Comment manger sainement et équilibré sans se priver ou se sentir puni ?
Comment se sentir bien dans son corps, ne plus enchaîner les régimes sans résultat à long terme, mieux vivre sa grossesse ou encore gérer le cap de l’adolescence sont des sujets liés à la nutrition qui souvent ne trouvent pas forcément la bonne réponse. Françoise Detanger, nutritionniste à Hong Kong, répond à nos questions.
Propos recueillis par Catya Martin
Trait d’union : Quel est votre parcours ?
Françoise Detanger : Le premier point que j’aimerais mentionner est que je suis originaire d’une famille où le plaisir de manger et de bien manger est véritablement un art de vivre. C’est aussi ma vie en expatriation qui a contribué à ma vision de la nutrition : en vivant, travaillant et éduquant nos trois enfants depuis 25 ans en Asie-Pacifique, j’ai embrassé le mélange des cultures, des styles de cuisine, tout en étant confrontée au défi de savoir comment nourrir au mieux ma famille dans un contexte de vie bien remplie, comme c’est le cas de beaucoup de parents.
De formation scientifique, j’ai toujours été intéressée par la chimie, la biochimie, l’anatomie et donc j’ai profité du temps passé en Australie pour revenir à mes premières amours, les sciences, et étudier la nutrition pendant deux ans à l’Université Torrens à Sydney, deux ans de chimie organique et biochimie qui sont véritablement les bases de la nutrition.
Et ensuite ?
Après l’Australie, nous avons rejoint à Hong Kong où je vis depuis 15 ans. J’ai travaillé dans diverses industries, puis dans le contexte difficile de la pandémie, j’ai fait le choix de redonner à la société. J’ai commencé en faisant du bénévolat avec l’ONG « Feeding Hong Kong », qui fournit de la nourriture aux personnes dans le besoin et au même moment, je me suis engagée dans une double certification en sciences de la nutrition pour compléter ma formation australienne.
D’une part un cursus à l’Académie Européenne de Nutrition qui portait principalement sur la physiologie et l’anatomie, ainsi que des éléments qui peuvent impacter notre alimentation tels que la gestion du stress, les troubles du sommeil, etc…
Et d’autre part un cursus à Stanford University qui m’a permis de tirer le meilleur parti des recherches internationales me donnant un accès permanent aux bases de données d’études cliniques publiées à travers le monde. Pour moi, c’est un point vraiment crucial dans un domaine qui évolue aussi vite que la nutrition.
J’ai donc été formée avec trois visions différentes, australienne, américaine et française.
Que vous apporte ces trois visions ?
Elles me permettent de développer mes compétences scientifiques mais aussi de confronter différentes opinions internationales, un point clé car la nutrition est une science en constante évolution.
Grâce à cette vision élargie, j’accompagne des personnes aussi bien à Hong Kong qu’en France, mais aussi, à Tokyo, Singapour, Bangkok, Dubaï, et cetera.
Que dire d’autre, j’appartiens au plus grand réseau de nutritionnistes en Europe.
Pourquoi cette décision de devenir nutritionniste ?
Issue de la génération X (Gen X) je suis attachée à la valeur travail, et l’expatriation a eu un impact majeur dans ma vie : je me suis tournée vers le travail passion, vers la quête de sens et d’engagement avec la volonté d’exercer un métier utile, quitte à ce qu’il soit déconnecté de ma formation initiale de Bachelor d’Economie et Ecole de commerce à Paris.
L’important pour moi c’est de contribuer au bien-être de la personne qui vient me voir, de développer une relation privilégiée. La dimension humaine est fondamentale dans mon approche.
Le niveau de satisfaction est extrêmement élevé dans mon métier de nutritionniste quand la personne me remercie avec des mots très forts pour, je cite, « avoir changé sa vie » ou « parce qu’elle se sent super bien », « qu’elle a appris beaucoup », ou qu’elle me remercie « pour mon accompagnement personnalisé, bienveillant et tellement efficace ».
En résumé votre approche est basée sur l’écoute et le bien-être
Tout à fait si je dois compléter ce que ce que vous dites, mon approche de la nutrition est également centrée sur le plaisir de bien manger. Sachez que j’adore cuisiner (sourires).
Mon métier, c’est le rééquilibrage alimentaire, c’est à dire de proposer un changement nutritionnel le plus doux possible, avec le moins de contraintes possibles.
