Evasion

Malte & Gozo : petites îles, grande histoire

L’État maltais est le plus petit pays de l’Union Européenne. Composée de quatre îles habitées, cette petite république accumule quelques particularités atypiques. La langue maltaise est la seule langue sémitique d’Europe. Ancienne colonie britannique, la conduite se fait toujours à gauche et la langue véhiculaire et commerciale reste l’anglais.

Par Christian Sorand

La spécificité de ce petit archipel tient au fait d’un emplacement stratégique unique qui a favorisé un passé historique riche et diversifié.

La carte de la région révèle que Malte est située exactement au centre de la Méditerranée, à l’emplacement du canal de Sicile (large de 145km). C’est donc un lieu stratégique de première importance entre la Méditerranée orientale et occidentale. Les côtes de Sicile sont à moins d’une centaine de kilomètres. Elles sont visibles par temps clair ou de nuit. Une telle position géographique en a fait, très tôt, une étape idéale au gré de l’histoire maritime méditerranéenne. D’ailleurs, le nom de Malte provient de la racine phénicienne MLT, désignant un “refuge”, terme latinisé en Melita.

Un passé ancien et riche.

C’est donc en termes de géopolitique qu’il faut appréhender l’extraordinaire histoire de cet archipel constitué de huit îles et îlots dont quatre seulement sont habités.

Son histoire commence il y a plus de sept mille ans. Elle évolue en trois étapes. Au Néolithique, vers 5400-5200 av. J.-C., un premier peuplement constitué par des agriculteurs vivant de chasse et de pêche, arrive de Sicile. Cette phase se caractérise par des dessins géométriques. Puis vers 4100-3800 av. J.-C., une nouvelle vague migratoire arrive également de Sicile, apportant le concept des sépultures collectives et des temples en forme de trèfle. Vers 3300-3000 av. J.-C., les sanctuaires adoptent une forme en cinq absides. C’est la période de l’hypogée circulaire de Xaghra et du culte des morts lié à la Terre-Mère sur l’île de Gozo. Vers 2500 av.J.C., à l’âge du Bronze, les îles sont abandonnées mais de nouveaux habitants débarquent, probablement venus de l’Italie du sud. Cette dernière vague migratoire s’effectue en deux temps. Sur l’île de Malte, débute la période des dolmens ou des sépultures de Tarxien, vers 2500-1500 av. J.C. Puis la phase de Borg in-Nadur, celle des villages aux huttes ovales et aux murs cyclopéens, vers 900-700 av. J.C.

Hormis le site de Göbekli Tepe en Turquie, les 26 temples cyclopéens de l’archipel figurent parmi les plus anciens monuments visibles de l’humanité et ont été classés au patrimoine de l’Unesco.

Dans l’Antiquité, dès le Xe siècle av. J.-C., les Phéniciens – peuple de grands navigateurs – sont déjà présents. Car Malte est une étape incontournable pour leurs routes maritimes intra-méditerranéennes. Tant et si bien que dès 725 av. J.-C, ils installent une colonie dans l’archipel. Au sud-est de l’île de Malte, le charmant petit port de pêche de Marsaxlokk perpétue la tradition phénicienne consistant à arborer l’effigie de deux yeux à la proue des barques. Le maltais étant une langue sémitique, on peut admettre l’hypothèse que ce sont les Phéniciens qui sont les ancêtres linguistiques avant même les Arabes.

Du VIIe au Ve siècle av. J.-C., les navigateurs grecs partagent pacifiquement le territoire avec les Phéniciens. Dans le récit de l’Odyssée d’Homère, Ulysse échoue sur la plage de l’île d’Ogygia où il tombe amoureux de la déesse de la mer Calypso, fille du Titan Atlas. La grotte de Calypso est devenue une attraction touristique importante de la côte septentrionale de l’île de Gozo.

Les Carthaginois prendront la relève, mais lors des guerres puniques, les Romains occupent l’archipel à partir de 218 av.J.-C. jusqu’à l’an 395 de notre ère, date de la fin de l’Empire romain.

Le Moyen Âge devient le théâtre d’un flot continu d’envahisseurs : Vandales, Ostrogoths, Byzantins ; au IXe siècle, les Aghlabides d’Afrique du Nord, en route pour conquérir la Sicile, s’emparent de l’archipel. En 1090, c’est au tour des Normands de Sicile de reconquérir l’archipel en propageant le catholicisme. L’arabe maltais s’enrichit ainsi de mots siciliens, italiens et français. À la Renaissance, l’île de Malte va connaître l’une de ses plus importantes occupations historiques avec l’arrivée de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem (de 1530 à 1798). Le grand maître de cet ordre, Jean de Valette (1494-1568) fonde la capitale de l’île en 1566 la ville. La Valette est restée la capitale de la jeune république.

