Environnement

Interview de Christine Loh, Secrétaire d’Etat pour l’environnement de Hong-Kong

La situation de Hong-Kong, son urbanisation ou encore l’absence d’industrie pouvant absorber des matières premières issues du recyclage, ne facilitent pas la mise en place de strategies, mais le sujet est aujourd’hui parmi les priorités du gouvernement, qui souhaitent rapidement légiférer pour accélérer son action.

Alors que la question du recyclage devrait donc arriver dans les prochains mois en débat au LegCo, avec la question de la mise en place du principe de la responsabilité du producteur à travers une fiscalité environnementale, la secrétaire d’Etat chargee de l’ environnement, Christine Loh, a accepté de répondre aux questions de Trait d’Union.

Propos recueillis par Catya Martin et Isabelle Chabrat (traduit de l’anglais)

Trait d’Union : Quelle est votre vision sur le futur de Hong-Kong en termes de politique de gestion des déchets ?

Christine Loh : Le territoire de Hong-Kong est déjà engagé dans la “révolution des déchets”. Depuis 2013, avec nos plans Waste-To-Resources (WTR), et Organic Waste, Hong-Kong s’est lancé dans une approche complète pour traiter de nombreux types de déchets, de la source, au ramassage et au recyclage. Ma vision est d’avoir un système « WTR » efficace et pragmatique qui s’adapte à l’extrême densité de notre ville (voir photo). Notre trajet est forcément différent des villes qui ont une densité moindre et plus d’espace.

Quel est le volume des déchets générés par Hong-Kong chaque jour ?

En 2015, 15.700 tonnes de déchets ménagers et 66.600 tonnes de déchets de construction étaient générés chaque jour. 15 100 tonnes par jour partaient en décharge.

Nos services responsables de la collecte des déchets flottants ou arrivants sur le littoral ont récolté 16 486 tonnes au total en 2016.

Que peut-on recycler à Hong-Kong ?

Les déchets papier et métal sont les plus communément récupérés par les entreprises privées. Il y a différents programmes pour le ramassage et le recyclage du plastique, des bouteilles en verre, des ordinateurs et objets de communication, des déchets électriques et équipements électroniques, des tubes fluorescents et des lampes contenant du mercure, des piles rechargeables, de la nourriture et des vêtements.

Où les résidents doivent-ils déposer leurs déchets ?

Les citoyens peuvent donner leurs recyclables à des sociétés privées ou déposer les plastiques, verres, papier et cartons, piles rechargeables et lampes fluorescentes dans les poubelles de recyclage ou dans les 18 Community Recycling Centers. En addition, les Community Green Centres ont été mis en place dans le secteur Est, à Kwun Tong, Shatin et Yuen Long (et vont progressivement être étendus à d’autres districts) pour soutenir localement la collecte des recyclables. En plus de l’extension de notre réseau de collecte, nous avons lancé une application sur mobile Waste Less, pour aider les utilisateurs à localiser le point de collecte le plus proche, et ainsi encourager les citoyens à recycler. L’application contient des informations sur plus de 7.000 points de collecte.

La restauration est un secteur extrêmement dynamique ici, comment gérez-vous les déchets organiques ?

Le plan 2014/2022 Food Waste and Yard Waste  (NDLR : déchets alimentaires et déchets verts) s’attaque à cela. La réduction à la source est très importante, ainsi que l’amélioration de l’achat et du stockage de la nourriture, afin de minimiser les déchets. Certains hôtels et restaurants l’ont très bien fait. Les surplus peuvent être donnés, et Hong-Kong a un certain nombre d’ONG spécialisées dans cela.

Ensuite, les déchets organiques peuvent être utilisés pour générer de l’énergie. Nous sommes en train de construire la première usine de traitement des déchets alimentaires de Hong-Kong en utilisant la digestion anaérobie pour 200 tonnes par jour (ceci va être achevé cette année et va détourner des décharges chaque année 70.000 tonnes de déchets alimentaires).

Enfin, notre campagne « Food Wise HK » s’est avérée être un succès. Notre icône, Big Waster, est très populaire. Notre projet « Food Wise eateries » a été lancé en 2015 pour encourager les professionnels de la restauration à proposer des menus avec portions. En février 2017, plus de 830 restaurants s’étaient engagés.

Nous avons aussi apporté plus de soutien aux ONG, pour collecter le surplus auprès des supermarchés, des marchés, restaurants, clubs et hôtels.

Pour 2015, nos statistiques montrent que le traitement des déchets alimentaires en décharge a baissé de 7.1 % d’une année sur l’autre.

La baisse de ces déchets est plus forte chez les ménages que dans le secteur commercial et industriel. Ce qui signifie que les ménages répondent positivement à la révolution de la réduction des déchets alimentaires !