J’adopte une approche totalement individualisée en respectant les choix de chacun, qu’on soit omnivore, végan, végétarien ou autre. Et à partir de là, je vous guide pas à pas vers des choix alimentaires sains, durables, en associant la notion primordiale du plaisir de bien manger. Mon approche est également très pédagogique. C’est un peu la particularité que j’apporte : je n’hésite pas à parler de chimie organique ou de biochimie pendant mes sessions et ça se passe très bien. L’idée c’est de vous donner les outils pour que vous puissiez continuer à faire des choix, notamment après la fin des sessions ensemble.
Par exemple quand on parle de lipides, acide gras saturés, polyinsaturés, triglycérides, oméga-3 vous aurez les clés et ça n’aura plus de secret pour vous.
Axé sur la bienveillance et la compétence, mon objectif est simple, vous permettre de devenir expert de votre propre corps tout en mettant l’accent sur votre bien être.
Comment bien définir son équilibre alimentaire ?
Très bonne question. Qu’est-ce que l’équilibre alimentaire ? De quoi parle-t-on ?
En fait il ne s’agit pas de calculer les calories avalées dans la journée, ni de compter son nombre de pas. Manger équilibré ne signifie pas de faire un régime ou de se priver de frites ou de chocolat…
Il est souhaitable de manger de tout. Il n’existe ni aliment miracle, ni aliments interdits. Il faut diversifier son alimentation afin d’avoir tous les nutriments nécessaires au fonctionnement de l’organisme.
Une bonne alimentation va reposer sur quatre notions simples : équi- libre, variété, modération et plaisir. Et je rajouterai bouger et s’hydrater.
Je pourrais même citer Hippocrate qui, il y a 2500 ans nous disait : « Si nous pouvions donner à chaque individu la bonne quantité de nourriture et d’exercice, pas trop peu et pas trop, nous aurions trouvé le moyen le plus sûr pour aller vers la bonne santé »
Lorsque vous parlez de bonne santé vous intégrer également la santé mentale ?
Oui, c’est important. Les dernières recherches associent les maladies neurodégénératives telles que Alzheimer, Parkinson ou même la dépression à un microbiote déséquilibré. Le microbiote, c’est ce qu’on ap- pelait auparavant flore intestinale. En fait, le microbiote devient une stratégie thérapeutique. Pour soigner le cerveau, on soigne d’abord l’intestin.
D’ailleurs, pendant le développement de l’embryon, des cellules ner- veuses se séparent du cerveau principal pour migrer dans le ventre et former, au niveau des intestins, un second système nerveux. Ce sont les mêmes neurones, donc lorsque l’on dit que notre intestin est notre deuxième cerveau, c’est réel.
C’est une logique de médecine fonctionnelle
Complètement.
Qu’en est-il de la notion de privation ?
Avoir une alimentation équilibrée, doit rester synonyme de plaisir de la table. Il n’est pas question de se priver, au contraire, bien manger, c’est associer plaisir et santé. La notion de plaisir est primordiale. Je vais vous donner un chiffre, toutes les études internationales le mon- trent, après cinq ans, 95% des personnes qui ont effectué un régime ont repris tout le poids perdu, voire plus et pas par manque de volonté.
Comment l’expliquez-vous ?
C’est simplement parce que notre hypothalamus (NDLR : Partie du cerveau, située sous le thalamus, qui joue un rôle capital dans la régulation des fonctions vitales) est programmé pour défendre un poids qui est enregistré par le cerveau. Il ne fait pas la différence entre un régime volontaire et la malnutrition; l’hypothalamus est un organe neuroglandulaire du cerveau qui contrôle le sentiment de faim, de satiété, qui gère le comportement alimentaire, entre autres fonctions.
Ensuite, il faut savoir que nous sommes faits pour stocker, c’est dans notre ADN. Donc, quand on soumet notre organisme à une restriction, qu’elle soit calorique ou privation il va passer à l’offensive.
Lesquels ?
Je vais vous donner trois exemples. Il va dépenser moins de calories pour la même tâche.
Il va provoquer l’effondrement de la leptine, c’est l’hormone de la sa- tiété, donc il va faire en sorte qu’on n’ait pas ce sentiment de satiété. Il va déconnecter les capteurs de l’estomac, ceux qui indiquent que l’on a trop mangé.