Après avoir chassé l’Ordre de Malte en 1798, Bonaparte occupe l’île à son tour, mais à l’appel des Maltais, le territoire devient une colonie britannique de 1814 à son indépendance en 1964. Ceci justifie le fait de la conduite à gauche et de l’anglais, comme deuxième langue officielle. Cette particularité est à l’origine des séjours linguistiques aujourd’hui en vogue parmi les jeunes.

L’État maltais est devenu membre de l’Union européenne le 1er mai 2004 et a rejoint la zone euro le 1er janvier 2008. Tout en étant le plus petit État de l’U.E., avec son demi-million d’habitants, Malte bat aussi un autre record : avec 1,421 habitants au km2, elle est le pays européen ayant la plus forte densité!

L’île de Malte.

Cette particularité territoriale s’explique par des distances minimales. L’île de Malte, la plus grande, a 27 km sur 14,5 km, tandis que Gozo, seconde en taille, n’a que 14,5 km sur 7 km.

Si les Valettins sont au nombre d’environ 6,500 habitants, la communauté urbaine de la capitale est bien plus vaste ; la zone portuaire inclut les trois villes de Paola, Cospicua et Kalkara, sans compter l’anneau urbain qui les entoure. Un second texte évoquera la communauté urbaine de La Valette.

Au sud-est de l’île, à proximité de St. John’s Bay, la grotte phréatique de Ghar Dalam (litt. la grotte obscure) est le plus vieux site préhistorique. Cette cavité longue de 144m date de l’époque glaciaire du Pléistocène, soit d’environ 200,000 ans. On y a retrouvé des restes d’animaux de cette époque, tels des hippopotames ou des éléphants nains. Plus étonnant encore, on y a identifié la molaire d’un homme du Neandertal vivant ici il y a 30,000 ans. Ce qui indiquerait que le peuplement de l’archipel est beaucoup plus ancien qu’on ne le croyait.

Au sud de l’île, les falaises de Dingli forment un paysage panoramique de la mer. Le complexe mégalithique de Hagar Qim se trouve ici. Deux temples ont été restaurés et témoignent d’un style architectural monumental vieux de plus de 5,000 ans. Ce site classé par l’Unesco en 1992, est l’un des plus anciens existant au monde.

Au centre-nord de l’île, perchées sur une colline, les villes jumelles de Mdina et de Rabat, sont deux autres lieux inéluctables.  La ville médiévale de Mdina (terme sémitique signifiant la ville) est un bel exemple de site fortifié. Fondée par les Phéniciens sous le nom de Maleth aux alentours du VIIIe siècle av. J,-C., la ville a été rebaptisée Melite par les Romains. Durant tout le Moyen Âge, elle a été la capitale de l’île jusqu’à l’arrivée de l’Ordre de St. Jean en 1530. Son charme médiéval a servi au tournage de la série télévisée “Game of Thrones” (Le Trône de Fer, en français). La ville attenante de Rabat doit son nom au terme arabe de Rbat désignant un lieu fortifié. La capitale royale chérifienne partage le même toponyme. Le site de Rabat est surtout connu à Malte pour ses catacombes. L’une d’elles a abrité saint Paul. Son bateau, en route pour Rome, avait fait naufrage sur une île au large de baie portant aujourd’hui son nom (St. Paul’s Bay).

L’île de Gozo.

Depuis la pointe nord de l’île, Gozo est reliée par un service continu de ferrys. La traversée passe au large de l’île de Camino. L’arrivée se fait au joli petit port de Mgarr.

En dépit de sa dimension bien modeste, Gozo est moins densément peuplée. Le paysage est en revanche plus verdoyant. La qualité de son sol calcaire en est la cause. Au centre de l’île, la ville de Victoria, le chef-lieu, est dominée par les remparts de la ville haute : la Citadelle. Son charme historique offre depuis ses remparts un panorama circulaire sur la ville basse, les vallées environnantes et même l’île dans sa totalité.

Malgré son relatif isolement, Gozo est aujourd’hui aussi développée que l’île de Malte. Son histoire commence dès le Néolithique. Une visite au site archéologique du temple de Cgantija s’impose. Ce complexe, classé au patrimoine de l’Unesco, vieux de 5500 ans, est plus ancien que Stonehenge ou que les pyramides d’Égypte.

Malgré la taille modeste de l’archipel maltais, on reste surpris d’y trouver une telle richesse historique et surtout une telle ancienneté.

Malte est aujourd’hui une jeune nation prospère et dynamique. Le site naturel du port de La Valette est non seulement devenu une escale majeure pour les croisières en Méditerranée, mais c’est aussi un lieu de transit important pour les porte-containers sur la route maritime entre le canal de Suez et le détroit de Gibraltar. L’archipel est également devenu un lieu de séjour touristique prisé grâce à la clémence de son climat.

Liens :

Wikipedia – visiterlavalette.com – visitonsmalte.com – lasiciliainrete.it – maltauncovered.com – visitmalta.com – whc.unesco.org