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Les aventures de Tintin à Hong-Kong : Objectif Chine

Organisée à l’initiative de Hong-Kong Contemporary Art Fondation (HOCA) et le musée Hergé, en partenariat avec The Belgium-Luxemburg Chamber of Commerce et le Consulat général de Belgique à Hong-Kong et Macao, l’exposition « The world of Tintin » retrace les aventures du célèbre reporter du « Petit Vingtième » à travers la vie d’Hergé, son créateur. Une première en Asie.

Par Philippe Dova

 

C’est par l’allée d’honneur du château de Moulinsart que Tintin et le Capitaine Haddock invitent les visiteurs à les suivre pour découvrir « le Monde de Tintin » et, à travers les aventures du célèbre reporter du « Petit Vingtième », à mieux connaître la vie d’Hergé. Un voyage dans le temps et les différents continents, visités grâce à sept albums iconiques inscrits dans la mémoire collective des jeunes de 7 à 77 ans : Tintin en Amérique, Les Cigares du Pharaon, Le Lotus Bleu, L’Oreille Cassée, Le Sceptre d’Ottokar, Coke en Stock et Tintin au Tibet. Des aventures passionnantes mêlant action et humour au fil des pages où la fiction rejoint la réalité des contextes sociaux et politiques de l’époque respective de parution des albums.

« Tintin est un héros, un personnage qui se veut toujours proche des gens, qui veut se mêler à la vie locale, ne reste pas dans sa tour d’ivoire. Il présente une image très moderne de la diplomatie. Et puis avec son ouverture d’esprit, sa curiosité, son autodérision et son ironie, il est très Belge », constate Michelle Deneffe, consul général de Belgique à Hong-Kong et Macao.

L’exposition souligne la précision des recherches iconographiques, géographiques, historiques, documentaires d’Hergé nécessaires à chaque nouvelle aventure lui permettant de s’exprimer ainsi sur les conflits et sujets de son temps.

Elle comprend également des maquettes spécialement créées de scènes extraites des aventures de Tintin notamment l’appartement du reporter et son défilé triomphal à Chicago extraits de Tintin en Amérique.

Depuis son ouverture, ce sont huit cents visiteurs qui se pressent chaque jour pour découvrir le monde magique d’Hergé, toutes générations confondues. « Je ne connaissais quasiment rien de Tintin et j’étais curieuse de savoir pourquoi il était si populaire en Europe et dans le monde. Maintenant j’ai compris, je connais la vie d’Hergé et suis impressionnée par son imagination sans limite, c’est vraiment très intéressant. Je vais acheter les albums », déclare Kate après avoir posé pour un selfie devant l’ensemble des personnages créés par Hergé représentés sur une fresque gigantesque à la fin de l’exposition. Les albums, la plupart des visiteurs les connaissent depuis longtemps. Ainsi, Tin a découvert les aventures de Tintin à l’école primaire. « J’ai commencé à lire Tintin à l’âge de six ans, le Trésor de Rachkam le Rouge était la seule bande dessinée à la bibliothèque de l’école, c’est depuis mon album préféré. C’était très excitant de parcourir le monde à travers ces aventures ! Les valeurs qu’il défend sont universelles, c’est un beau modèle pour nous et pour les enfants. Hergé créait toujours des histoires liées aux problèmes du moment dans le monde, je suis certain que s’il était encore vivant Tintin se serait attaqué aux cybercriminels », témoigne le trentenaire hongkongais. « Les messages sont très bons pour la jeunesse. Lorsque vous êtes enfant, vous lisez les albums avec beaucoup de plaisir, plus tard à l’âge adulte lorsque vous les relisez, vous comprenez tous les enjeux économiques et politiques du monde, c’est une nouvelle découverte », ajoute Heidi. « J’adore les chiens alors mon personnage préféré c’est Milou ! Je suis passionnée d’astrologie et mon album préféré c’est  On a Marché sur la Lune même si j’aime beaucoup aussi Le Lotus Bleu car c’est une image de la Chine différente de ce que je connais de la culture chinoise », précise en riant Eva avec la peluche de Milou dans les bras.

