Un nouveau pape est appelé…
Par Stephanie Delacroix
On n’attrape pas des mouches avec du vinaigre. On les attrape plutôt avec un tissage en fibroïnes, des protéines filamenteuses, composées de copolymères à blocs hydrophiles et hydrophobes, constituées à 25-30 % d’alanine et à 40 % de glycine.
Demandez à Itsy Bitsy et sa cousine Gipsy. Vous voyez de quoi, ou plutôt de qui, je parle ? Elles tiennent leur nom de la rivale d’Athéna, Arachné, qui se targuait d’être meilleure tisseuse que la déesse de la guerre ? Il en existe un peu moins de 50 000 espèces, une seule végétarienne la Bagheera kiplingi (chapeau bas la référence) et une seule aquatique l’Argyroneta aquatica. Si vous n’êtes pas concentré.es vous vous demandez peut-être quelle mouche m’a piquée ou si j’en ai une au plafond. Attention qui s’y frotte ne s’y pique pas forcément parce que seules 200 espèces connues (200 /50 000 ça ne fait pas lourd, 0.4 %) infligent des morsures (pas des piqures) susceptibles d’affecter la santé des Homo sapiens.
J’entends déjà 99 % d’entre vous dire Beurk, Argh, Hiiii, Au secours, Sauve qui peut !
J’étais comme vous. J’étais comme vous AVANT. Avant d’atterrir – je ne sais plus par le truchement de quelles déambulations digitales – sur un compte Instagram « savespiders » aujourd’hui inactif. Le principe était simple le monsieur faisait des photos en gros plan des petites bêtes et avait pour mot d’ordre « on ne vous demande pas de les aimer, juste de ne pas les tuer ». Il prenait de très jolies photos « macro » d’une (toute) petite Salticidae araignée sauteuse (salticide ou saltique) – qu’il avait prénommée Phyllis – ayant élu domicile chez lui.
Chez moi aussi il y avait des salticidae – normal puisque c’est la plus grande famille d’araignées, contenant plus de 500 genres et 5 000 espèces décrites, soit environ 13 % des Araneae – étrangement je ne les avais jamais prises en photo, passant à côté de leurs couleurs chatoyantes et de leurs beaux yeux (8 ! comme les pattes) pourvus de cils (comme moi et tous les mammifères).
Grâce à Phyllis j’ai vu les araignées sauteuses d’abord, puis toutes les araignées, avec un œil neuf (même si j’en ai 2 et elles 8) et les laisse tranquilles (après leur avoir tiré le portrait) que ce soit le matin ou le soir, qu’elles présagent ou non du chagrin le matin ou de l’espoir le soir.
En japonais c’est l’inverse d’ailleurs, ce sont celles du matin qui d’après le proverbe sont réputées porter bonheur :
朝の蜘蛛は福がくる、夜の蜘蛛は盗人が来る (Asa no kumo wa fuku ga kuru, yoru no kumo wa nusutto ga kuru): la fortune vient à l’araignée le matin, le voleur vient à l’araignée la nuit. C’est 蜘蛛 araignée en japonais…facile à repérer non avec toutes les pattes ?
En anglais les « spider » tiennent leur nom de leur activité : to spin (tisser), spin / spinner / spider…
En Indonésie mes (désormais) arthro (articulations) podes (pieds) préférés qui ne sont pas davantage des insectes que les baleines ou les dauphins sont des poissons, se nomment laba-laba…ou ça là-bas ? Bah en Indonésie je viens de le dire.
Si l’arachnophilie vous parait étrange, pensez donc à la phrase devenue maxime de Charles Addams (précurseur de l’humour noir et créateur de la famille Addams) « Normal is an illusion. What is normal for the spider is chaos for the fly. » (La normalité est une illusion, ce qui est normal pour une araignée est le chaos pour une mouche), ou à l’instar de Victor Hugo proclamons bien haut :
J’aime l’araignée
J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,
Parce qu’on les hait ;
Et que rien n’exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;
…
Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !
Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublie
De les écraser,
Pour peu qu’on leur jette un œil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !
