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Au théâtre ce soir

Hong-Kong Theatre association, dirigé par la Française Emilie Guillot, présente le 30 novembre et les 1er et 2 décembre prochains, sa nouvelle adaptation pour les amateurs de théâtre. Avec « La porte d’à côté », Emilie a, avant tout, cherché à travailler sur le thème du couple et de la recherche de l’amour. Quoi de mieux que cette pièce de Fabrice Roger Lacan pour parler de ce sujet à la fois compliqué et très quotidien. Comédie à la française avec une dose de sentiments et d’esprit, drôle sans être burlesque. Adaptée à toutes les générations, cette recherche de la quête amoureuse de deux personnages, qui ont tout pour se détester, est avant tout un régal théâtral rythmé et drôle. Emilie Guillot nous en parle.

Propos recueillis par Catya Martin

Trait d’Union : Pourquoi ce choix de pièce ?

Emilie Guillot : J’ai toujours été intriguée par les comédies à deux personnages, les longues pièces pour le coup, à défaut des pièces de sketchs comme « Ils se sont aimés » que nous avions déjà présentés. J’aime jouer les comédies noires, j’ai donc orienté mes recherches dans ce registre.

J’aime l’écriture complexe de Fabrice Roger Lacan. Ses phrases longues et intenses rendant difficile le placement des mots. L’articulation de ses idées et la psychologie de ses personnages offrent à la pièce une profondeur intéressante. Et surtout, elle n’aurait pas de sa grandeur sans la complicité du spectateur. Et je n’en dirai pas plus ! Alors préparez-vous, on viendra bientôt sonner à votre porte !

Comment s’est fait le choix des acteurs ?

Au fur et à mesure de mes lectures, j’ai tout de suite vu Bertrand. J’avais déjà apprécié jouer avec lui dans « le Prénom », « Le dieu du carnage » ou encore « Ils se sont aimés » aux côtés d’autres élèves.

Bertrand est un ami, il est dans l’association depuis plus de cinq ans. Il est sérieux, impliqué et très rigoureux. Il est capable de bouleverser le spectateur comme il peut être le clown de service avec une justesse du ridicule dont lui seul a le secret. Je peux lui faire entièrement confiance lorsque je suis à ses côtés. Nous pouvons nous laisser porter par le moment. C’est un bonheur.

Comment avez-vous travaillé les rôles ?

C’est d’abord un travail de lecture. Il faut décortiquer chacune des répliques. Définir les objectifs des acteurs afin de connaître leur état d’esprit, avant, pendant et après chaque scène. Ce qui va nous amener à mieux comprendre la dynamique de l’acteur et son objectif global au travers de la scène et de la pièce.

J’interprète une psychanalyste frustrée alors que Bertrand est chef de produit et prend la vie comme elle vient. Le travail à deux est fantastique avec Bertrand et nous avons une réelle complicité. Il sait lire entre les lignes et notre dissection des mots avec les répétitions m’amène, en tant que metteur en scène, à imaginer un univers. J’ai des couleurs, des parfums, mes personnages prennent vie grâce à la gestuelle, les intentions que je retranscris en façonnant nos jeux d’acteurs. Il y a un vrai travail de créativité.

« La porte d’à côté »

Mercredi 30 novembre, Jeudi 1er et vendredi 2 décembre

Auditorium du lycée français de Hong-Kong, 34 Price Road, Jardine’s Lookout

Résevations : www.hkta.org.hk

« Hong-Kong Theatre Association » : 10 ans déjà

Par Catya Martin

Trait d’Union : Pouvez-vous nous parler de HKTA et de ce que cette association représente pour vous ?

Emilie Guillot : Elle représente beaucoup pour moi. Je suis qui je suis maintenant grâce à cette association, et surtout elle me fait vivre ma passion.

Je l’ai fondée en 2007, et on a commencé les activités en 2008. A cette époque, j’étais une actrice qui se lançait dans la formation. J’ai donné des cours et les élèves sont devenus une troupe de théâtre qu’il fallait diriger, m’obligeant à devenir metteur en scène. Ensuite, il fallait produire nos spectacles, c’est ainsi que je me suis découverte productrice.

On a commencé par de petites productions avec peu de spectateurs pour finalement chaque année recevoir de plus en plus d’adhérents, rencontrer de plus en plus d’acteurs amateurs, des élèves aussi.

Le soutien de la part des spectateurs se faisait grandissant, on a dû augmenter le nombre de nos spectacles, gommant l’étiquette de l’amateur et nous renvoyant à la qualité de professionnel.

Cette association à Hong-Kong à sa spécificité, elle est française, elle s’adresse tout aussi bien à la communauté francophone qu’à tous ceux qui veulent vivre un moment avec nous. Elle est unique par ses membres et par tous ceux qui la font exister, leur soutien m’est vital.

Combien étiez-vous au départ de cette aventure ?

Au départ j’étais seule, mais avec le soutien moral de la famille. J’ai ensuite partagé mon idée lors de mes différentes rencontres, collectant les points de vue, les opinions. Certaines m’ont amenée une aide précieuse dans la structuration et l’aiguillage de mon projet.

