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De Gaulle, comme Rémi…

Toute sa vie il s’est fait une certaine idée du nom qu’il portait et de sa singularité… Petit neveu du général de Gaulle, Rémi de Gaulle retrace cette vie dans son premier ouvrage « De Gaulle comme de Gaulle ? ».

Un livre passionnant et émouvant, écrit « sans prétention ni voyeurisme avec la simplicité et la fantaisie qui font de moi ce que je suis : un de Gaulle parmi d’autres ». A l’issue de la dédicace organisée à la librairie Parenthèses le 26 octobre dernier, Rémi de Gaulle s’est confié à Trait d’Union.

Propos recueillis par Philippe Dova

Trait d’Union :

« De Gaulle comme de Gaulle ? », pourquoi ce livre ?

Rémi de Gaulle : C’est un livre que j’ai porté en moi durant de longues années, mon père m’avait encouragé à l’écrire il y a déjà une dizaine d’années. La rencontre avec un éditeur intéressé par le récit de la vision de quelqu’un portant un nom connu en a été l’élément déclencheur. Comme j’avais pas mal de choses à raconter, je les ai racontées !

Vous écrivez en préambule « toute ma vie je me suis fait une certaine idée du nom que je portais », qu’elle est cette « certaine idée » ?

Cela n’a rien à voir évidemment avec le premier chapitre des Mémoires de guerre.

L’idée c’est ce que cela impose comme devoirs, surtout pour quelqu’un de ma génération. Certes je suis né avec le nom de l’Appel du 18 juin mais je ne suis pas né avec un président de la République. Il est arrivé ensuite et le choc, ça a été cela.

Je pouvais m’inscrire avec quelques lignes dans l’histoire et je me suis inscrit dans l’histoire par la suite. L’histoire s’est inscrite sur mon dos d’une certaine manière et il a fallu apprendre à vivre avec ce que cela impose.

C’est-à-dire ?

Des questions incessantes, des devoirs, des choses qu’il est interdit de faire ; le précepte de vie que mes parents m’ont inculqué depuis mon enfance c’est-à-dire « un de Gaulle ne fait pas n’importe quoi… Tout cela se transmet de générations en générations et marque une vie tout simplement…

C’est contraignant ?

Ca l’a été, surtout lorsque j’étais enfant parce que j’étais en plein dans la période de pouvoir du Général avec un anti-gaullisme forcené qui n’est plus se mise aujourd’hui.

Cela pouvait aussi être dangereux : au moment de la présidentielle de 1965 j’ai été un peu brutalisé dans la cour de récréation, au moment de la guerre d’Algérie ce n’était pas simple non plus…

Mes parents ne faisaient pas de politique mais mon père n’a jamais mis son nom sur la boîte aux lettres, uniquement ses initiales…

Avez-vous des souvenirs de famille avec le général de Gaulle avant qu’il ne devienne président de la République et après ?

Avant qu’il ne devienne président je ne l’avais rencontré qu’une seule fois : nous étions allés en famille à Colombey-les-Deux-Églises pour chercher des œufs de Pâques dans le jardin. Je devais avoir cinq ou six ans. J’ai le souvenir d’un vieux monsieur un peu distant vis-à-vis des enfants qui marchait les mains dans les poches.

Ensuite lorsqu’il a été président de la République, nous avons été invités en famille pendant plusieurs années une fois par an à déjeuner à l’Elysée.

Là les souvenirs sont totalement différents car, malgré ses soixante-huit ans, l’arrivée au pouvoir du Général lui avait redonné la jeunesse qu’il croyait avoir perdue. Ce retour au pouvoir lui avait donné un vrai coup de fouet parce qu’il était un peu désabusé auparavant comme il l’a exprimé dans le dernier chapitre de ses Mémoires de guerre.

Il était très attaché à sa famille et d’une certaine manière il avait un attachement particulier à l’égard de la fratrie de mon père : mon grand-père, qui était son frère le plus proche, était décédé en 1946 à 53 ans après vingt ans de maladie. Tante Yvonne et lui se sont beaucoup occupés de leurs neveux et ont beaucoup soutenu ma grand–mère et cela avec beaucoup de discrétion et de bienveillance.

Comment l’appeliez-vous ? Mon oncle, tonton ?

Nous l’appelions oncle Charles. Il était charmant et je n’ai que de très bons souvenirs des moments passés avec lui. Même président de la République, il était très attentif à l’égard des enfants que nous étions, c’était très agréable.

La politique ne vous a jamais tentée ?

Je me suis engagé dans ma ville d’Aix-en-Provence sur une liste lors d’élections municipales. Nous avons gagné l’élection et je me suis retiré ensuite du conseil municipal. J’explique dans le livre les leçons politiques que j’ai tirées de tout cela : je n’ai pas d’amertume, je suis très content de l’avoir fait mais j’ai découvert un monde nauséabond, tout à fait déplaisant avec des personnes qui n’ont pas vraiment de convictions et qui sont là pour prendre des places. Cela ne m’intéresse pas beaucoup… C’est très loin des idéaux que je peux avoir avec le nom que je porte…

Aujourd’hui les membres de la famille de Gaulle se réunissent-ils et quelles ont été leurs réactions à la lecture de votre livre ?

Nous nous réunissons entre cousins, la dernière fois c’était au mois de mars au moment de la sortie du livre, à l’initiative de ma cousine Anne de Boissieu, la petite fille du Général. Elle m’a écrit un petit mot délicieux qui m’a beaucoup touché.

Je sais que dans la famille plusieurs de mes cousins ont apprécié, l’un d’entre eux m’a écrit « mon cher Rémi nous sommes bien cousins ! » L’un des frères de mon père m’a téléphoné pour me remercier d’avoir écrit ce que j’avais écrit sur ma grand-mère, cela aussi m’a beaucoup ému.

Êtes-vous devenu un peu le porte-parole de cette famille ?

Je n’ai pas cette prétention mais ce que j’ai écrit, chacun dans la famille l’a ressenti à sa manière. Nous avons vécu un peu la même chose, en tout cas notre génération. Ce qui m’a le plus touché c’est que ce livre soit bien perçu dans la famille par des générations différentes.

Les nouvelles générations de la famille de Gaulle vivent-elles aujourd’hui les mêmes choses que vous ?

Elles sont plus tranquilles dans la mesure où le Général est entré dans l’histoire, il n’y a plus les tensions qu’il y a pu avoir au moment de mon enfance ou de ma jeunesse. Ils portent le nom, un nom qui bien entendu ne laisse personne indifférent.

L’un de mes fils vit à Hong-Kong et mes petits-enfants sont franco-chinois. C’est assez amusant de voir comment mon petit-fils, malgré son jeune âge a pris conscience de ses racines. Il est très fier de dire que son arrière-grand-père a fait la guerre et que son arrière-arrière-grand-oncle était président de la République française !

Y-a-t-il des choses que vous vous êtes refusées d’écrire ?

Je n’ai pas mis les noms des gens que j’estimais ne pas le mériter. J’ai écrit les noms des personnes que je voulais valoriser mais pas ceux de celles que je voulais dévaloriser…

« De GAULLE COMME DE GAULLE ? »

par Rémi de Gaulle, aux éditions PLON