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Invitation au voyage avec l’atelier d’écriture « Mots Passants » de Wuhan Symbole de droiture, d’élévation, de dépassement, d’humilité, QUI SUIS-JE ?

ATTENTION TOP CHRONO

Il est un incontournable du paysage et de la culture chinoise…
Son jus amer soigne de la fièvre et permet d’atteindre l’immortalité
Avec le pin et le prunier il est « l’un des trois amis qui ne craignent pas l’hiver »
Il est le symbole confucéen de la constance et de l’amitié
Il a donné son nom au pétard dont il est l’ancêtre avant l’invention de la poudre…

C’EST…C’EST…? VOUS NE TROUVEZ PAS ?  REFLECHISSEZ BIEN !
ET SI L’ON VOUS DIT… Ombrelles, porte-crayons, chaises à porteurs, aqueducs, roue hydraulique…baguettes, échafaudages…paniers de séchage à thé…

C’EST…C’EST …C’EST… le BAMBOU, bien sûr !

Mais STOP, je crois que je m’égare et confonds notre atelier d’écriture Mots Passants avec une célèbre émission de France Télévision.

Si comme nous, ce végétal vous intrigue, vous émeut, vous surprend, si vous avez tendance à le photographier sous toutes ses formes lors de vos escapades en Chine, alors n’hésitez pas : prenez une feuille de papier ou mieux votre carnet de voyages et laissez-vous guider par les propositions d’écriture qui suivent… Comme les participantes de notre atelier qui, chaque mois, vous offrent quelques-uns de leurs textes, peut-être verrez-vous le bambou comme vous ne l’avez jamais vu !

• Vous êtes-prêts à suivre l’un de nos trois chemins d’écriture
Choisissez un objet dont vous savez qu’il est fait en bambou. Décrivez-le, sans le nommer avec minutie (ses formes, ses couleurs, son odeur. Expliquez avec force détails son histoire, si vous la connaissez, son utilisation, et pourquoi il a retenu votre attention. Faites-le deviner à vos lecteurs.

• Imaginez une petite fable mettant en scène un bambou et un autre végétal, un bambou et un animal, un bambou et un être humain, un bambou et un objet du quotidien. N’hésitez pas à faire parler vos personnages, à leur attribuer des qualités et des défauts, des sentiments. Placez-les dans un décor présenté par quelques traits significatifs.Et n’oubliez pas de prévoir une petite moralité, explicite ou implicite. C’est là tout le charme de la fable.

• Que nous disent de nous nos photos de voyage ? Peut-être avez-vous envie de l’expérimenter ? Retrouvez dans votre ordinateur ou dans un de vos albums, une photo de « bambous » que vous avez prise il y a six mois, un an, deux ans…Décrivez objectivement cette photo : que représente-elle ? quand a-elle été prise ? avec qui ? Puis, essayez de retrouver dans votre mémoire les sentiments, émotions, sensations éprouvés lors de la prise de vue. Enfin, revenez au moment présent. Demandez-vous ce qui vous étonne, ce qui vous touche sur cette photo. Avec le recul du temps, quels sentiments, quelles sensations éprouvez-vous aujourd’hui. Cette photo de bambou oubliée vous indiquera certainement un chemin parcouru !

Et si ces pistes vous paraissent un peu difficiles à emprunter, laissez-vous guider par nos participantes. Peut-être leur imaginaire rejoindra-t-il le vôtre !