Aujourd’hui notre socle est de trente personnes. Il augmente en fonction des représentations théâtrales ou des évènements artistiques. Je pioche dans mon carnet d’adresse où l’accumulation des noms, durant toutes ces années, a construit la réputation de l’association.

Cette aventure, si elle existe et si elle perdure, c’est grâce à : son comité, ses sponsors, ses adhérents, ses élèves, ses acteurs, ses artistes, ses équipes de production et bien sûr les spectateurs qui nous délivre la récompense.

Pensiez-vous partir pour une décennie lors de la création d’HK théâtre ?

Oui, c’était mon objectif. On m’avait conseillée de créer une association à but non lucratif, surtout s’il était question de promouvoir l’art à Hong-Kong. J’ai donc commencé par me familiariser avec le vocabulaire propre à l’entrepreneur (statut, étude de marché…), ensuite, j’ai interviewé les professionnels. Il m’a fallu un an, entre la réflexion sur le projet et la création de la société. Je voyais différentes perspectives comme une école internationale de théâtre avec de l’anglais, du chinois, sans oublier le français. Ou encore un club artistique avec du babyfoot d’un côté et des projections de films de l’autre. Des classes de théâtre qui côtoieraient des classes de danses. Et le temps nous rattrape, dix ans. Le milieu du spectacle n’offre aucune garantie, c’est un challenge permanent. Je ne pratique pas de sport extrême mais je pense que l’on peut qualifier le métier comme étant extrême. Il me chamboule au quotidien et je n’arrêterai pour rien au monde.

Qu’est-ce qui vous fait avancer ?

Ma passion me fait avancer chaque jour parce que je persévère. J’ai constamment de nouvelles idées, des personnes qui croient en moi et en aucun cas, je ne dois les décevoir.

J’avance parce que la vie m’offre l’énergie pour continuer.

Ce qui me fait avancer, c’est aussi la confiance et le partage avec ceux qui font partie de cette aventure. On est toujours à l’écoute des uns et des autres et nous avançons ensemble à chaque nouveau projet et le public est notre récompense.

C’est en voyant le travail effectué avec mes classes et leur confiance, leur motivation que j’ai gagné en maturité. Ils m’ont révélée leurs personnalités, leurs défauts et leurs qualités. Ils m’ont autorisée à déverrouiller leurs pires peurs, leurs pires angoisses. C’est un métier extraordinaire et une grande responsabilité quand on touche à une corde aussi sensible que l’émotion.

Je me remets toujours en question, la routine n’existe pas dans mon métier. Le théâtre est une formidable expérience où l’on se surpasse aux prix de pleurs mais aussi de rires. Mais ce qui me fait avancer le plus, c’est de savoir que le théâtre contribue au bonheur de celui qui le pratique mlais aussi de celui qui vient l’apprécier.

Quels sont vos regrets ? Quelles sont vos joies ?

Mes joies, c’est d’avoir surmonter mes regrets.

Se lancer dans le théâtre à Hong-Kong n’est pas simple. Je savais que j’allais m’aventurer dans une espèce de jungle en sachant que je n’étais pas armée pour. Mais, j’avais mon talent, ma patience, mon amour pour la création et surtout ma positivité.

Au fur et à mesure des propositions que j’avais, je les acceptais et les défendais avec les outils que j’avais en main. Je ne voulais pas me mentir. Même au départ, quand j’ai ouvert les cours. J’ai toujours dit : ‘je suis une actrice qui va vous faire partager l’amour de la scène’. Et après, au bout d’un an, j’étais capable de les mettre en scène.

Notre troupe de théâtre se produit dans des salles pouvant accueillir 300 personnes et les spectateurs reviennent, nous envoient des messages pour nous remercier. C’est un métier dur avec beaucoup de stress, certes, mais aussi beaucoup de joie. D’ailleurs, à la fin de chaque spectacle, je finis toujours par pleurer. (Je suis abonnée au mascara waterproof d’ailleurs).

Je ne m’autorise pas à avoir des regrets. Si je commence à regretter c’est que j’ai vraiment rien compris à la vie, je pense. Il y a des déceptions mais ce ne sont pas des regrets. Les problèmes ont toujours des solutions.

Une fois que je suis partie dans une aventure, elle aboutie toujours, il y a toujours une lumière au bout du tunnel.

Justement, où voulez-vous aller ? Et où pensez-vous être dans dix ans ?

Je pense que cette dixième année sera révélatrice. Il y aura des changements dans la structure de l’association et sur le plan personnel, puisque je prépare actuellement une émission de télévision et j’aimerais donc me focaliser sur ma carrière dans l’audiovisuel, tout en continuant en parallèle avec HKTA.

Où est-ce que je serais dans dix ans ? Au fin fond d’une montagne en hibernation. Pas vous ?

En tant qu’actrice, j’aurais multiplié les apparitions dans les films. En tant que réalisatrice et productrice, j’en aurais produit une longue liste. L’association aura pris une nouvelle dynamique en collaboration avec d’autres entités pour devenir une grande école de théâtre peut-être…et un club artistique à Hong-Kong. Qui sait de quoi demain sera fait ?