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La Grande île de Chiloé

L’archipel de Chiloé s’étale tout en longueur dans la partie septentrionale de la Patagonie chilienne. La Grande Île de Chiloé est longue de 180km, pour une largeur de 50km. Elle est classée au cinquième rang des plus grandes îles d’Amérique du Sud. C’est la deuxième plus grande île du Chili après la Terre de Feu.

Par Christian Sorand

Terre des Indiens Mapuche, une aura de mystère renforcée par des brumes marines émane de Chiloé ; une atmosphère qui n’est pas sans rappeler l’Écosse ! L’île est d’ailleurs le cadre d’un roman d’Isabel Allende, Le Cahier de Maya[1]. Voici donc une contrée singulière, connue pour ses sorciers, pour ses gnomes des bois, mais aussi pour ses bateaux fantômes. Les forêts de l’île ont servi à bâtir des édifices autant que des coques pour les bateaux du Pacifique. Certaines essences sont endémiques. Isabel Allende évoque le cyprès Guaitecas (Pilgerodendron uviferum) “qui peut vivre plus de trois mille ans, étant l’une des plus des plus vieilles espèces du monde après les baobabs d’Afrique  et les séquoias de Californie”.[2]

Or, les forêts de la grande île de Chiloë sont à l’origine des deux principales curiosités locales : les maisons sur pilotis et les églises en bois, aujourd’hui classées par l’Unesco.

Ancud, au nord de l’île.

Pour se rendre à l’Isla Grande de Chiloé, le mieux est de partir de la dernière grande ville portuaire du Chili : Puerto Montt. Ce lieu, port de relâche des bateaux de croisière de l’Antarctique, n’offre pas d’intérêt particulier. C’est un carrefour obligé pour la Patagonie du sud, la région des lacs ou l’archipel de Chiloé.

Cette partie du Chili conserve le souvenir d’une ancienne migration allemande. À 17km au nord de Puerto Montt, dans la petite station balnéaire de Puerto Varas on se croirait en Suisse ou en Autriche. Elle est située au bord d’un grand lac (le deuxième plus grand du pays) : le Lago Llanquitue, dominé par les cônes des volcans Osorno (2,652 m) et Calbuco (2,006 m), tous deux actifs.

La première ville de la Grande Île, Ancud, se trouve de l’autre côté du détroit de Chacao. Les ferries relient le continent à Chiloé en trente minutes. Mais un pont autoroutier est déjà en construction.

En arrivant sur l’île, on traverse le joli petit village de Chacao, qui est aussi un port de pêche. Ce fut un avant-poste espagnol dès 1567. Le square de la grand place est dominé par une des premières églises en bois qui font la renommée de l’île. Quelques boutiques d’artisanat affichent les deux grandes spécialités de l’archipel : le travail du bois et le tissage traditionnel aux couleurs typiques et souvent confectionné en laine de lama.

La ville d’Ancud n’est qu’à quelques kilomètres. Elle a longtemps été la capitale de Chiloé. Mais en 1960, un terrible tremblement de terre, dont l’épicentre était situé plus au nord, dans la région de Valdivia, suivi d’un tsunami  a détruit une grande partie de la ville basse. Depuis, la capitale de l’île est située plus au sud, à Castro. La ville haute domine une très belle baie et conserve le vieux fort San Antonio. La douceur du climat fait d’Ancud, un lieu de villégiature prisé au Chili.

Dalcahue : une bien jolie étape.

Le paysage de l’Isla Grande est vert et bucolique. Si ce n’étaient les essences endémiques, ruisseaux, forêts et pâturages peuplés de vaches laitières, rappelleraint le Vieux continent.

Sur la route du sud, on arrive alors au petit port de pêche de Dalcahue, blotti sur les hautes berges d’un estuaire. Un cadre enchanteur dont l’habitat semble avoir épousé le charme. Une grande partie du village est construit sur des pilotis, le long du chenal. C’est là que se trouve un très beau marché artisanal, très apprécié de tous les visiteurs. Outre son architecture en bois, le village possède une autre grande église de bois : Iglesia Nuestra Señora de Los Dolores (1849). La spécficité de ces édifices les a fait classer au patrimoine mondial de l’Unesco.

À Chiloé, il y a environ soixante-dix églises en bois, construites au XVIIe siècle par les Jésuites, puis aux XVIIIe et XIXe siècles par les Franciscains. En l’an 2000, seize d’entre elles ont été classées par l’Unesco, dont celle de Dalcahue et de Castro. L’une de leurs particularités est d’avoir intégré des techniques indigènes à des techniques classiques. Toutes ces églises ont été édifiées sans un seul clou. Leurs voûtes ressemblent à la coque renversée d’un bateau !

Castro et ses maisons sur pilotis.

Située à 85km au sud d’Ancud, sur la côte orientale, Castro est la ville principale (44,000 h.) et la capitale de l’île depuis 1982.

La caractéristique de la ville est d’avoir été bâtie sur une falaise au-dessus d’un profond estuaire qui en fait un port abrité. Si le site est déjà très beau, la ville haute comprend plusieurs églises du XVIIe et XVIIIe siècles, dont une très belle cathédrale en bois, Iglesia San Francisco de Castro, construite en 1912, par un architecte italien, Eduardo Provasoli. Cette superbe structure est située sur la Plaza de Armas, tout en haut de la colline. Non loin, un centre commercial offre un large balcon dominant surtout l’estuaire et la ville basse.

Mais le clou du voyage à Castro demeure le formidable spectacle des maisons construites sur d’étonnants sur pilotis, les palafitos,car ici, la marée peut avoir une amplitude allant jusque’à sept mères de hauteur ! Elles sont toutes de couleurs différentes. Ce quartier possède de nombreux cafés et restaurants car, étant un port de pêche, la ville de Castro est réputée pour ses poissons et ses fruits de mer.

Des agences proposent également des voyages en bateau dans la baie de Castro. C’est d’ailleurs une autre façon, fort agréable, d’aborder les “palafitos” et leur extraordinaire forêt de pilotis.

L’archipel de Chiloé a été découvert en 1643 par le navigateur néerlandais Hendrik Brouwer. Comme toute cette région méridionale du Chili, les îles étaient peuplées par les Indiens Mapuches, qui ont longtemps donné du fil à retordre aux Espagnols.

Aujourd’hui, cet archipel est un peu un bout du monde austral. Mais comme le Chili est un pays résolument moderne et bien organisé, on peut s’y rendre assez facilement. Il est vrai que, comme toutes les autres contrées insulaires, la Grande Île de Chiloé conserve toujours sa propre identité à la fois naturelle et humaine.

Pablo Neruda a décrit son pays comme étant “un long pétale de mer” inséré, telle une île, entre la cordillère des Andes et les flots de l’océan Pacifique. Chiloé en est un bout détaché de la côte chilienne.

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Liens :
Wikipedia
Lonelyplanet
Whc.unesco

Bibliographie :
Chile et île de Pâques, Lonely Planet,
Isabel Allende, Maya’s Notebook, Isabel Allende, p.22, HarperCollins Publishers, London,2013, ISBN 978-0-00-754635-0


[1] Le Cahier de Maya, Grasset, 2013.

[2] Maya’s Notebook, Isabel Allende, p.22, HarperCollins Publishers, London,2013, ISBN 978-0-00-754635-0