Plus de 800 personnes ont nettoyé les plages du territoire le 25 mars, lors d’un évènement organisé par la communauté française, presque 8 tonnes de déchets ont été ramassées en quelques heures. Comment réagissez-vous à ce type d’action civique ?

C’est excellent que la communauté de Hong-Kong soit pleine d’énergie pour nettoyer les plages et le littoral. L’action civique est le meilleur moyen pour faire changer les comportements sur une grande échelle.

Comment abordez-vous la pollution marine ?

Des flux qui arrivent de la Chine continentale ?

Nous avons un groupe de travail inter-départements sur le «littoral propre » pour résoudre le problème des déchets maritimes. Nous avons une approche en trois volets : réduire à la source, réduire la part qui entre dans l’environnement maritime et retirer les déchets de la mer.

En plus de l’intensification des patrouilles et des fréquences de nettoyage, l’Environmental Protection Department (EPD) accélère la prise de conscience pour garder le littoral propre. En dehors de l’événement de la communauté française, entre Avril 2015 et Mars 2017, 16 activités de nettoyage ont été organisées avec plus de 500 participants. 60 % des sites prioritaires ont montré une amélioration.

Enfin, nous travaillons avec Canton afin d’améliorer les échanges sur les sujets liés à l’environnement maritime régional. Cela inclut la mise en place d’un système d’alerte sur les ordures maritimes et la lutte contre les décharges illégales.

Comment gérez-vous les décharges illégales en général, et celles des chantiers de construction en particulier ?

L’EPD et d’autres départements du gouvernement travaillent ensemble de près pour surveiller la situation des décharges illégales, au travers de l’échange de renseignements. Un projet d’essai a été lancé en aout 2015. Basé sur cette expérience, l’EPD va installer des caméras de surveillance à des « points noirs » sélectionnés pour dissuader le dumping illégal. Nous préparons également le cadre légal nécessaire pour demander l’utilisation de GPS sur les

véhicules de ramassage des déchets de construction.

Avez-vous des projets pour diminuer la consommation des plastiques à usage unique et du polystyrène ?

Les emballages plastiques sont notre prochaine cible pour introduire un projet de responsabilité des producteurs. Nous allons mener une étude de faisabilité notamment pour les contenants en plastique, principalement pour les boissons et les soins personnels.

Nous sensibilisons la communauté, au travers de campagnes d’informations et de programmes éducatifs, comme le Green Lunch dans les écoles. L’industrie de la restauration est également encouragée à réduire l’usage des boites en polystyrène pour les services de plats à emporter. D’après notre étude, la quantité totale de polystyrène utilisée pour les repas et envoyée à la décharge a diminué : de 97 tonnes par jour en 2006 à 48 tonnes en 2015, soit une baisse de plus de 50 %.

Beaucoup de fournisseurs de la restauration sont passés à l’utilisation de contenants réutilisables. Avec la mise en place d’autres politiques de réduction des déchets, et d’initiatives comme la taxation future du Municipal Solid Waste (déchets ménagers), cela va inciter le public à réduire encore plus les objets à usage unique.

Hong-Kong était considéré comme l’un des centres financiers les plus pollués au monde. Etes-vous optimiste quant au problème de la pollution de l’air ?

Oui, nous avons amélioré la qualité de l’air sensiblement durant les cinq dernières années. Mais, nous pouvons faire plus. La chose la plus importante est que nous devons faire plus localement, et que l’air au niveau régional doit s’améliorer. Nous allons continuer à mettre en place de nouvelles mesures pour contrôler les émissions au niveau local, et travailler avec nos homologues à Canton. Heureusement, Canton fait beaucoup pour améliorer la qualité de l’air de la région entière du Delta des Perles.

Pour les résidents de Hong-Kong, vous étiez un des leaders de la « révolution Verte » dans laquelle le territoire s’est engagé. Etes-vous toujours confiante ? Est-ce plus facile maintenant que lorsque vous avez commencé cette bataille ?

Oui, je suis confiante. Simplement parce que nous pouvons faire beaucoup plus ! Le gouvernement agit déjà fortement et je suis sûre qu’avec notre nouvelle Chief Executif, Carrie Lam, nous verrons encore plus d’action !

Quel futur voyez-vous pour l’environnement ?

J’aimerais voir un plan triparti. Le gouvernement a proposé un large projet. J’aimerais que les acteurs majeurs des affaires suivent le cadre des 4T, c’est à dire Target, Timeline, Transparency, et Together, pour articuler leurs objectifs par rapport au calendrier.

Et ensuite, j’aimerais que les résidents utilisent le même cadre pour s’engager vers un style de vie faible en carbone.