La chronique de Stéphanie
Cultiver ?
Les Français sont-ils meilleurs jardiniers que les Anglais ou les Américains ? Ce serait logique puisqu’en français on peut avoir (toute) la main verte alors qu’outre-Manche ceux qui sont doués au jardin ont seulement les doigts dans les longueurs d’ondes entre 490 et 560, et ceux d’outre-Atlantique seulement les pouces, comme le cher « Tistou » du pourtant très français Maurice Druon.
Par Stéphanie Delacroix
Quelle que soit notre nationalité et la couleur de nos mains, pouces ou doigts, on conviendra aisément qu’il est important de « se cultiver » mais quid de « cultiver son jardin » ?
Et si on parlait du sens propre qui salit les mains plutôt que du sens figuré ? Non que le sens figuré – s’occuper plutôt des choses « réelles », de cette existence-là qu’une éventuelle autre – ne me plaise pas, mais parce que je me suis récemment mise à faire pousser tomates, piments, basilic et courgettes. Et bien je confirme que cela incite à finir son assiette, à accepter les imperfections et à ne pas jeter de nourriture, tout ça en plus de l’état méditatif que font naître la répétition à l’air libre de gestes simples et le fait de s’occuper de plantes (silencieuses).
Ce ne sont pas nos amis Britanniques petits ou grands qui me contrediront, à l’instar de Rudyard Kipling qui lui aussi confirme que les « Gardens are not made by singing ‘Oh, how beautiful,’ and sitting in the shade ».
On notera sans jalousie aucune que la mode du jardin à l’anglaise de Lancelot “Capability” Brown – si si, c’est son nom et il ne devait pas être mauvais en arrosage Lancelot, – a supplanté celle du jardin à la française de Le Nôtre (et du vôtre aussi) au 18em siècle, et que le ô combien célèbre et célébré jardin japonais a fini par mettre tout le monde d’accord à grand renfort de râteaux, mousses et cailloux. C’est d’ailleurs étrange pour une nation dont un des proverbes use d’une métaphore jardinière – ou du moins florale – pour dire « préférer l’utile à l’agréable » : [はなよりだんご, hana yori dango] littéralement « du Dango plutôt que des fleurs », kezako du dango? C’est à manger (pas à danser ni à décorer), des brochettes de boulettes de pâte de riz gluant sucré que l’on sert avec le thé.
On parle relativement peu du jardin à la chinoise, et c’est bien dommage car il s’agit d’une discipline millénaire au but ambitieux : recréer un monde en miniature dont l’agencement dégage une harmonie propre à la contemplation…on en revient à mes tomates.
Il nous reste à faire un tour de jardin à l’indonésienne, mais ça n’existe pas…ici c’est plutôt jungle, rizière, lieu thématique pour touristes ou rien du tout parce qu’y a des bêtes dedans. J’ai quand même trouvé une jolie citation avec du [kebun] jardin de dedans, celle d’un dessinateur indonésien, Khrisna Pabichara, qui voit son esprit tel un « jardin d’espoir ».
Mon jardinier indonésien préféré reste le « jardinier brun » de Papouasie (Amblyornis inornata) avec ses dons d’imitation (vocale) hors pair et son talent de décorateur extérieur s’aménageant un impressionnant jardin pour faire la cour aux dames-oiselles, et ma jardinière française préférée et bien c’est mam’zelle Raphaëlle de Bretagne.
Voilà, je vous laisse méditer tout ça et si ça vous dit commencez donc un jardin (même sur votre balcon, votre toit !) c’est bon pour le et la moral(e) !