Cracovie : Le réveil d’une belle endormie
L’Europe regorge de villes historiques progressivement entretenues par chaque État. Tant et si bien que
visiter l’une d’elles est devenu un choix difficile. D’autant plus que certaines recèlent une telle histoire et
une telle notoriété, qu’elles s’imposent sur le devant de la scène. C’est sans nul doute le cas de Cracovie,
ancienne capitale des rois de Pologne.
Par Christian Sorand

Située au nord du continent européen, sur les bords de la Baltique, la Pologne n’a pas été épargnée des affres de l’Histoire. Or, si aujourd’hui Varsovie en est la capitale, plus au sud, proche de la Tchéquie et de la Slovaquie, la ville de Cracovie, deuxième ville de Pologne, a autrefois été la capitale royale du pays. Le prestige sert souvent de creuset à des hommes célèbres ayant participé à la renommée du lieu. Tel est le cas de Cracovie, une cité florissante qui s’enorgueillit désormais d’appartenir au club très fermé du patrimoine mondial de l’Unesco. En parcourant les rues et les monuments de cette ville remarquable, le texte suivant se propose de vous faire découvrir Cracovie.
Aujourd’hui, cette communauté urbaine compte environ 770,000 habitants. La vieille ville est entourée de la ceinture verte des Planty, longue de 4km, venue se substituer aux anciennes murailles médiévales détruites au XIXe siècle. La Vistule sépare la ville historique de Podgorze, un ancien ghetto juif. Les fonds suppléés par l’Union Européenne ont permis de rénover l’ensemble de la ville, de telle sorte que Cracovie est aujourd’hui devenue la vitrine du pays.
Au fil d’une histoire riche et mouvementée.
On déroule ainsi l’histoire de Cracovie en parcourant ses rues. Le cœur battant de la vieille ville (Stare Miasto) est la place du Marché, un immense quadrilatère de 200m de côté, le Rynek, la plus grande place médiévale du continent européen datant de 1257. Au centre, se trouve un bâtiment longitudinal surmonté de créneaux et de blasons : la Halle aux Draps. De style Renaissance (XIV-XVe) ce bâtiment était dédié au commerce. Sa galerie intérieure est dorénavant investie par des boutiques de l’artisanat traditionnel. Certaines échoppes sont spécialisées dans la vente de l’ambre, autre richesse ancestrale de la Baltique. À l’angle sud-ouest du Rynek, se dresse une tour médiévale, haute de 70m, vestige de l’ancien beffroi de l’hôtel-de-ville détruit en 1820. Entre 2005 et 2007, des recherches archéologiques ont permis de reconstituer l’histoire ancienne de la ville, dorénavant expliquée de façon didactique dans le musée en sous-sol : le Rynek souterrain.
À l’angle nord-est du Rynek, l’imposante église Notre-Dame, est un autre emblème de la ville. Dédié à l’Assomption de la Vierge, ce sanctuaire de style gothique est flanqué de deux tours : celle de gauche, l’ancienne tour de gué, est haute de 81m et celle de droite, la tour des cloches servant de beffroi municipal de 69m. :La tour de gué est le théâtre d’un rituel (le hejnal) qui date du XVIe. Toutes les heures, un trompettiste entame une mélodie de cinq notes au plus haut de la tour, côté ouest, qui est volontairement interrompue avant d’être reprise aux trois autres points cardinaux. Cette légende du XIVe siècle prétend qu’au cours d’une invasion tatare, le guetteur a eu la gorge transpercée par une f lèche au moment de la 5e note. Évidemment, cette histoire fait l’objet d’une attraction fort appréciée des visiteurs.

La vieille ville est traversée du nord au sud par la Voie royale, une longue artère bordée de demeures ancestrales, de palais et d’églises. Cette longue rue abrite les bâtiments de l’université Jaguellonne fondée en 1364 par le roi Casimir III le Grand. Il s’agit d’une des plu anciennes universités européennes. Elle a été fréquentée par des étudiants célèbres : Nicolas Copernic (1491-95), le roi Jan III Sobieski (XVIIe) ou encore Karol Wojtyla, le futur Jean-Paul II (XXe).
Cracovie a un tel nombre d’édifices religieux qu’il est difficile de tous les mentionner. Citons le couvent des Dominicains et la basilique de la Sainte-Trinité (XIIIe) ; l’église baroque des Saints-Pierre-et-Paul, dont le pendule de Foucault oscille depuis le dôme, haut de 46,50m ; la basilique des Franciscains (XIIIe) et son cloître du XVe.
Dans la partie sud du Rynek, la rue Kanonicza est un lieu pittoresque abritant l’archevêché et les demeures de plusieurs hommes célèbres.
On arrive alors à la colline du Wavel surplombant la Vistule, siège du château royal et de la cathédrale. Cette dernière contient les sarcophages des rois polonais, une crypte royale et une autre dédiée aux grands poètes nationaux. La tour de la cathédrale ne compte pas moins de cinq grosses cloches du XVIe, dont l’une a été baptisée Sigismond (1520) : c’est non seulement la plus grosse cloche du pays, mais aussi la deuxième au monde[1], d’un poids de 11 tonnes et d’un diamètre de 2,60m. Le château est un ensemble de plusieurs sites architecturaux. Il se compose des appartements royaux privés et des appartements d’État.

