Evasion

SÉVILLE : Riche héritière d’un prestigieux passé

Fière capitale andalouse, Séville s’étale langoureusement sur les berges du Guadalquivir. Ombre et lumière se côtoient, mêlant les parfums d’Orient aux rythmes endiablés du flamenco, sous l’ardente lumière d’un soleil déjà africain.. 

Par Christian Sorand

 

Cité ensorceleuse d’un sud arabo-ibérique, Séville se découvre subrepticement au travers d’un dédale de ruelles, débouchant tout à coup sûr un espace monumental. Envoûtante par sa beauté médiévale, la ville subjugue par son aspect tantôt mauresque, tantôt baroque. On déambule ainsi de squares en placettes pour déboucher soudain sur une grande place ou encore se retrouver dans un jardin aux essences tropicales, sous les piaillements d’une multitude d’oiseaux exotiques. Surprenante par sa richesse et sa diversité, Séville invite à la nonchalance.

Comme pour un grand nombre de grandes cités, le fleuve qui la traverse lui a procuré liens et richesses venus d’un ailleurs qui a forgé sa grandeur et son prestige. Bien que situé à 70km de l’océan, le Guadalquivir est navigable jusqu’à Séville. Lieu stratégique du sud ibérique, la cité est alors liée non seulement à l’Atlantique au niveau de Cadix, mais aussi à la Méditerranée, par la proximité du détroit.

Cette exceptionnelle position est à l’origine de sa notoriété. Séville accueille l’influence artistique sublime des Maures, au Moyen Âge. Puis, à la Renaissance, les grands navigateurs lui apporteront les richesses africaines et orientales, précédant celles du Nouveau Monde.

 

Un legs historique riche et multiple

La fondation du site serait l’œuvre des Tartéssiens, venus de la ville voisine de Huelva, à la frontière du Portugal. La civilisation de Tartessos est peut-être apparentée aux Berbères.

L’histoire de la ville commence véritablement avec les Phéniciens, premiers grands navigateurs et explorateurs de l’Antiquité. Ce sont eux qui fondent Cadix (Gadès) au 11e siècle av. J.-C. Le temple de Melqart – équivalent d’Héraclès – vient d’être découvert par une équipe d’archéologues espagnols. Les bateaux phéniciens remontent le Guadalquivir jusqu’à Séville. Partis à la recherche de l’étain, ils en trouvent des traces dans les eaux de la région. Viendront ensuite les Grecs et surtout les Romains en 205 av. J.-C. après la IIe guerre punique. Deux grands empereurs y naissent : Trajan (53-117 ap. J.-C.) et Hadrien (76-138 ap. J.-C.). Rappelons aussi que Sénèque est né, en l’an 4 av. J.-C., dans la ville voisine de Cordoue. Le prestige de la ville s’affirme, dû en partie à sa position stratégique sur le Gualalquivir. Au Ve siècle les Vandales puis les Wisigoths s’emparent de la ville.

En 711, les troupes musulmanes envahissent le sud de la péninsule ibérique, marquant ainsi le début d’une période faste connue sous le nom d’al-Andalus. La construction de l’Alcazar (“palais fortifié”), en 712, date de cette période. Après les Almoravides fixés à Cordoue, les Almohades s’établissent à Séville en 1147. Le minaret de la mosquée, la Giralda, est édifié entre 1184 et 1198. Au XIIIe siècle ils construisent la tour de l’Or (Torre del Oro) pour surveiller l’accès du Guadalquivir.

Mais Ferdinand III de Castille entreprend la “Reconquista” (1248) pour faire de Séville une ville chrétienne. La cathédrale N-D du Siège, de style gothique, est construite entre le XVe et le XVIe siècle. C’est aussi durant cette période que les Juifs et les Musulmans sont chassés d’Espagne. Or, en 1492, la “découverte” de l’Amérique par Christophe Colomb (1451-1506) parti du port de Palos de la Frontera (Huelva), suscite une nouvelle ère de richesse pour la ville. À cette époque le Florentin, Amerigo Vespucci (1451-1512) s’installe à Séville à partir de laquelle il entreprend une expédition en Amérique du Sud (1499-1500). En mars 1518, Charles Ier (le futur Charles Quint) demande au Portugais Fernand de Magellan (1480-1521) d’effectuer un périple autour du monde, toujours au départ de Séville. Vers 1503, la période des grandes découvertes fait de Séville l’une des plus grandes villes du monde. 

Le siècle d’or s’étale du règne de Charles Quint à celui de Philippe IV. L’université est fondée en 1504. Les richesses du Nouveau monde favorisent le commerce : le tabac d’Amérique, la fabrication de la porcelaine, l’industrie textile (laine, soie).

