Sweet Home Alabama ou ailleurs
Vous connaissez probablement l’expression « ne plus savoir où il/elle/j’habite » une façon familière de dire qu’on y perd son latin, pour un tant soit peu qu’on en ait eu, du lapin…euh pardon du latin, qu’on est largué, perdu, en live, à la ramasse, bref à l’Ouest.
Par Stéphanie Delacroix
Quand on habite dans un pays autre que celui où on est né, où on a grandi, dans un pays différent de celui de ses parents et même si on sait très bien où on habite (et ce généralement en trois langues, la sienne, la langue locale et en anglais au cas où : quarante-six Stubbs Road, Stubbs Road number Forty Six, Sitobaado sei seb loh) – et ce que ce soit à l’Est ou à l’Ouest – on a parfois du mal avec l’utilisation du verbe « rentrer ».
Tu rentres cet été ?
Non je reste chez moi,
à la maison.
Ah…
Et c’est encore pire en anglais…
Are you guys going back home for Christmas ?
No, we’re staying home.
– …
C’est quoi en fait, ce home que j’aurais tendance à traduire par « chez soi » ?
Facile. C’est là où tu es né(e).
C’est à dire ? Alpha du Centaure ou la planète Terre ?
Les deux, ou alors plus précisément le continent ou…le pays d’où vient ta langue maternelle. A moins que ce ne soit la ville, la rue, le village, l’immeuble, l’appartement, la maison où tu as grandi ou bien le lieu de tes vacances en famille.
Mais si les grands-parents nous ont quittés, que la maison a été vendue et que les parents ont déménagé dans le sud ?
Alors c’est où tu habites toi. L’endroit où se trouvent ton mari, tes enfants, tes animaux, tes vêtements, ton lit, ta salle de bains, ta cuisine, tes livres…là où tu payes tes impôts quoi !
Adresse, passeport ou résidence fiscale vous avez le choix. Un rien prosaïque et matériel comme notion d’appartenance…mais pourquoi pas !
En japonais 家 c’est l’endroit où tu as ton toit 宀 et …une truie 豕 (essayons de ne pas le prendre mal mais plutôt comme un exemple animalier parmi d’autres – veaux, vaches, truies, chiens, chats, poissons rouges)…et en chinois 家庭 le toit sur la falaise 广 où tu as une truie 豕 du jade 王 où tu as un toit 宀 et où tu te rends à grande foulée 廴.
En indonésien – comme dans le pays de Bray du « t’as où tes vac’ (vaches) ?» – on retrouve aussi la notion de « là où on a ses bêtes » (veaux, vaches, truies, chiens, chats, poissons rouges) puisque retourner chez soi se dit « pulang kampung » rentrer à la kampung, pardon à la campagne (je ne sais plus où j’habite) même si l’on vient de Jakarta (pas exactement de la campagne donc). Alors qu’une maison c’est une rumah (comme une room quoi).
Les anglophones ont vite fait bien fait résolu le problème en décrétant que « home is where the heart is » : dans mon thorax donc. Plus précisément dans le médiastin antéro inferieur, sous mon poumon gauche. Et voilà, vous regrettez déjà le prosaïsme de la feuille d’impôts. Mais non je plaisante ils ont bien résumé le concept avec « Home is not a place it’s a feeling. » On peut donc en avoir plusieurs des « home », en voilà une bonne nouvelle.
Ce que les Anglais disent clairement en peu de mots, 6 « home is where the heart is » et 8 « Home is not a place it’s a feeling » exactement, Henri Poincaré l’a dit en 35 et encore à demi-mots (donc plutôt 70 s’il fallait l’expliquer à un enfant) :
“On fait la science avec des faits, comme on fait une maison avec des pierres : mais une accumulation de faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierres n’est une maison.”
A méditer à Noël en famille ou pas, à la maison ou ailleurs. Sans oublier que “Mieux vaut habiter une maison en L qu’un château hanté (en T).” (1)