Les charmes d’une vieille cité historique.
Si la vieille ville multiplie des aspects dignes d’intérêt, deux autres quartiers méritent de s’attarder pour leurs charmes. Ils recèlent une certaine empreinte de nostalgie à la fois romantique et dramatique. Ce sont deux quartiers juifs célèbres : Kazimierz et Podgorze. En saison, la masse grandissante des touristes rend le centre historique moins attrayant tandis que les deux quartiers mentionnés conservent une atmosphère plus paisible.
Le quartier juif de Kazimierz est situé entre la colline du Wavel et les rives de la Vistule. Constitué d’un dédale de rues et de ruelles, il est empreint d’une atmosphère désuète, faite de vieilles bâtisses à l’allure parfois exotique. À l’origine, c’était une ville séparée, fondée en 1335 par Casimir le Grand. Elle a longtemps été le refuge de la communauté juive avant de devenir un quartier de Cracovie. On y trouve de nombreuses synagogues et deux cimetières juifs (l’ancien et le nouveau). Le cimetière de la synagogue Remu’h (XVIe) est l’un des plus vieux cimetières juifs d’Europe. La communauté juive a payé un lourd tribut aux persécutions du nazisme. Au centre de la Place nouvelle se trouve une halle circulaire datant de la fin du XIXe. Le Centre de Culture juive est situé à un angle de cette place. Aujourd’hui les lieux sont le siège de nombreux cafés branchés. La partie haute de la rue Szeroka a été l’ancienne place du marché. Bars, restaurants traditionnels et hôtel de prestige ornent dorénavant la place. On y trouve également une étonnante librairie dédiée au judaïsme international. Pourtant, ce quartier n’est pas dépourvu d’églises.Il y a le couvent des Augustins, dont la chapelle de Sainte-Monique est dédiée à la mère de saint Augustin.
Les rives de la Vistule ont été aménagées et de l’autre côté du fleuve se trouve le quartier de Podgórze. Pendant l’occupation nazie, ce quartier était un ghetto lié à l’extermination des juifs locaux. La place Bohaterow Getta a été le lieu de rassemblement des déportés. On y voit 70 chaises de métal symbolisant le départ hâtif des déportés et l’absence qu’ils ont laissée. Dans un angle de cette immense place, se trouve un bâtiment du XVe siècle, siège de la pharmacie de l’Aigle fondée en 1940 par Tadeusz Pankiewicz[2] (1908-1993) , le seul Polonais non-juif du ghetto. Dans ce quartier, on trouve également la fabrique d’émaillage de casseroles d’Oskar Schindler (1908-1974), un humaniste et Juste allemand, membre du parti nazi, pourtant crédité d’avoir sauvé la vie de plus de 1,100 Juifs. Aujourd’hui Podgórze est devenu le quartier branché de Cracovie.
L’évocation de ces deux dernières personnalités locales permet de revenir sur les autres célébrités dont le nom est lié à Cracovie.
Le flambeau de personnes célèbres.
Outre l’astronome et mathématicien Nicolaus Copernicus (1473-1543) et le Pape Jean-Paul II (1920-2005), tous deux déjà cités, de nombreuses personnalités sont originaires de Cracovie. On peut évoquer : Jan Matejko (1838-1893), peintre historique polonais ; Helena Rubinstein (1872-1965), dont la maison natale se trouve au nº4 de la rue Szeroka dans le quartier juif de Kazimierz ; ou encore Wislawa Szymborska (1923-2012), poétesse et essayiste, lauréate du prix Nobel de Littérature en 1996 ; Tadeusz Kosciuszko (1746-1817), héros national polonais ; Sławomir Mrożek (1930 – 2013), écrivain et dramaturge ; le réalisateur Andrzej Wajda.(1926-2016).

Parler de Cracovie sans évoquer d’autres sites proches, serait regrettable. On peut mentionner tout d’abord la mine royale de sel de Wieliczka (Xe siècle), inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco. Puis Auschwitz, dont la triste notoriété demeure un témoignage poignant de l’Holocauste. La région de Zapokane, au pied des monts de Tatras, sert de frontière avec la Slovaquie. C’est un lieu de séjour d’hiver et d’été fort agréable.
Quoi qu’il en soit, le souffle vivifiant d’un réveil annoncé baigne désormais l’atmosphère de Cracovie et de sa région.
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Bibliographie :
Cracovie, Le guide vert Michelin, 2021, ISBN : 978-2-06-725075-8
Tadeusz Pankiewicz, La Pharmacie du ghetto de Cracovie, Solin / Actes Sud, 1998, ISBN : 2-7427-1564-9
Liens :
Wikipedia
Unesco
Krakov Travel
[1] La plus grosse cloche est celle du Tsar Kolokol III (1735) au Kremlin de Moscou.
[2] Tadeusz Pankiewicz, La Pharmacie du Ghetto de Cracovie, Solin/Actes Sud, 1998