Des propos de fans qui vont droit au cœur de Michaël Farr, auteur et expert mondialement reconnu des aventures de Tintin, venu spécialement de Londres pour animer une conférence et dédicacer son livre « Tintin le compagnon complet ». « C’est formidable de voir à quel point Tintin est populaire ici, c’est une très bonne nouvelle pour lui ! L’exposition est très réussie, j’aurais tellement aimé qu’Hergé soit encore de ce monde pour voir cela, il aurait adoré. En étant à Hong-Kong, Tintin est en route vers la Chine et cela aussi c’est formidable car la Chine a toujours compté pour Hergé tout au long de sa vie grâce notamment à son ami Chang qui étudiait à l’Université de Louvain », se réjouit celui qui après avoir rencontré Hergé avait commencé à écrire des livres sur Tintin et avait pu accéder ensuite à l’intégralité des fichiers et du matériel utilisé par Hergé dans l’élaboration de ses histoires pour écrire « Tintin le compagnon complet ».

La Chine, Tintin y est déjà revenu depuis Le Lotus Bleu et notamment dans les usines de fabrication de produits dérivés produits à des millions d’exemplaires. Une manne pour la société Moulinsart S.A., chargée des droits dérivés liés à l’œuvre d’Hergé « Nous avons des centaines de références mais tout le monde attend les nouveautés. Alors nous créons des événements comme cette exposition et des nouveautés chaque année. C’est plus facile pour Blake et Mortimer, Corto Maltese et Astérix car leurs histoires continuent avec d’autres dessinateurs et scénaristes. Nous devons faire avec ce que nous avons car nous n’avons pas de nouveaux albums depuis la disparition d’Hergé. Nous avons l’équivalent de l’œuvre de Dickens ou Shakespeare, des classiques et nous devons juste être un peu plus créatifs et dynamiques » souligne Nick Rodwell le PDG de Moulinsart.

Même sans nouvelles aventures, en Chine les albums existant se vendent entre 1,5 et 2 millions d’exemplaires chaque année. « Tintin est bien connu en Chine. Il est arrivé il y a trente ans, bien avant les personnages de Walt Disney et d’autres séries étrangères », explique Philippe Wang, le représentant en Chine de Moulinsart.

Toutes les aventures sont traduites en chinois sur place d’après les textes originaux en français. Toutes, à l’exception de Tintin au Pays des Soviets, le premier album paru en 1929 « parce qu’il a un contenu un peu sensible par rapport au communisme, nous n’avons toujours pas eu l’autorisation de la part de l’administration chinoise de l’éditer, pourtant, j’ai réalisé la traduction, tout est prêt ».

La traduction, un sujet sensible dans l’Empire du Milieu… En 2001 la collection des albums de Tintin est traduite en chinois, imprimée et commercialisée en Chine notamment dans les magasins Carrefour. Les ventes démarrent bien mais un petit détail dans la traduction du titre de Tintin au Tibet provoque un branle-bas de combat à Moulinsart : le traducteur chinois, étourdi ou facétieux, a traduit le titre de l’album où Tintin sauve son ami Chang de la bienveillance virile du Yéti dans lescneiges himalayennes « Tintin au Tibet chinois »… Le mot de trop pour la société belge qui ordonne de retirer immédiatement les albums de tous les linéaires et de les détruire. Aujourd’hui, les albums ayant échappés au pilon, achetés avant cet autodafé sont devenus de véritables pièces de collection pour leurs heureux propriétaires. « Cette traduction était une initiative de l’éditeur chinois, nous ne pouvions pas l’accepter. Un bon traducteur ne doit pas ajouter un point de vue personnel ou politique pour un album de bande dessinée créé par Hergé, lorsqu’Hergé a écrit cet album, il l’a appelé Tintin au Tibet », argumente Philippe Wang.

Depuis les choses sont rentrées dans l’ordre, les traductions sont fidèles aux textes et titres originaux et de belles perspectives commerciales s’ouvrent en Chine continentale pour Moulinsart S.A. « L’intérêt que déclenche cette exposition à Hong-Kong nous encourage à aller en Chine, nous allons utiliser Hong-Kong comme une porte d’entrée vers la Chine populaire. Auparavant, nous ne voulions pas y aller, la taille du pays nous effrayait. Nous avons un peu plus de courage maintenant. Nous avons décidé que c’était maintenant ou jamais. Nous sommes obligés de prendre le risque, j’ai rencontré trois investisseurs qui souhaitent créer des boutiques, monter des expositions, construire des parcs d’attractions. Aujourd’hui c’est du sérieux », conclut Nick Rodwell. Un Tintinland bientôt en Chine ? A l’approche de l’année du chien et après avoir tenu tête au Yéti, Milou et son maître pourraient bien donner des sueurs froides à une célèbre souris américaine déjà installée à Shanghai et Hong-Kong…

 

The World of Tintin

Jusqu’au 26 décembre

Ouvert tous les jours de 12h à 20h

sauf les lundi et mardi.

Artis’Tree, 1/F, Cambridge House, Quarry Bay, Hong-Kong