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Relooking Gangnam

Ce matin, il fait un temps affreux avec un vent à décorner les bœufs. Je viens de déposer les enfants à l’école après deux semaines de vacances au soleil. Ça, c’est de la reprise comme on l’aime !

Par Perrine Tavernier

Quand on revient à Séoul, il faut toujours un court ou long temps de réadaptation. On redevient tous débiles en regardant les portes d’entrée et de sortie pour savoir comment les ouvrir : un bouton pour déverrouiller, un bouton pour coulisser, un bouton pour sonner… Telle une poule ayant trouvé un couteau, tout expatrié ayant vécu à Séoul a déjà posé cette question avec un air ignare : « Comment ouvre-t-on la porte ? ».

Il m’est arrivé une fois de ne pas voir de bouton à côté de la sortie d’un magasin et lorsque j’ai demandé comment sortir, le vendeur m’a montré le geste en appuyant sur la poignée tout en poussant… 

Dès la sortie de l’aéroport, on replonge dans l’illettrisme et les discussions en un mot — littéralement. J’ai d’ailleurs constitué un dictionnaire du quotidien dont je ne suis pas peu fière après un an sur place.

Les classiques (les lettres en minuscule sont marmonnées, pas encore sûre de la prononciation) : 
anamaSÉOOOOOO : bonjOUUUURRR 
gansaMIDAAAAA : merCIIIIII
NÉÉÉÉ : OUI

Les plus compliqués :
IGO CHUSÉO : ça, s’il vous plaît
OLMAÉO ? : combien ça coûte ? (cette question s’accompagne d’un geste, celui de tendre son téléphone en mode calculette pour que le vendeur tape le prix de la chose)
PÉDALE ? : livraison 

La fierté :
Dongroiiiwrauichipsaguilchibudachissa
C’est mon adresse, mais à ce jour, à chaque fois que je l’ai dite, personne ne l’a jamais comprise.

Ce petit dictionnaire ne s’est pas fait tout seul, il se trouve que je me suis liée d’amitié avec une Coréenne qui, manifestement, a beaucoup de patience et d’humour. On s’est rencontré dans les premières semaines de mon arrivée, mais voilà, au début, on est tous un peu sauvage, alors je lui avais parlé sans plus. En revanche, j’avais remarqué son style et sa peau diaphane.

Le temps est passé et de café en café, on a appris à se connaître. Elle s’est lancé le défi de m’apprendre à lire le hangeul, l’alphabet coréen et contre toute attente, j’ai réussi. J’ai l’équivalent du niveau CP premier trimestre, c’est-à-dire lecture d’une écriture en lettres capitales. En vérité, cela n’a pas changé ma vie puisque cela m’aide uniquement lorsque des mots anglais sont écrits en hangeul et comme 97% des mots écrits sont des mots coréens… Qu’à cela ne tienne, la satisfaction personnelle est là !

Au-delà de mes exploits linguistiques, aux côtés de mon amie, j’ai découvert la discipline du physique des Coréennes. 

Je ne suis pas du genre négligé. Pour autant, je ne suis pas tirée à quatre épingles non plus. J’ai plaisir à prendre soin de moi, mais dès lors que cela devient une contrainte alors, je m’y refuse. Pour le moment, j’accepte mes cheveux blancs et mes rides.  En revanche, j’ai plus de mal avec ma peau que je trouve, pardonnez-moi, que je trouvais moche. Et puis, je me demandais comment mon amie se tenait si droite alors qu’avec le temps, je suis de plus en plus voûtée.

Le physique est un sujet tabou pour les Coréennes, mais j’ai fini par lui en parler et ce jour-là, un halo de lumière est descendu du ciel : tout n’était pas fichu !

J’étais prête à suivre le programme « Je me transforme en bombe atomique » mais bon, la première des choses est que génétiquement, on a beau tous être des humains, on est quand même très différents. 

À titre d’exemple, les Coréens ne transpirent pas alors que nous, les we-gu-gin, transpirons à la moindre occasion. J’en veux pour preuve cette séance de sport que j’ai faite avec elle. Pour vous plonger dans l’expérience, il faut m’imaginer avec un coach qui ne parle que coréen. Les seuls mots d’anglais dans la salle de sport sont écrits au mur : « No pain, no gain ». Ainsi, je me suis roulée sur un boudin dur comme du bois pour tenter de me redresser, j’ai enchaîné les exercices et… j’ai tellement souffert que j’ai cru rentrer à la maison en béquille. 

La deuxième phase du programme de relooking a été une clinique esthétique à Gangnam. J’ai poussé la porte d’un centre en ayant la trouille au ventre, mais je voulais quand même essayer. J’ai eu une consultation avec un médecin qui marmonnait de l’anglais comme moi, je marmonne du coréen, c’est dire… Mon premier objectif était de ne pas me faire piquer (j’ai peur des aiguilles) donc j’ai répété : « Tchusapané » en faisant non de la tête avec les index en croix, en revanche : « Laser OK OK OK ».

Et c’était parti pour une séance lissante, éclaircissante, raffermissante… Il n’y est pas allé de main morte avec crème anesthésiante et quatre lasers différents. J’ai fini avec une compresse sur le visage comme pour les grands brûlés. J’avais une tête à faire peur et j’ai réussi à capturer le moment pour faire une blague à ma mère en lui envoyant une photo et en lui écrivant : « Ça y est, maman, je me suis refait le nez ! ». Je faisais l’andouille, mais j’étais bien heureuse quand cela s’est fini. Je n’avais rien prévu à la suite de ce rendez-vous, pensant ressortir avec la tête aussi rouge que les fesses d’un singe, mais même pas. 

Peut-on s’ennuyer en Corée du Sud ? Jamais !