Tranche de vie

Mère au foyer

Derrière ces lignes se cachent des tonnes de coquillettes au jambon, des kilomètres en poussette et porte bébé, des milliers d’histoires du soir et enfin des heures à tester la nouvelle méthode de parentalité machinchouette.

Par Perrine Tavernier

En France, lorsque je travaillais, j’ai rêvé un millier de fois d’être à la maison pour passer du temps avec mes enfants. J’avais cette vision idyllique de la femme au foyer qui a le temps pour tout. En suivant mon mari à Hong-Kong, durant les premiers mois, j’ai mis ma carrière entre parenthèses pour me consacrer à ma famille.
Les cinq premiers mois, je les ai passés avec mon fils de trois ans et mon bébé de trois mois sans helper, sans amies pour me changer les idées, sans famille pour m’aider et sans lave-vaisselle. J’avais tout organisé dans ma tête : les activités de la journée avec les enfants qui n’étaient pas scolarisés, les livraisons de courses pour préparer de bons petits plats. Tout était réglé comme du papier à musique et cette période ne devait être qu’un pur moment de bonheur. Sauf que rien, absolument rien ne s’est passé comme prévu.
Dans mon ancienne vie de femme active, je sous-estimais totalement le temps et l’énergie nécessaires pour tenir une maison et s’occuper de ses enfants. Et pour cause, je ne l’avais jamais fait. A Paris, j’avais une fée du logis qui nettoyait notre appartement et je récupérais mon fils le soir pour ne passer que des moments de qualité avec lui sauf que je n’en avais pas conscience…
Les activités pour mon fils aîné que je pensais durer une bonne heure étaient terminées en moins de 10 minutes. Chaque déplacement dans l’appartement s’apparentait au parcours du combattant avec le sol jonché de Lego. Je passais mes journées à quatre pattes pour récupérer les voiturettes planquées sous les meubles ou à côté du tapis d’éveil de mon bébé.
J’avais beau tout planifier, prête à dégainer le biberon, changer la couche, préparer les repas, lire une histoire et faire cette fichue vaisselle, ça ne fonctionnait pas. Ajoutez à cela le parachutage dans un nouveau pays où tous mes reflexes avaient disparus. J’ai souvent pensé à mon boucher parisien, c’est fou comme une tranche de jambon et des carottes rapées peuvent vous sauver une journée.
Dans mes grandes théories d’ignorante, j’avais imaginé me reposer pendant les siestes des enfants mais je profitais de l’accalmie pour ranger, faire les lessives…
L’après-midi, nous sortions tous les trois. Côté look, j’étais proche de celui de Mike Horn durant ses expéditions tropicales. J’ai eu le sentiment d’avoir passé ces premiers mois à Hong-Kong trempée de pluie ou de sueur. Avec mon fils cadet en porte-bébé, cette chaleur humide m’assommait et courir après mon fils aîné relevait de l’impossible dans ces conditions. Acheter une laisse m’a même frôlé l’esprit.
Et quand la soirée arrivait et je me tapais le tunnel « bain-repas-histoire » avec une mise au dodo apocalyptique qui signant une fin de journée en apothéose.
Je pensais accueillir mon mari le soir avec une table dressée et un brushing impeccable. Il me retrouvait sur les rotules, affalée dans le canapé en ayant à peine eu le temps de prendre une douche. Je cumulais énervement, désillusion et frustration. La descente aux enfers était proche avec l’arrivée à grands pas du pétage de plombs.
Une chose a fonctionné, mon importation personnelle de lait infantile. J’ai toujours eu un côté prévoyant et cette tendance s’est nettement accentuée à la naissance de mes enfants. A défaut d’avoir vu ce halo de lumière qui, soi-disant, nous éclaire toutes à la naissance de nos enfants (l’instinct maternel), il y a quand même quelque chose qui a dû lâcher dans mon cerveau au moment de l’accouchement. Depuis que je suis mère, je suis capable de vous faire la cartographie complète des risques pour chaque situation avec mes fils.

En France, j’assimilais un week-end en Bourgogne à la traversée du Sahel, alors partir à Hong-Kong définitivement… J’étais préoccupée par le lait infantile de mon cadet. J’ai décidé de partir avec le stock complet de lait dont il aurait besoin jusqu’à ses six mois. Et c’est ainsi qu’on m’a laissé passer avec 16 boîtes de lait. Chaque biberon était un moment d’autosatisfaction.
Pour le reste, j’ai revu mes ambitions à la baisse. Adios mère courage ! La maison a frôlé l’état de porcherie et j’ai eu plaisir à constater la grande faculté d’abstraction de mon mari sur l’état de l’appartement. Les enfants n’ont pas eu de bains tous les jours et dans les moments les plus durs, j’ai allumé la télé (pas d’écran avant trois ans !).
Il y a eu des moments compliqués et il y a eu des moments merveilleux.
J’ai aussi compris qu’il était grand temps que je trouve quelqu’un pour m’épauler au quotidien…

Ma playlist
Artiste : Henri Salvador
Titre : Le Loup, la Biche et le Chevalier (Une chanson douce)

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