Karena Lam, artiste et ambassadrice du French May Festival
Elle a joué dans plus de trente films et décroché trois Golden Horse Awards, l’un des prix les plus prestigieux du cinéma asiatique. Actrice et chanteuse canado-taiwanaise, Karena Lam vit entre Taiwan et Hong Kong. A 46 ans, elle est considérée comme l’une des artistes les plus polyvalentes de la scène culturelle hongkongaise.
Propos recueillis par Anne-Claire Poignard

Trait d’union : « Vive l’art » c’est le mot d’ordre de ce French May 2025. Vous soutenez ce festival depuis 13 ans. Qu’est-ce qui rend cette édition si spéciale ?
Karena Lam : Cette édition propose au public des rendez-vous exceptionnels. Il y a d’abord l’exposition « Picasso for Asia. A conversation ». 60 œuvres de Pablo Picasso prêtées par le Musée Picasso à Paris et 130 œuvres issues des collections du Musée M+ ont été rassemblées. C’est du jamais vu à Hong Kong ! On y découvre comment Picasso et les artistes asiatiques dialoguent. L’idée ce n’est pas uniquement de rendre hommage au maître espagnol mais plutôt d’expliquer comment son influence s’est développée en Asie.

Je recommande l’exposition photo gratuite « Hong Kong Dream » au musée F11. Elle met à l’honneur le travail du photographe Frank Horvat qui a exploré Hong Kong dans les années 1960 pour un magazine allemand. Ses photographies en noir et blanc sont vraiment intéressantes. C’est comme une chasse aux trésors. On y découvre par exemple Ladder Street à Central telle qu’elle était à l’époque. La rue est restée pratiquement inchangée depuis. J’adore chercher les petits indices du passé, voir comment Hong Kong était dans les années 60 et créer des points de repère avec la ville d’aujourd’hui. La plupart des photographies présentées n’ont jamais été montrées au public.
Si vous aimez le chant, le piano et le jazz, une très belle rencontre vous attend début juin. La Française Sarah Lancman et la Hongkongaise Joyce Cheung joueront en duo sur scène pour le concert « Paris rendez-vous ». Quand j’ai rencontré Joyce, je me suis dit que son répertoire irait très bien avec celui de Sarah. Je suis très heureuse que cela puisse se faire. Ce sera la toute première collaboration entre ces deux immenses pianistes.
Peinture, photographie, musique, le French May c’est aussi du théâtre ?

J’ai découvert Claire et Anthony sur Instagram. Leur pièce « Souvenirs » explore la mémoire avec cette question : « Et vous, quel est votre plus beau souvenir ? ». Ils utilisent le conte et le théâtre d’ombres. J’adore ce qu’ils font. Le théâtre d’ombres c’est vieux comme le monde. Ce sont les histoires que l’on se transmet de bouche à oreille. J’ai envie de faire découvrir cet art aux plus jeunes. A l’heure où les écrans ont envahi notre espace, le théâtre d’ombres permet aux enfants d’ouvrir leur imagination. C’est quelque chose avec lequel on peut créer des liens sans passer par le langage.
Qu’est-ce qui, dans votre vie personnelle, vous a conduit à ce festival et à ce lien entre Hong Kong et la France ?
En 2007, j’ai vécu plusieurs mois à Paris. Je suivais des cours à l’école internationale de théâtre Jacques Lecoq. Tout le monde choisissait les cours de l’après-midi pour faire la grasse matinée ! Moi je prenais les cours du matin et à 13h, je filais dans un musée ou une galerie. J’ai fait cela tous les jours pendant 8 mois ! Quand je suis rentrée à Hong Kong, j’ai voulu partager cette expérience. En 2014, l’Alliance française m’a contactée. J’ai commencé à promouvoir leurs programmes et j’ai trouvé cela intéressant parce que je pense que beaucoup de Hongkongais se disent que l’art est réservé aux classes supérieures ou à la bourgeoisie. En réalité, il n’est pas nécessaire de suivre de longues études. Je pense que le mieux, c’est de ne rien savoir du tout, d’y aller et d’expérimenter par soi-même. J’encourage toujours les gens à ne pas regarder une exposition à travers un écran, même si nous nous sommes habitués à cela depuis la pandémie.

Comment préparez-vous ce festival ? Comment choisissez-vous les artistes ?
Je n’ai jamais étudié l’art donc je choisis avec le cœur. Je repère des spectacles, j’en discute avec la direction du festival, je me déplace à Paris. On lance des idées, on travaille sur la relation entre Hong Kong et la France, on s’interroge : « qui pourrait collaborer avec qui ? ». C’est une remise en question permanente. Quand une salle n’est pas remplie, cela me brise le cœur. Mon objectif c’est de toucher un public de plus en plus large et notamment les plus jeunes.
En dehors de ce festival, vous poursuivez votre carrière. Quel est votre prochain projet ?
Je suis actuellement en tournage pour une série en anglais intitulée « The Season ». L’histoire se passe à Hong Kong. Un groupe d’amis se réunit pour un été de divertissement. La saison nautique commence. Mais très vite des luttes de pouvoir se mettent en place et cela vire au drame. J’ai découvert que tous les acteurs avaient un lien avec Hong Kong. La grand-mère d’une des actrices vit à Kowloon, le fils de l’actrice britannique Maggie Smith est marié avec une Néo-zélandaise qui a grandi ici. Mon père est hongkongais. Cette ville nous a rassemblés !