Culture

Disparition de Joël Robuchon

Véritable îcone de la gastronomie française dans le monde, le chef le plus étoilé au monde est décédé le 6 aout dernier, des suites d’une maladie. Meilleur Ouvrier de France, sacré meilleur cuisinier du siècle par Gault & Millau, Joël Robuchon était un visionnaire et l’ambassadeur de la gastronomie à la française. Ses plats les plus emblématiques, de la puré́e de pomme de terre à la gelée de caviar à la crème de chou-fleur, sont à̀ l’image de sa relation à̀ la fois technique et émotionnelle à son art. Près de 20 ans après ses premières 3 étoiles, il n’hésite pas à se lancer un nouveau défi avec la création, en 2003, d’un concept alors novateur, “L’Atelier Robuchon”. Depuis une dizaine ont vu le jour dans le monde.

Pour évoquer celui qui a su porter très haut la cuisine française dans le monde, nous avons rencontré David Alves, chef de l’Atelier Robuchon de Hong-Kong.

Ce français de 43 ans, père de trois garçons, évolue depuis près de 20 ans au sein de la « maison » Robuchon.

Propos recueillis par Catya Martin

Trait d’Union : L’image de Joël Robuchon est très forte. Comment trouver sa place ?

David Alves : En arrivant dans la maison Robuchon on apprend un style de cuisine, une façon de cuisiner avec des codes. Pas trop de mélanges de saveurs, trois saveurs maximum dans un plat, c’est la base. Ensuite chacun le développe différement. Monsieur Robuchon lors de ses passages dans nos restaurants, et je l’ai vécu ici, regarde ce que l’on fait et vérifie que nous respectons bien ses plats signatures, ceux que l’on retrouve dans tous les ateliers du monde. Il goutait en permanence. Il voyait beaucoup de choses. Il avait un oeil affuté et critique. Il voyait tout. On ne pouvait rien lui cacher dans la cuisine. C’était un peu notre baromètre quand il venait.

Quand vous parlez de plats signatures à quoi pensez-vous?

L’œuf frais au caviar, les langoustines à la truffe, la pieuvre de langoustine ou encore le caviar de homard et crème de choux fleurs. La cuisine évolue en permanence et Joël Robuchon l’avait bien compris. Il se remettait toujours en question. Même ses classiques il les faisait évoluer.

Il venait souvent à Hong-Kong ?

Hong-Kong et Macao, trois à quatre fois par an. Ce sont les restaurants qu’il visitait le plus. Il a toujours été très proche du propriétaire, M. Ho. Il appréciait beaucoup Alan Ho. Il aimait aussi beaucoup la ville de Hong-Kong, on le voyait lors de ses passages, il y avait un véritable lien affectif entre Hong-Kong et Macao et lui.

Quels sont vos souvenirs avec Joël Robuchon ?

Le plus fort reste celui des ouvertures. Celle du premier atelier à Paris est un souvenir fort. J’étais encore jeune, il était positionné au « passe* » pendant un mois. Juste sa présence mettait une pression, il n’avait pas besoin de parler. J’ai l’image du moment où il était devant une porte de frigo, j’avais besoin d’y acceder pour prendre un produit et je n’osais pas lui demander de se pousser. Il me réclamait les plats en continue, et à un moment je lui ai dit « je ne peux pas les envoyer, vous êtes devant la porte du frigo et j’ai besoin d’ingrédients ! ». Il était surpris que je n’ose pas lui demander. J’étais tellement impressionné. C’est une image qui me reste. A l’époque il avait ses chefs, Eric Lecerf, 2 étoiles Michelin à l’Astor, Philippe Braun, 2 étoiles aussi au Laurent à Paris et son bras droit Eric Bouchenoire. Tous était venus rejoindre Joël Robuchon pour ce projet. Ils étaient là devant moi, c’était un grand moment.

* Le passe est l’espace de travail où l’on pose les plats qui sont terminés pour que les serveurs les amènent à table.

Après 20 annnées passées aux côtés de Joël Robuchon que diriez-vous de lui ?

C’était un visionnaire avec une rigueur dans son travail. Il avait toujours un coup d’avance. Quand il a démarré le concept des ateliers, c’était un concept de bar à tapas espagnol. Avant une cuisine ouverte ça n’existait pas, aujourd’hui tout le monde veut une cuisine ouverte.

Et vous, comment voyez-vous la suite ?

Je pense que la culture Robuchon va perdurer, maintenant c’est à nous, ses chefs, de faire en sorte que l’aventure continue. Je ne pense pas que ça va changer si ce n’est qu’il ne sera plus là, qu’il ne viendra plus. On verra ce que l’avenir dira mais de mon côté je suis encore plus motivé à garder nos 3 étoiles. Il y a toujours cette envie d’aller encore plus loin. Tout en restant dans ses idées, on a tous en nous son ADN, à force de faire sa cuisine en permanence, on fini par penser comme lui et c’est difficile d’en sortir.

Quel grand restaurant recommanderiez-vous ?

Grand restaurant… Bo Innovation. J’ai été agréablement surpris. Alvin le Demon Chef propose une cuisine asiatiaque moderne avec des saveurs fortes, une touche française et une bonne balance des saveurs. Pour moi c’est un ovni.

J’aime aussi faire un barbecue sur la plage. J’adore me promener dans Hong-Kong, passer sur les marchés.