Au XVIIIe siècle, le déclin s’amorce au profit de Cadix jusqu’à l’arrivée des troupes napoléoniennes en 1810.

Séville aujourd’hui

Évidemment, le poids et la diversité de ce riche héritage transparaissent dans la ville moderne. Le charme andalou suranné du quartier de Santa-Cruz, dans la vieille ville, contraste avec la grandeur des monuments, des espaces verts et de vastes places.

L’un de ces trésors architecturaux demeure la place d’Espagne dans le parc Maria-Luisa. Il date de l’exposition ibéro-américaine de 1939. Le palais en demi-cercle, tourné vers le Guadalquivir, semble ouvrir les bras aux anciennes colonies américaines. La grande place a un diamètre de 200m, fermée par deux tours à chaque angle. Des canaux forment un arc de cercle et une grande fontaine se trouve au centre. Au pied du palais, des bancs surmontés de mosaïques, représentent les 47 provinces espagnoles de l’époque.

Au centre-ville, la Plaza Nueva (1856) s’étale devant l’hôtel de ville, à proximité du fleuve. Les rives du Guadalquivir ont été aménagées dans un esprit rappelant les berges de la Seine. C’est ici que l’on peut voir la Torre del Oro (la tour de l’Or), et un peu plus loin, la célèbre Plaza de Toros. Plus que tout autre endroit, l’Andalousie est une terre de taureaux et de corridas. Les arènes de Séville (XVIIIe) peuvent contenir 12,000 spectateurs. L’entrée de l’édifice, côté fleuve (Paseo de Cristobal Colon) est de style baroque andalou. 

Sur la rive opposée, le quartier de Triana est devenu un endroit couru pour ses cafés et ses restaurants. Son atmosphère diffère de celle de la vieille ville. C’est un lieu connu aussi pour la fabrication des faïences andalouses et ses écoles de flamenco.

Malgré tout, le cœur battant de Séville tourne autour de la célèbre Giralda, haute de 98m. On accède au beffroi par une rampe inclinée. La vue sur le quartier de Santa-Cruz et l’agglomération sévillane (700,000 Habitants) vaut bien alors l’effort ! Au pied, la cathédrale présente un intérieur original, mais totalement sublime. On notera en particulier le cénotaphe dédié à Christophe Colomb. Situé à deux pas du sanctuaire, l’autre monument à ne pas manquer est l’Alcazar, un palais fortifié, merveille de l’art mauresque, comparable à l’Alhambra de Grenade. Si la cour des Demoiselles en est un lieu emblématique, on ne peut cesser d’admirer le travail apporté aux murs et aux plafonds, joyaux de cet art arabe de la fin du Moyen Âge. Les jardins n’en sont pas moins idylliques et enchanteurs. Les palmiers servent souvent de nids à une colonie criarde de perroquets !

La richesse de la ville est reconnue par l’Unesco depuis 1987 et Séville a choisie pour l’exposition universelle de 1992. Ville d’art, elle a vu séjourner un grand nombre d’artistes et d’écrivains.

 

Le rayonnement des arts

Séville a été la patrie d’intellectuels et d’artistes de tous genres. Pendant la période musulmane d’al-Andalus, on trouve tout d’abord Abu Bakr ibn al-Arabi (468-543), célèbre juge malikite ; puis Ibn Zuhr Avenzoar (1074-1162), médecin, disciple d’Averroès. 

La poésie espagnole lui est contribuable de deux poètes natifs de Séville : Antonio Machado (1875-1939), mort à Collioure, et surtout Vicente Aleixandre (1898-1984), lauréat du Prix Nobel de Littérature en 1977.

Plusieurs grands peintres espagnols sont sévillans. Il y a eu d’abord Herrera el Viejo [l’Ancien] (1576-1656) et Herrera el Mozo [le Jeune] (1627-1685), mais surtout Diego Velazquez (1599-1660) et Bartolomé Esteban Murillo (1617-1682). 

Le musée des Beaux-Arts de Séville possède des toiles de Murillo et de Velazquez, ainsi que José de Ribera et du Gréco.

Séville est de toute évidence un lieu favorable à une découverte pédestre. Arpenter les ruelles de Santa-Cruz, c’est partir à la découverte de l’insolite, de l’inattendu. Une porte ouverte, sur une façade en apparence banale, permet d’entrevoir un joli patio, puits de lumière enchanteur empreint d’atmosphère arabo-andalouse. En levant les yeux, on aperçoit parfois un balcon à consoles ou en encorbellement, voire un moucharabieh ouvragé rappelant l’Afrique du Nord. Alors, le soir venu, il est temps de s’asseoir à la terrasse d’un café pour savourer des tapas avec un verre de sangria, sur un fond de guitare andalouse.

 

Liens :

Wikipedia

UNESCO : https://whc.unesco.org/fr/list/383/