Bambou, témoin du boom immobilier

Que ce soit dans les villes ou dans des régions plus reculées, on peut dire que, partout, tu es devenu indispensable à cette frénésie de constructions immobilières et à ces villes nouvelles qui apparaissent au milieu de nulle part.
Tes grandes cannes sont tout en contraste avec ces buildings modernes aux vitres teintées qui s’élèvent vers le ciel. Et toi, tu es comme leur tuteur grâce auquel ils peuvent grandir. Tu les ceintures, les enveloppes comme pour les protéger avant leur naissance.
Solide, indéfectible, flexible, les ouvriers qui s’affairent sur les chantiers peuvent aussi, sans crainte, compter sur toi.
Mais tu as dû certainement être témoin de faits qui ne t’ont pas plu. Depuis tous ces millénaires que tu observes, tu sais ce qu’est une bonne construction. Toi, modèle de constance et d’obstination, je suis certaine que si tu pouvais parler, tu dénoncerais ces constructions Tofu sous lesquelles sont ensevelis des innocents à chaque tremblement de terre.
Pour certains, malgré toi, d’échafaudage, tu deviens échafaud.
Laurence D. M.
Qui suis-je ?
Je suis le bambou, solide et souple.
Je ploie et me redresse.
Je suis plein, plein de vide, de ce vide qui permet de combler, de remplir.
Je suis l’étincelle dans les yeux des jeunes parents découvrant leur enfant.
Je suis ce vol d’oiseaux au dessus des rizières, labeur qui unit des générations de paysans.
Je suis cet instant où naît le soleil derrière les pics, silencieux, imposants.
Je suis ces éclats de rire de la famille réunie par la Fête du Printemps.
Je suis cette mélodie suspendue au pinceau de l’artiste.
Je suis…la plénitude.

Magali S.

Bambou et Prunus

Ils avaient poussé là, à l’angle de la rizière.
Nul ne savait comment leurs graines avaient pu traverser la montagne. Ils étaient les seuls de leur espèce, à l’orée du village. L’un poussait son tronc rêche, noir, plein. L’autre développait sa tige lisse, verte, creuse. L’un étendait sa ramure, l’autre montait vers le ciel. Prunus et Bambou ils étaient.
Les deux végétaux se plaisaient en la compagnie l’un de l’autre. Ils ne voyaient pas les saisons s’égrener au rythme des bouquets printaniers de Prunus, au rythme des bracelets noueux sur la canne de Bambou. Prunus refermait ses boutons, bercé par les notes du vent dans le feuillage de Bambou. Bambou, lui, au tout début de l’été, rêvait en voyant virevolter les pétales de Prunus dans la brise du soir.
Les beaux jours furent précoces cette année-là. La nature était en fête. Prunus n’était que nuage vaporeux de coton rose et blanc. Les petites filles du village accoururent, tressant couronnes et colliers. Les anciens retrouvèrent leurs jambes d’autrefois et vinrent s’asseoir à son pied, se confiant souvenirs et secrets.
Même le Vieux Sage de la montagne, qu’on n’avait pas vu depuis longtemps arriva un matin. Il prépara sa pierre à encre, ses pinceaux et immortalisa Prunus sur un rouleau de papier de riz.
Pour la première fois de sa vie, Bambou sentit son cœur se creuser davantage. Il découvrit un sentiment inconnu, la jalousie.
Lui qui résistait au soleil le plus ardent, à la pluie la plus drue, lui qui jamais ne rompait sous la bourrasque, se sentit abandonné, exclu.
Un soir où ses feuilles graciles pleuraient en silence, Bambou entendit le pas lourd d’un buffle clapotant lourdement dans la boue de la rizière, conduit par un paysan chapeauté. L’homme attacha son animal au tronc de Prunus. Adossé contre l’écorce rugueuse, il sortit de sa besace en peau de chèvre, une petite tige percée de trous qui fit chanter la brise de nuit.
Aussitôt, les feuilles de Bambou séchèrent leurs larmes, relevèrent la tête, se mirent à vibrer comme elles ne l’avaient jamais fait. Prunus, déjà endormi, ouvrit à nouveau ses pétales.
Ce fut un concert que même le Vieux Sage de la montagne entendit au loin. Le village, surpris dans son sommeil, se précipita. Le Vieux Sage aussi.
Bambou sentit son cœur se gorger d’une sève nouvelle. Avec le bouvier et sa flûte, les deux amis offraient à tous un spectacle de couleurs, de musique et de joie, chacun à sa partition mais tous, à l’unisson.
Depuis cette nuit-là, il n’est pas rare d’admirer, sur un même rouleau de papier de riz, un prunier et un bambou devenus, avec le chrysanthème et l’orchidée les végétaux préférés du Lettré.

Marie-Christine H.

Le Bambou de la Modestie

On raconte que sur les rives de la Han, chaque année, à l’aube du septième jour du huitième mois lunaire, est élu le Bambou de la Modestie.
Plusieurs centaines de tribus se disputent ce titre qui donne au vainqueur un billet pour la gloire, en toute humilité : participer à la construction de l’Echafaudage de la Sérénité.
Cette saison, deux chaumes se distinguent : « Silice la Malice » et « Viscose le Virtuose ».
Nul ne sait vraiment qui de ces deux tiges remportera la victoire.
Silice est doté d’un physique de guerrier. Sa canne, fière et élancée, affiche au public des cicatrices, témoins de sa robustesse et de sa suprématie contre tous les temps. Son fourreau est épais, lisse, malicieux. Le vent qui se jette sur sa gaine glisse en ses courbes, en musique, et s’évanouit subrepticement, sans bruit. Mais bien que véritable sculpture ornementale de nœuds cloisonnés, Silice part avec un handicap… Il est creux, sonne le vide.
Viscose, quant à lui, n’ose… Il n’ose pointer le bout de sa tige. La vie souterraine pour lui n’a pas de secret : une authentique galerie d’art où s’exposent, à l’abri des regards, des racines envahissantes, œuvres naturalistes signées Rizhome, qui lui permettront de croître, un jour, en touffes plus ou moins denses, à une autre cadence. Il sait que son turion est comestible et que les tiges de l’en-delà lui confèrent tous les critères de beauté : courtes et épaisses, longues et minces. Mais est-ce des atouts suffisants pour détrôner Silice la Malice ?
A cette question : Point d’interrogation… Laissons à chacun le temps de la réflexion. Méditons sur les dictons suivants, chantonnant aux quatre vents, à échelle humaine, les jalons de la vie, ascension tumultueuse ou descente vertigineuse vers une humilité pas si naturelle :
« Plus grand est le bambou, plus bas il s’incline. »
« Le bambou existe au-dessus et en dessous de son nœud. »
« La société étant divisée par tranches, comme un bambou, la grande affaire d’un homme est de monter dans la classe supérieure à la sienne et tout l’effort de cette classe est de l’empêcher de monter ».
« Pliera bien qui croyait tendre »…
Et… Silence ! Ça pousse !

Sandrine B.

Phyllostachys

Le bambou fort présent en Asie semble à première vue assez prévisible. Une unique tige et quelques feuilles fines en son faîte. Il file. Il est sans surprise. Il ressemble à son voisin qui lui même ressemble à son frère de lignée. Des jumeaux à l’infini. Un jeu de miroirs. Des copies, sans personnalité, sans âme, sans projet autre que celui d’avancer en rangs serrés. Une petite armée végétale.
Depuis quelques temps, cela ne vous aura pas échappé, l’envahisseur assiège nos jardins. Trembles, seringas, lauriers tins, ajoncs, aubépines, chèvrefeuilles, charmes, tremblent. Mine de rien, il semble parti à la conquête de nos haies et de nos cultures. Il colonise.
Personne ne semble en prendre ombrage. Exotique, il a eu son heure de gloire. Grégaire et débridé, il prend des airs de mauvaise herbe.
L’on devrait peut-être s’en inquiéter et s’en protéger.

Catherine D.

Questions au bambou

Tu es là depuis la nuit des temps, vieux et jeune à la fois. Tu leur es vital, nécessaire. Auraient-ils pu vivre sans toi ?
Ils te mangent, te façonnent, te regardent avec tant d’admiration, t’utilisent aussi bien pour la vie que pour la mort. Pas une journée ne passe sans qu’ils ne te touchent au moins une fois.
C’est à se demander ce qu’ils seraient devenus sans toi. Leur évolution en aurait-elle été bouleversée, si tu n’avais pas existé ?
Te sens-tu comblé par cette réalité ? Es-tu fier de leur être si indispensable ?
Il semblerait en effet, car sinon, pousserais-tu si droit et si haut, à nous regarder tout en bas, du haut de ton importance ?
Tu symbolises pourtant l’humilité …
Là, réside tout le paradoxe de l’Asie.
J’en conclus que tu es le digne représentant de la Chine à mes yeux : un extérieur et un intérieur en inadéquation ; un être familier que je suis pourtant bien incapable de cerner, de comprendre.
Quelque chose de beau, d’une apparente simplicité mais en fait bien plus compliqué qu’il n’y paraît, tout un monde à la fois proche et tellement lointain.
Le résumé de mon sentiment.

Karine L.