Les césariennes à Hong-Kong
Devant l’énorme succès du Salon sur la maternité organisé cette année pour la première fois et des retours très positifs sur la conférence du Dr Lucy Lord, nous publions un aperçu de ses propos sous forme d’interview. Lucy Lord a fait ses études de médecine à King’s College, à Londres, et au Downing College, à Cambridge. Elle a mis sur pied à Hong-Kong, il y a plus de 20 ans, sa propre clinique privée composée aujourd’hui de 3 cabinets. Elle met au monde 200 bébés environ chaque année et se spécialise dans les grossesses à risques afin que celles-ci se passent dans des conditions normales et optimales. Elle a l’un des taux de césariennes les moins élevés du secteur privé de Hong-Kong. Rencontre avec une femme d’exception. Propos recueillis par Amélie Dionne
Trait d’Union : Vous êtes très connue à Hong-Kong notamment pour avoir un faible taux de césariennes. Pouvez-vous nous expliquer les raisons pour lesquelles il est préférable d’opter pour un accouchement naturel ?
Lucy Lord : Les accouchements naturels, par voie basse, sont préférables quand il n’existe aucune indication médicale de réaliser une césarienne et que la patiente préfère accoucher naturellement. Les césariennes sont moins sûres pour la mère notamment quand elles sont choisies pour des raisons de « Feng Shui », c’est-à-dire pour des raisons de date chanceuse et non dans le meilleur intérêt du bébé. Les césariennes peuvent être dangereuses pour les bébés car elles augmentent le risque de détresse respiratoire.
Un accouchement par voie basse permet également de garder ses options ouvertes puisqu’il est moins risqué par la suite de porter et d’accoucher d’autres enfants.
Pouvez-vous donner des exemples de situations dans lesquelles une césarienne est préférable ?
Il existe de nombreuses indications médicales pour procéder à une césarienne : deux césariennes antérieures ; un bébé qui se présente par le siège au terme de la grossesse alors que la version céphalique externe n’était pas indiquée ou n’a pas réussi ; un placenta previa ; une présentation transverse ; et en cas de grossesse multiple (ex : des jumeaux quand le premier bébé ne se présente pas la tête en bas).
Les soins médicaux à la mère et au bébé au moment de l’accouchement ont beaucoup évolué au cours du siècle passé. Pouvez-vous donner des statistiques qui soulignent ces progrès ?
Dans les pays développés, jusqu’en 1930, 1 femme sur 20 mourrait en couche et 1 bébé sur 30 à la naissance. L’introduction des antibiotiques pendant la Seconde Guerre mondiale a rendu les césariennes et l’accouchement assisté beaucoup plus sûrs, et le développement actuel des méthodes obstétriques modernes signifie qu’environ 8 femmes sur 100.000 meurent en donnant naissance à leur enfant et 8 bébés sur 1.000 meurent à la naissance si on prend en compte les mort-nés à compter de 20 semaines et les décès néonataux précoces. Bien qu’il y ait un grand soulagement du fait qu’il soit extrêmement rare pour une femme de mourir en couche, le pendule est allé trop loin dans l’autre sens avec un trop grand nombre de césariennes effectuées sans pour autant constater une baisse de la mortalité maternelle ou périnatale.
Hong-Kong est considéré avoir un taux de césariennes très élevé en comparaison au taux des naissances naturelles dans les autres pays, et notamment aux États-Unis ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Le dernier taux de césariennes pratiquées connu dans le secteur privé est apparemment de 68 % alors que pour les États-Unis le taux est de 38 %. Il est avancé que les statistiques à Hong-Kong s’expliquent par le grand nombre de femmes qui décident de la date de leur accouchement pour des raisons de « Feng Shui ». Cependant, cette raison ne suffit pas à justifier ce chiffre dans la mesure où le pourcentage de césariennes d’urgence et de césariennes voulues est plus élevé qu’aux États-Unis ou au Royaume-Uni.
Combien de césariennes pratiquez-vous ?
Le taux de césariennes pour 2014 à Central Health Practice était de 34 %.
Beaucoup avancent qu’un accouchement planifié présente de nombreux avantages et est peu préjudiciable.
Bien qu’un accouchement planifié ait des avantages, cela ne signifie pas pour autant qu’une césarienne soit nécessaire. La plupart des bébés devant naître avant la date prévue pour raisons médicales (par exemple en cas de pré-éclampsie, de dysfonctions hépatiques au cours de la grossesse, ou de retard de croissance) peuvent être mis au monde en déclenchant le travail.
Est-il possible de voir une différence dans le nombre de césariennes et d’accouchements par voie basse entre le secteur public et le secteur privé ? Si tel est le cas, pouvez-vous expliquer pourquoi ?
En raison de ressources limitées, les hôpitaux publics ne réalisent pas de césariennes pour des raisons non médicales et encouragent les patientes à opter pour un accouchement par voie basse quelle que soit leur préférence. A beaucoup d’égards, le gouvernement doit faire face à un manque de ressources. En d’autres termes, le gouvernement encourage les accouchements à moindre coût, alors que le secteur privé a souvent tendance à privilégier les accouchements qui coûtent chers. Aujourd’hui, la réponse est certainement entre les deux : les accouchements devraient avoir un coût neutre et être réalisés dans le meilleur intérêt de la mère, du bébé et de la famille. Aucun des systèmes n’est parfait.