Le cerveau a des moyens de défense qui sont nombreux et contre les- quels on ne peut rien, donc pas de culpabilité pour les échecs des régimes, c’est physiologique. Alors, surtout pas de régime car que c’est voué à l’échec dans 95% des cas.
Une autre réponse à cette question, elle est liée au stress, parce que quand on est en situation de privation, on génère de la frustration, on génère du stress. Or le cortisol, l’hormone du stress, fait grossir. Beaucoup pensent que pour maigrir il faut moins manger, en fait il faut mieux manger.
Quels sont les personnes qui viennent vous voir et que vous demandent-elles ?
J’accompagne des personnes aux profils très différents.
On vient me voir pour perdre du poids ou en gagner, pour des troubles digestifs tels que ballonnement, reflux, nausée, etc. mais aussi pour des intolérances ou des allergies alimentaires. J’accompagne également des femmes enceintes qui cherchent un meilleur régime alimentaire, des personnes qui souhaitent tout simplement retrouver un bon niveau d’énergie ou bien pour gérer la ménopause. Des sportifs de haut niveau viennent me voir pour améliorer leurs performances ou encore des personnes âgées en état de dénutrition.
J’assure le suivi également des adolescents en surpoids ou en dénutrition ou qui souhaitent recevoir des conseils pour leur vie adulte future; également des personnes atteintes de pathologies telles que diabète, cholestérol qui sont directement liés à la nutrition, mais aussi cancer, maladie cardiovasculaire chronique, thyroïde, ostéoporose, maladie de Crohn, etc….
J’ai vu aussi venir me voir des personnes qui souhaitent simplement de l’information, par exemple, comment déchiffrer les étiquettes alimentaires ?
Donc des profils très différents et c’est ce qui fait aussi l’intérêt de mon métier.
Comment se passe une session avec vous ?
Je suis très pragmatique, donc, avant de vous proposer des solutions, je mets en place une évaluation complète et on se met d’accord ensem- ble sur un suivi rapproché pour mettre en œuvre vos objectifs.
Le premier rendez-vous est consacré à ce qu’on appelle une anamnèse nutritionnelle, c’est à dire une évaluation complète des habitudes ali- mentaires, des préférences mais également du mode de vie, de son rapport à l’alimentation, du contexte professionnel et personnel, de l’historique de santé.
Sur la base de ce premier rendez-vous, on se revoit tous les 10, 15 jours pour évaluer la progression en commençant par un petit bilan des jours passés avec un suivi du poids, bien sûr, l’indice de masse corporelle, mais aussi ce qui a fonctionné ou pas. Je fais également un point sur l’évolution des habitudes alimentaires, la perception des sensations alimentaires.
Je vérifie s’il y a eu de la fatigue ou pas ou encore des contraintes, et en fonction des réponses apportées, on adapte.
Après chaque consultation, je rédige un plan d’action avec des actions concrètes à appliquer au quotidien ; ça peut même aller jusqu’à des menus ou même des recettes. Je donne en fait une sorte de « roadmap ».
Vous faites véritablement un accompagnement à la carte.
Oui. Ce « roadmap » est un document qui est unique à chaque personne. Il s’enrichit au fur et à mesure de nos échanges, de façon que le dernier document reprenne l’intégralité de nos échanges. Je reste également dis- ponible pour toutes questions complémentaires entre deux rendez-vous par whatsapp ou email.
Mon objectif est double, d’une part que vous vous sentiez soutenu tout au long de votre parcours avec moi et que vous ayez acquis les outils nécessaires pour savoir faire des choix par vous-même.
Combien de temps durent vos sessions ?
Le premier rendez-vous qui est une évaluation complète est le plus long et peut aller jusqu’à 2 heures. Ensuite c’est une heure, même si je déborde toujours un peu (sourires).
Comment travaillez-vous avec des personnes ayant des pathologies lourdes ?
Au cours des premiers rendez-vous je recommande fortement de commencer par un bilan sanguin.
Il y a certains paramètres qui m’intéressent particulièrement, comme ceux liés au cholestérol, à la glycémie, ou encore CRP (NDLR : protéine C-réactive) pour les inflammations. Il est bien sur évident que, suivant la pathologie je réoriente vers un médecin ou travaille de concert avec lui.
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Pour en savoir plus sur Françoise Detanger :
Site Internet : https://foodnutritionfd.com/
Courriel : francoise@foodnutritionfd.com