les enfants, l’affaire est plus délicate et le défi plus grand, celui de se sentir bien partout sans être jamais chez soi nulle part, surtout lorsque les lieux de résidence se multiplient au cours de l’enfance.
La famille se doit alors de devenir (parfois avec l’école) le lieu de décodage et d’apprentissage culturel le plus performant qui soit. Pour cela la culture familiale, les valeurs partagées, l’esthétisme commun à ses membres, les regards collectifs posés sur le monde seront investis de façon régulière et profonde. L’expatriation exige encore plus de la famille que l’échange en son sein soit de haut niveau et de haute fréquence. Le socle est ici la culture commune du couple parental : véritable construction d’un édifice original et solide quelle que soit la diversité des apports d’origine. On peut être des parents d’origines culturelles différentes et avoir su créer, bâtir une culture de couple forte et cohérente, comme au contraire on peut avoir l’impression de venir de milieux proches et ne pas parvenir à constituer une base commune durable.
Au niveau psychologique, les enfants ont besoin pour un développement harmonieux de cette cohérence culturelle interne à la famille. En expatriation, c’est une nécessité absolue pour répondre au défi d’avoir à gérer des informations et des situations dont les codes de compréhension peuvent être très éloignés, parfois même contradictoires avec les valeurs culturelles de l’enfant en expatriation.
La clinique en expatriation m’a amené à rencontrer des enfants en souffrance devenant artificiellement chauvins et nostalgiques ou des enfants superficiellement globalisés et sans repères véritables. De là l’intérêt de percevoir en expatriation la famille comme une unité culturelle cohérente, résistante et stable : une tribu nomade.
Nicolas Chaplain, psychologue clinicien, avec une expérience de 20 ans en expatriation, a effectué des recherches universitaires sur les rapports entre appartenances culturelles et pathologies, sa pratique thérapeutique tient compte des ruptures et des mises à distances engendrées par l’expatriation. Son approche de la souffrance psychologique interroge les liens autant inter-individuels que collectifs.